vendredi 10 juillet 2015

COMME UN AVION de Bruno Podalydès (2015) par Luc B



Voilà le film qui fait du bien, en ce moment, avec tout ce qu’il se passe, ma bonne dame. On dit toujours qu’une bonne comédie, il n y a que ça de vrai pour le moral des troupes, mais c’est encore mieux lorsque cette comédie porte avec elle du rêve et de l’évasion, de proximité, à moindre frais.
C’est ce que Michel décide de s’offrir, du rêve, son rêve. Non pas qu’il soit malheureux, il est marié à Rachel, qu’il qualifie de lumineuse, et il n’a pas tort. Il est animateur 3D, dans la boite de son frère. Ce qui nous vaut séquence d’ouverture amusante, tout en fausses pistes et digressions. Michel adore Jean Sébastien Bach (que son frère s’obstine à prononcer Bahrrr) et les héros de l’aéropostale. Des aventuriers, des audacieux. Michel collectionne les posters, les maquettes d’avions, se voit offrir lors d’un anniversaire surprise calamiteux un splendide lampadaire en forme de carotte d’aéroport !
C'est après tout un délire autour des palindromes, ces mots qui se lisent dans les deux sens, que Michel en arrive au kayak. Un palindrome, donc. C’est dans ces moments qu’on voit la précision de l’écriture, comment Podalydès enchaine les idées, les allusions, pour expliquer le processus : comment un fou d’aviation en vient à commander sur Internet un kayak, avec le projet de rejoindre l’océan, en partant des Yvelines ? Car voilà le nouveau rêve d'aventure de Michel.
La première partie donne dans le burlesque, Bruno Podalydès a le gag poétique, à la Buster Keaton, et le tempo de Blake Edwards, il aime les cadres larges. Il y a un côté cartoon parfois, on sait Podalydès amateur de BD, et de Tintin. On suit toute la préparation du voyage, le montage de kayak dans le salon, l'entrainement sur le toit, l'achat de trois tonnes de matos. Il le répète souvent, ce mot, c'est un mec de matos. Il prévoit même un extincteur ! Sa femme lui demande : mais pourquoi, tu seras entouré d’eau ?!
Après un dernier apéro, et une sieste avec Rachel, ça y est, Michel se met à l’eau. Et le film prend son rythme. La nature est contrariante, Michel appelle sa femme au téléphone 10 minutes après son départ, pour venir le remorquer car son kayak coincé dans une souche ! Il reprend sa route, et on le suit, paisible, à la fraîche, pagayer sur des bras de rivières ombragées. Tel Ulysse et ses sirènes (après s'être égaré, sur une rivière faut l'faire !), Michel tombe sur un îlot magique. Une gargote tenue par Laëtita, quinqua énergique tout en charme et rondeurs, secondée par la belle Mila (« - vous êtes d’où ? - Je suis milanaise. - Ah, comme l’escalope ?! »). Et deux gugusses adeptes de l’absynte, ce qui nous vaut  encore un numéro exceptionnel de Michel Vuillermoz, à la démarche monty pythonnesque.
Michel ne va bien sûr jamais redécoller. Tout intrépide qu’il soit, il ne résiste pas au farniente et aux coups de blancs le soir au coucher du soleil, et tout amoureux de sa femme qu’il soit, il ne résiste pas non plus au cul de Mila. Finalement, il est là le rêve de Michel, le fan de Mermoz : glandouiller au bord de l’eau, jouir du moment, ne pas renier son envie de ne rien foutre. Les scènes sont belles, la mise en scène astucieuse, millimétrée, Podalydès illustre son Eden de moments légers, cocasses et burlesques (la tente Quechia !)
On peut regretter que certaines (bonnes) idées ne soient pas davantage développées, pour en profiter plus longtemps ! Comme le coup des photos géolocalisées. Car Michel envoie des preuves à sa femme, de ses étapes, sauf qu’il est toujours au même endroit ! Il se contente donc de gros plans sur des troncs d'arbres ! Bonne idée aussi que ce pêcheur-Arditi, joué par Pierre Arditi, bourru au départ, puis grossier et carrément fou à lier ! Mais là encore, on aurait aimé que ça aboutisse en terme d'action, pas juste un gimmick comique. La fin est plus statique, à force de profiter de son petit paradis, et c'est vrai qu'on s'y sent bien, Michel/Bruno Podalydès en oublie de relancer son intrigue.
Les comédiens sont tous fameux, Sandrine Kimberlain en tête, Agnès Jaoui, Vimala Pons (trois beaux rôles de femme), Michel Vuillermoz...  Au début on tique un peu sur le jeu Bruno Podalydès acteur (il a toujours fait des apparitions dans ses films, là il tient le premier rôle), le visage moins expressif, le corps moins agile, surtout lorsqu’il est face à son frère Denis Podalydès 
Un film inventif, toujours amusant, jamais paresseux, basé sur le visuel autant que sur les répliques à double détente, un hymne au bonheur, simple, un conte libertaire qui charrie un charme certain. Il manque sans doute quelques développements et un coup de nerf dans la dernière partie, qui emballerait vraiment le tout.

 Couleur  -  1h45  -  format 1:85



ooo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire