vendredi 30 octobre 2015

LUCY de Luc Besson (2014) par Lucy B.



Ça y est ! Je l’ai vu, ce fameux film, recordman mondial d’entrées à l’international pour une production française, et je ne sais quel combientième film de Luc Besson depuis qu’il a annoncé sa retraite derrière une caméra. Besson / Aznavour, même combat : y font leurs adieux depuis 20 ans ! 


Ça commence plutôt bien, cette Lucy et ce type, qui se chamaillent devant un hôtel de Taïwan pour savoir qui va livrer une mallette à un certain Monsieur Jang. Et hop, que je te menotte la précieuse valoche au poignet, et vas-y ma grande. La pauvre Lucy, morte de trouille, embarquée dans cette histoire de dope surpuissante - le CPH-4, hormone synthétisée. C’est joli, c’est bleu, on dirait du sel de rinçage pour lave-vaisselle. On lui en coud un sachet de 500 grammes dans le bide, elle devra servir de mule, avec trois autres types. 

Question au scénariste : si l’organisation de Jang donne à Lucy un faux passeport et un billet d’avion pour livrer la dope à Paris, pourquoi ils l’enchainent ensuite dans une geôle, et la tabassent ? Parce que le sachet bleu explose sous les coups de pieds, la dope se répand dans le corps de la belle blonde, qui se transforme en Wonder Woman. Ses capacités intellectuelles décuplent. Et quand on devient super intelligent, on sait faire quoi ? Manier les armes. Lucy, en bonne héroïne bessonnienne (elle rejoint une ribambelle de donzelles à poigne, Nikita, Jeanne d’Orléans, Lee-Loo…) choisit de régler ses comptes elle-même, récupérer les autres sachets de dope, et dézinguer les mafieux.  

Pendant ce temps là... le professeur Norman (Morgan Freeman qui arrondit ses fins de mois) explique à une assemblée ce qui se passerait si l’Homme utilisait 15, 20, 40% de ses capacités neuronales. Un charabia illustré d’images du National Geographic, avec plein de mammifères qui copulent. Besson, c’est toujours très léger…  Mais peu importe, on est dans la science-fiction, donc pourquoi pas. Au début, son histoire, à Besson, elle se tient. 

On apprécie certaines scènes, comme celle de l’hôpital, où pendant qu’un chirurgien opère Lucy (sans anesthésie), elle téléphone à sa mère, pour lui dire qu’elle se souvient de sa prime-jeunesse, les sensations passées, lointaines, y compris le goût du lait maternel. Jolie scène. Gros plan, fixe, sur Scarlett Johansson (convaincante), le réalisateur lui laisse le temps de jouer, c'est bien, mais pourquoi ces plans de coupe sur la plaie du ventre... Ça gâche tout. D'ailleurs, Scarlett Johansson joue sur le registre de la non-émotion, puisque Lucy ne ressent ni la peur, ni le désir, ni la douleur, ni la honte... 

Le souci à ce stade, c’est plutôt la violence à l’écran. Besson a-t-il besoin de nous asséner ces fusillades à répétition. Lucy tue sans discernement. Un carnage. Intelligente comme elle est, c'est un peu bourrin. Pire : elle ne cherche jamais à tuer Jang, le vrai méchant ! Bourrin, et conne. A un médecin qui lui demande : « prouvez-moi que vous avez connaissance de tout », elle pourrait dire : « vous vous êtes marié un 4 avril, la pièce montée était à la fraise » ou un truc rigolo comme « lors d'un séminaire à la Barbade en 2009, vous avez trompé votre femme avec la secrétaire… ». Mais elle répond : « votre fille de 7 ans est morte écrasée par une voiture bleue ». Lucy n’est ni sympathique, ni rigolote.

Question mise en scène, après quelques bonnes idées visuelles, on verse dans le jeu vidéo GTA, plus tu recharges tes accus, plus tu flingues, tu élimines, tu génocides. La dernière scène de fusillade à la Sorbonne est interminable et stupide, les mecs tirent des chargeurs entiers dans les murs, et Super-Lucy pourrait les neutraliser d'un claquement de doigt, mais n'en fait rien. Pourquoi ? A 22% elle envoyait grâce à ses pouvoirs kinésiques, des mecs se coller au plafond. C'était plus marrant.  

A la moitié du film, on commence à décrocher. La scène de l’avion… « Madame, sortez des toilettes, on va atterrir ». L’autre, elle se liquéfie aux chiottes, se transforme en méduse ! Des poils lui poussent sur la main comme dans le clip « Thriller » de Michael Jackson ! Besson abuse du numérique, c’est laid, c’est bête. Quand Lucy lit dans la mémoire de Jang, (elle est pourtant futée cette scène) a-t-on besoin de ce parcours de kart dans le cortex du mafieux ? On croirait une pub pour shampoing quand on vous montre des cheveux grossis 10 000 fois !  

Besson situe la seconde partie de son film à Paris. Donc, avec des personnages de flics bien franchouillards. Philippe Clair, Max Pécas, sortez de ce corps ! Vous vous souvenez des profils psychologiques de TAXI ? Ben, c’est le même niveau. On a droit à une poursuite en voiture, normal, y'a que dans JEANNE D'ARC qu'il n'y en avait pas, frénétique, mais tellement retouchée au numérique que ça perd tout intérêt.

Lucy en est à 70% de ses capacités intellectuelles. Encore 30 à tenir… Elle peut changer de forme, comme Barbapapa !! Le professeur Norman et ses confrères s’entretiennent du cas. Besson matérialise l’emprise intellectuelle de la greluche par des espèces de tentacules visqueuses et noires qui font slurp. Pourquoi ? Et c’est le trip au CPH-4, voyage aux confins de l’Univers. Lucy croise… Lucy, la petite australopithèque d'Yves Coppens. Il n’a peur de rien Besson. Il nous refait la scène de 2OO1 avec le monolithe et les singes, la même, pile poil. Lucy-la-blonde index contre index face Lucy-la-velue, citant « La création d’Adam » de Michel-Ange, à moins que ce soit « E.T. » de Spielberg.   
    
D’une série B honnête, rythmée, rigolote, Besson passe au jeu (vidéo) de massacre pour finir par la métaphysique. Franchement, je n’ai pas compris. Arrivée à 100% de ses capacités intellectuelles, Lucy accède à la Conscience Suprême (un truc du genre Dieu…), elle est partout et nulle part, garante de la connaissance absolue, qu’elle enferme dans une clé USB (combien de méga-octets ?) et donne à Norman. 

Et puis ? C'est tout ?  Comme TAKEN, y'aura un n°2, et un n°3 ? Un méchant va piquer la clé ? 

Coluche disait : « Dieu, c’est comme le sucre dans le lait chaud, plus on le cherche, moins on le trouve ». Le pourquoi du comment du scénario, c’est pareil, plus on cherche… Le mieux est donc de ne pas y penser, n’utiliser que 2% de ses capacités intellectuelles, et là, on peut apprécier le film ! 

 LUCY (2014) scén. et réal. Luc Besson
Couleurs  -  1h30  -  scope 2:35
 


ooo

11 commentaires:

  1. J'ai eu les mêmes réactions que toi en voyant le film, des idées basiques comme la pseudo scène de 2001 ou de combien d'octet était la clé ! Un film qui sur la fin m'a fait pensé au film "Le cobaye"en 1992 avec Pierce Brosnan ou dans la dernière scène le principal protagoniste termine en s'infiltrant dans le réseau téléphonique. Ah oui, il n'y a pas que dans Jeanne d'Arc qu'il n'y avait pas de poursuite de voiture mais aussi incroyable que cela pourrait l'être, il n'y en avait pas dans Nikita.

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  2. Ouais, même dans Le Grand Bleu y'avait une course de Dauphines...
    Je sors, je sors...

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    1. Dans Jeanne d'Arc, c'était des poursuites en deux chevaux.... (je te rejoins dehors...)

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  3. "par des espèces de tentacules visqueuses et noires qui font slurp. Pourquoi ?"
    Il m'a semblé que c'était un hommage à la collaboration de Jodorowsky et Moebius.

    Quant à Lucy, celle de la préhistoire, c'était facile mais raté, car depuis quelques années (des lustres ?) qu'il est admit que la fameuse Lucy fait parti d'une branche parallèle à celle de l'évolution humaine. Mais c'est bien dans l'esprit de nombreuses productions américaines qui se plaisent à refaire l'histoire (... bien généralement à leur convenance).

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  4. Sinon, pour ma part, j'ai tout de même bien aimé ce film (mais est-ce que le joli minois de Scarlett n'y a inconsciemment pas contribué ? ).
    Même si, effectivement, la course poursuite en voiture (qui frise le ridicule avec des plans rabâchés - des copier-coller de ses films -) et la stupide fusillade finale le grève considérablement (on frôle l'overdose).
    Luc - Lucy - Lucy - Lucifer ? Nom di Diou !! La grande révélation !!

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    1. Oui, ce n'est pas le navet intégral comme certains l'ont hurlé, c'est court, rythmé, très bien photographié, décors et tout, c'est impeccable, mais ça manque cruellement d'humour, les personnages sont inexistants, et c'est plombé par plus d'une scène totalement improbable.

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  5. Mouais, je vois bien le truc avec Moebius, c'est un effet qu'on avait déjà vu. J'espérais un peu de nouveauté, un truc plus "poétique", plutôt que ces plans rabâchés depuis 70 ans dans les films de SF, comme lorsqu'elle crache de la lumière pour la bouche, les yeux, on avait déjà ça dans les épisodes de Goldorak !!

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    1. Rôôôô... la référence... Goldorak... non, pas ça.
      Je pencherai plutôt pour les comics-book des 60's. En l’occurrence, ceux de la Marvel, et plus précisément les dessins et l'univers de Jim Starlin et de Jack Kirby (dont s'est inspiré Moebius).

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  6. Je pense que dans Jeanne d'Arc Besson avait mieux bûcher son scénario...
    Je sors aussi avant que ça chauffe....

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    1. Très bon !!! Mon fiston est au bord de la dépression suite à cette série de calambours désastreux !!!

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  7. La prochaine fois Luc, essai plutôt la comédie romantique "Autour de Lucy". Moi j'aime beaucoup. T'es pas un romantique ???

    Pour les jeux de mots, en revanche chapeau les gars...

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