Chronique dédiée à l'un de nos plus fidèles lecteurs qui se reconnaitra…
- B'jour M'sieur Claude… Tiens un
San-Antonio sur vot' burlingue, ça fait drôle un roman populaire entre un coffret
Chostakovitch et un opéra de Debussy !!!
- Héhé bibiche, z'ètes pas en
cloque par hasard ? On dirait qu'il y a promo sur les melons vendus par deux,
recto et verso quand je vous mate… haha !!
- OH !!! M'sieur Claude, avec tout
mon respect, quelle grossièreté envers moi ! Vous avez fumé la moquette ou quoi
?
- Désolé mon petit, juste un essai
pour savoir si je suis un poil crédible dans le rôle du commentateur de la fine
prose de maître Frédéric Dard…
- C'est vrai, j'en ai lu deux ou
trois, cet auteur n'a peur de rien, on ne comprend pas toujours tout, c'est la quintessence
de l'art-gothique, de la figure de style délirante…
- Comme vous le dites. Aller, je
me jette à l'eau (dirait la grenouille) comme gribouille pour rédiger le
brouillon et ne pas passer pour un couillon aux yeux de mon commanditaire…
Pour rédiger ma bafouille j'avais choisi, l'œil brillant,
San-Antonio chez les Mac (1961), m'imaginant une histoire
bien troussée (forcément) quelque part entre les rues Saint Denis et Barbès avec
un commissaire San-Antonio pratiquant les fouilles au corps, et un Bérurier hyperactif dans les enquêtes
de proximité auprès de ces dames. L'inspecteur ventripotent à la recherche des perles
rares du plus vieux métier du monde (origine de l'expression "enfiler des
perles"). Trahi par mes mirettes collector, mes lorgnons (-2.00 +2.00 75/85 2.75)
et un popol complice, je n'ai point assez reluqué la typo du titre avec le M majuscule, ni la demoiselle en kilt
et en couverture (deux accessoires qu'elle balancera promptement) sirotant un
glass de… Whisky. Mac Hache pour la fesse et son p'ti commerce, et direction
les Aïe landes et les trafics de Whisky Mac Machin assaisonné à la came comme on va le zyeuter
plus avant. Pas trop en carafe du coup votre Toon car il aime le single malt (à
boire modérément Philou) et, par ailleurs, la galipette fait toujours partie intime de la
narration chez l'auteur. Sniff, de la neige diluée dans du bon scotch, l'Apocalypse !
Dans la rédac, on s'interroge sévère sur le Toon
plongé dans la gauloiserie entre la mets-ta-physique mortifère du Gustav et le
contrepoint du père Bach (un point à l'endroit, un point à l'envers). Ben,
comme avec Paul Sacher et ses commandes aux musiciens majeurs souvent mis à
l'index au XXème siècle, je réponds à une commande d'un lecteur fidèle
avec qui nous nous frittâmes comme des barbares il y a deux trois ans par
commentaires venimeux interposés. Avec le temps, pax domine (comme dit sa sainteté le Pape) et
enterrement en grandes pompes (48) de la hache de guerre. Et voilà comment en
ce matin frisquet, je tartine un commentaire de texte à propos de la grivoiserie dans la
littérature policière.
Ahhh mes chers lecteurs, pas trop déçu par cette
tentative hépatique (comme dirait Pat) d'introduire le sujet (pas Sonia) à
"la manière de". Foxy avait déjà abordé et encensé Frédéric Dard par le biais de coms sur ses
romans noirs écrits d'une manière plus classique (Clic). Une autre facette de
l'écrivain, comme Simenon alignant les Maigret
d'un côté et, d'un autre, nous bouleversant avec des drames de mœurs comme le chat (Ah… Gabin et Signoret dans
l'adaptation ciné !). Continuons : il y a ceusses qui ont déjà bouquiné les
délires san-antoniesques et les autres à affranchir.
Les personnages récurrents :
Commissaire
San-Antonio : Bellâtre inépuisable, ingérable, au bourre-pif
facile, qui a oublié ou n'a jamais appris le code de procédure pénal. Atteint
du syndrome de Priape, il conquiert toute personne ayant un génome XX, avec une
aisance à démoraliser tous les mâles standards. Se fout toujours dans le pétrin
en menant des enquêtes emberlificotées aux suspects surabondants, mais les résout en
deux pages à la fin de l'intrigue. La méthode de Hercule Poirot dans Agatha
Sacristie, mais avec les baffes, les hématomes et les coïts improvisés en plus.
Vit chez maman (rarement) nommée Félicie.
Inspecteur
Bérurier : Obèse, cradingue, mal rasé, bouffe comme un boa (un
plat ou un casse-dalle = 1 bouchée), marié à Berthe, une monstruosité anatomique dénichée au muséum, galerie
tératologie. Plus malin qu'il n'y parait, débrouillard et risquetout. La torgnole
tarée à 120 kg pour les interrogatoires. Cause pire qu'un charretier. "Foutre-fichtre, je m'a fadé the last
papelard du Toon sur le sé-ria-lisme. Un truc de dingos : se farcir une
douzaine de thons à la suite. Une idée de deux boches dont les blazes chutent
en berg…. Et blablabla". Vous voyez le genre du discours et de la
culture (on peut enlever le "ture"). Lui aussi, la testostérone au
taux plafond et le braquemard plus actif que le Vésuve. Complice favori des
aventures du commissaire.
Sans oublier Le Directeur, alias Le Vieux, Peau de
Fesse, etc. Procédurier, pinailleur, mais bon prince avec S.A. qu'il a "démissionné"
x fois et réintégré dès que les malfaisants sont coincés. Pinaud, un inspecteur
qui seconde le commissaire quand il a le temps, le fonctionnaire de police
passant son temps à préparer des fils de pèche et des mouches ! Pas celles
satellisées autour de la tignasse graisseuse de Berurier. Dommage, il y aurait
de l'économie dans le principe. Bon je vous narre l'intrique de ce polar :
San-Antonio a pris
un p'ti congé chez un tonton qui lui casse les esgourdes et les noix avec ses
exploits à Verdun. Faux coup de fil, S.A. fuit les tranchées par le train et
lève une rouquine motivée dans l'accordéon séparant deux wagons. Roucoulade
puis roulage de patin (pas d'essieux) dans un tunnel. Essayez ça, vous, et
direct les assises pour harcèlement… Hélas pour S.A., pas de phase post préliminaire,
car Le Vieux bigorne à pas d'heure et l'envoie dans le monde chic où un troupeau
de notables réuni par le sieur Léon Petit-Littré déglingue ferme après un symposium
au Whisky à gogo. S.A. - il assure ce flic - déniche un blended Mac Gregor à l'arrière-goût
de narcotique !! Deux problèmes sinon rien. On ne trouve ce millésime distillé
par Miss Daphné Mac Gregor qu'en Écosse et Le Vieux ne veut pas d'enquête officielle
éclaboussant la haute société. Et c'est ainsi que S.A. et Le Béru s'envolent
taquiner Nessie (car il y en aura un) et démêler l'embrouille. Quelques
cadavres, Béru noyé dans une barrique de single malt (pas de bobo, il est mithridatisé
le gros), Béru engagé chez les Mac Gregor comme Maître d'hôtel… Bref la loufoquerie
d'une enquête qui n'avance guère Dard-Dard (je ne pouvais pas la louper) mais disperse à gogo les pépites-du-récit et nous ballade vers une chute renversante. La rigolade surgit du style de l'auteur…
J'attaque l'analyse logique et grammaticale encadré
par les deux petits roberts de Sonia (noms communs et noms propres… heuu vous pensiez
à quoi ?). Frédéric Dard dynamite la
langue française comme un certain Rabelais.
La collection San-Antonio représente la méthode Assimil
ultime de l'argot. Historiquement, l'argot permettait aux malandrins et
brigands de communiquer secrètement en un temps ou le portable jetable
n'existait pas !! (Le Deblocnot : un puits de culture). L'astuce de l'écrivain
consiste à les saupoudrer dans le flot des phrases en langage humain de base, de
façon à nous faciliter la transposition en mots usuels. Question figures de
style, voilà le tsunami : les métaphores de quelques mots à une page. Parfois
longuettes mais d'une imagination folle. Les noms des personnages regorgent de
calembours rigolos ou vaseux. Le récit butine de la blague carambar à la vanne
de collégien en passant par la diatribe philosophique maltraitée. Comme Ferré, Frédéric
Dard (ils se connaissaient) honnit la prose qui rampe vers le rince-doigt.
Dernier détail, les péripéties prennent la forme d'un récit sous la plume du
commissaire himself. De fait, toutes les répliques sont suivies d'une
apposition comme "ajoutais-je", "précisais-je", ou encore "demandé-je"
: un artifice et même une faute d'accord volontaire qui exige un accent pour
satisfaire la liaison. On ne trouve cette formulation que chez S.A. pour épicer
les dialogues et faire précieux…
On pourra détester ce style parfois grivois, on
adorera ou, le plus souvent, on lira une de ces histoires sans queue ni tête
mais avec beaucoup de tétons. 175 volumes à la suite peuvent saouler la tête
par les redites à l'instar de l'écoute en continue des 555 sonates de Scarlatti pour lorgner vers mes
chroniques habituelles. Une dizaine, c'est cool, mais plus, on coule dans la
pioncette…
Une seconde lecture avec le titre "Tout le plaisir est pour moi" : S.A.
a une nuit pour prouver qu'un gars devant être raccourci à l'aube est innocent.
Problème le condamné s'accroche à sa culpabilité… Bizarre et toujours rigolo.
S.A. systématiquement drôle ? À voir. Dans un style
sarcastique et cynique inénarrable, Sans-Antonio
met en scène des pantins monstrueux qui s'agitent dans leur merdier. Derrière
la farce, l'auteur théâtralise des vraies brutes qui portent chic mais assassinent
et fricotent des coups tordus dans la plus pure immoralité. Assassins bourgeois
ou ratés ambitieux, bien sapés, le petit doigt en l'air pour prédater en beauté.
Des guignols détestables une fois la dernière page tournée. Les moches, crasseux
et gouailleurs, qui baisent comme des gallinacés, on les aime mieux, jusqu'à
souhaiter descendre un petit ballon de rouge avec eux (après avoir essuyé le
verre), ne serait-ce que pour participer au concours de vannes et de
calembours… Une comédie humaine goguenarde, déjantée, poilante mais un rien
misanthrope. Frédéric Dard se foutait d'occuper une place quelconque dans le best of de la littérature. Il avait
raison, c'est à cela que l'on reconnait les écrivains sincères face aux bobos
littérateurs du tout Paris. Dans le reportage ajouté à la fin, l'auteur
témoigne "en avoir chié" à écrire ses calembredaines. Je veux bien le croire à la
fin de ce billet…
Henri Calvin |
S.A. au cinoche : Attention, il est illusoire de tenter une approche de la douce folie rédactionnelle de la saga San-Antonio à travers le visionnage des quatre nanars
(plutôt navets) tournés pour la toile. Impossible de transposer le feu de Bengale
verbal des romans.
Quant aux personnages aux faciès caricaturaux, leur
attribuer la tronche d'un acteur connu sera toujours vain. Si pour le sémillant
et sexy commissaire, un Gérard Lanvin
peut donner illusion, que dire de Depardieu
qui reste Depardieu et n'a en rien
la bouille de Berurier…
Un seul acteur aurait pu nous y faire croire, le
comique américain Henry Calvin
devenu le sergent Garcia pour l'éternité dans la série TV Zorro de Disney. Une
dégaine pareille, ça ne court pas les rues.
Bon, pour l'exhaustivité de l'article, la
liste :
Commissaire san antonio "sale temps
pour les mouches" de Guy Lefranc (1966) avec Jean Richard dans le rôle
de Berurier et Gérard Barray dans
celui de M'sieur le commissaire, des dialogues de Michel Audiard (!). Oublié, oubliable et inexistant en DVD. Trois
autres films ont été adaptés de l'œuvre de Frédéric Dard : Béru
et ces dames en 1968, avec les mêmes réalisateur et comédiens. A suivi San-Antonio ne pense qu'à ça en 1981 de Joël Séria avec Pierre Doris et Philippe
Gasté. Bref une série de navets hors sujet. Et pour finir San-Antonio en 2004 avec le duo
Lanvin-Depardieu, bof.
Deux vidéos : 1 - Frédéric Dard évoque ses amis, la littérature moderne, son œuvre. Passionnant. 2 - L'auteur dans l'intimité en Suisse avec ses enfants, sa machine à écrire et ses "poulets", un ami des animaux...
Hé les aminches ! Il a pas eu le traczire de baragouiner l'argomuche le père Claude ! Seulement, il faut y traver quelques chose a la langue d'auguste le breton. A quand une chronique en largonji des louchébems ?
RépondreSupprimerIl y a tous ces calembours et expressions d'argot, mais aussi, cette manie de s'adresser directement au lecteur. Par exemple, c'est Dard qui va dire que pour finir son chapitre, il lui reste deux paragraphes, contractuellement, mais il a la flemme, décide de ne pas écrire la fin du chapitre, et que de toutes façons, il se démène pour rien parce que le lecteur est un con qui ne mérite pas de lire une aussi belle prose... etc... Dard se flatte lui même et insulte son lecteur !!
RépondreSupprimer