Octobre 1983 Casino de Paris
Beaucoup
de mes chroniques commencent souvent par des souvenirs de concerts et ce n’est
pas pour rien, puisque voir un artiste en live est quand même beaucoup plus
excitant que de le voir en vidéo, mais arrêtons ici les évidences.
Pour une fois, je ne parlerai
pas d’un groupe, ni d’un chanteur (Bien
qu’il chante et fasse partie d’un
groupe), mais d’un musicien qui, à force de travail dans l’ombre des autres,
a su se faire une place au grand jour. J’ai vu Eric Serra pour la première fois
le soir du vendredi 14 octobre 1983 au
casino de Paris derrière Jacques Higelin. Il
était caché derrière une guitare basse (Une
Fender JB Fretless) que je trouvais énorme en rapport à sa taille plutôt
petite et son corps plutôt frêle. Je connaissais déjà son jeu de guitare après
l’avoir entendu sur l’album de Jacques Higelin «Higelin 82» et sur la B.O du film «Le dernier
combat» de
Luc Besson en 1983. Mais ce soir d’octobre, j’allais voir ce petit diablotin de
la basse en mouvement et non dans le noir du sillon d’un disque vinyle. A
première vue, je vois un gamin, un ado de 24 ans qui joue de la basse derrière
maître Jacques (Je dis «maître Jacques», mais ce dernier n’est pas du genre à tirer la
couverture à lui) et d’entrée, je ne suis pas déçu : «Œsophage-Boogie, Cardiac’ Blues» ou
le jeu de Tapping se mélange au Slap, au Step. Toute la panoplie technique du bassiste y passe avec des effets
de Glissando et de vibrato
de temps à autre. Même chose sur «Cayenne» toute la palette de son talent
passe par ses mains, avec pratiquement toujours la tête tournée vers son manche, tout
en sautillant en rythme comme un lapin ayant avalé un vibromasseur avec des
piles «Qui durent plus longtemps». Eric Serra
joue avec sa guitare très haute sur son torse comme un Jaco
Pastorius (La référence) et
non comme certains qui s’en servent comme cache sexe, comme un Robert Trujillo par exemple.
Ce petit gars du Val-de-Marne
né en 1959 sera très tôt baigné dans
la musique grâce à un père poète et chansonnier qui, dès l’âge de cinq ans, lui
enseignera la guitare et à 11 lui offrira sa première guitare électrique. D’un
naturel curieux, il s’intéresse aux autres instruments comme la batterie ou le
piano, mais c’est une guitare au son
grave, un grand manche et quatre cordes qui va trouver grâce à ses yeux. Il
essaye de reprendre les jeux des grands bassistes de l’époque comme Stanley Clark et Jaco
Pastorius. De toute manière, le jeune homme est doué et apprendra en
autodidacte avec tout ce qui lui passera entre les mains. Et comme tous les jeunes de 15
ans amoureux de musique, il est de bon aloi dans la vague progressive de l’époque de
monter un groupe qui fera aussi des covers de Led Zep
et Deep Purple. Son nom sera FLEP.
Eric Serra et Jacque Higelin, Casino de Paris 1983 |
Sa
carrière commence à 16 ans, un âge où d’autre ne savent pas encore ce qu’ils
feront plus tard de leur vie. Il accompagne le chanteur Michel Murty, un auteur-compositeur-interprète-Artiste
peintre qui depuis 1964 tourne
dans les cabarets parisiens et participe à certaines émissions de télévision (Dont le grand échiquier). Comme beaucoup de musiciens, il débute en
faisant des sessions pour d’autres artistes comme le musicien Guinéen Mory Kante et le Sénégalais Youssou
N’Dour qu’il retrouvera plus tard sur la scène de Bercy en compagnie de Jacques Higelin, Catherine
Lara et Didier Lockwood.
C’est au
soir du 10 mai 1981 et avec la fête
organisée pour la victoire de François Mitterand (Place
de la république et croyez moi, il y avait du monde !) qu’il commence
sa collaboration avec Jacques Higelin. Entre les concerts fleuve du grand
Jacques comme le casino de Paris et les morceaux qu’il composera pour lui (Manque de classe
– Slim Black
Boogie
– Coup de
lune - Victoria), l’histoire durera sept ans et se terminera avec les concerts
de Bercy en 1985. Et puis sa carrière va considérablement changer quand sa
route va croiser celle d’un jeune réalisateur inconnu : Luc Besson, par
l’intermédiaire de Pierre Jolivet (le frère de Marc humoriste de son état).
Que Sera Serra ?
Non, Eric Serra n’a jamais joué derrière Doris Day dans la chanson du film d’Alfred Hitchcock «L’homme qui en savait trop» : «♫ Que Sera Sera ♫» mais avec un titre pareil, je ne pouvais pas m’empêcher de le mettre comme entête du chapitre qui va concerner les rapports du musicien avec le cinéma, c’était de circonstance.
C’est après l’avoir vu sur
scène que Luc Besson
lui demande de composer la musique de son premier court métrage en 1981 «L’avant dernier», le début d’une
collaboration qui s’avèrera fructueuse. Deux ans plus tard, il fait encore
appel à ses services pour son premier long métrage «Le Dernier Combat». Mais c’est en 1985 qu’Eric Serra va décrocher la timbale et
marquer les esprits avec ses lignes harmoniques et mélodiques et une B.O. qui
balance entre rock et jazz : la musique de «Subway». Le musicien se fera
définitivement connaître du grand public et, en plus, il montrera le bout de son
nez à l’écran en jouant le rôle d’Enrico le bassiste (Évidement ! Pas en joueur de clairon !) armé de sa basse
Steinberger XL-2 5 cordes, frettée et fretless (Ne pas confondre avec la Spirit). Pour son travail sur la B.O, il
sera récompensé par une Victoire de la musique bien méritée et le disque sera
certifié disque d’or. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? «Le grand bleu»
va rester dans la vague et cartonner avec une Victoire de la musique et un César
de la
catégorie «Musique de Film» et
le Grand Prix de la Réalisation Musicale Audiovisuelle décerné par la SACEM. Le
disque va s’écouler à trois millions d’exemplaires dans le monde, et pour la
première fois, il donnera de la voix avec le titre «My Lady Blue». Il double la mise
avec «Nikita»,
Victoire et César sont ses prénoms favoris depuis quelques années. Mais pour «Léon»
pas de récompense, juste une nomination au César.
Eric Serra et Luc Besson |
Subway |
Il est appelé par les
américains pour composer la musique de «GoldenEye», hormis la chanson chantée par Tina Turner composée par Bono. Son travail sera critiqué par les fans de la série qui préférèrent le
retour du classique John Barry. Si Luc Besson lui a bien
rempli son carnet de bal les 20 dernières années, pour la décennie suivante, Eric Serra
travaillera pour d’autre réalisateurs. Il retrouvera Luc
Besson entre 2006 avec «Arthur et les Minimoys» jusqu’à «Lucy» en
2014.
Eric Serra l’autre facette
A croire en lisant les lignes
ci-dessus qu’Eric
Serra n’a été qu’accompagnateur et créateur de musique de film, même
si cela a été une grande partie de son occupation... Il a quand même pris le
temps de faire de la scène avec un groupe. En 1998, il crée le groupe RXRA (Belle
phonétique de son nom !) un
groupe de jazz avec quelques pointures du style à ses cotés comme Émile Parisien au saxo
que l’on avait déjà pu entendre avec Michel Portal et Johnny
Griffin, Thierry Eliez le clavier qui a
joué avec Didier Lockwood, le guitariste Jim Grandcamp, le batteur Damien
Schmitt qui joua avec Jean-Luc
Ponty et pour finir, un autre batteur et percussionniste, Pierre Marcault qui jouera au sein du groupe Offering avec Christian Vander.
Un album est enregistré qui n’aura pas le succès escompté en France. Il fera
trois versions pour l’international, pour l’Angleterre, l’Espagne et le Japon.
A 55
ans, le p’tit gars de Saint Mandé continue sa route, je ne lui dirais pas «Doucement
les basses… !» Sûrement pas !
Si
vous êtes tenté par une compilation, il en existe deux et celle de 1999 est parfaite. (VIRGIN
RECORDS FRANCE SA, EMI (0724384263850))
Petite précision : l'album "RXRA" est un album de chansons pop-rock, avec une autre formule du groupe "RXRA" (Nourith, Sébastien Cortella, Nicolas Fiszman, David Salkin, Zohar Fresco, Jean-Michel Bigger + invités Ruppert Hine et Chrissie Hynde). Le groupe Jazz RXRA Group officie depuis 2003, avec des reprises des musiques de film (pas encore d'album officiel publié).
RépondreSupprimerpetite précision supplémentaire : il n'utilise pas de STEINBERGER fretless mais une FENDER PRECISION 5 CORDES.
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