A.J. Pero, voilà bien un nom qui risque bien de ne rien évoquer pour beaucoup. Toutefois, le fan de Hard-Rock millésimé 80's se souviendra (au pire, se remémorera un lointain souvenir) que ce patronyme était rattaché à un gang américain cultivant un Hard-Rock qui se voulait direct, efficace et outrancier.
The Cities avec A.J. Pero, 2sd en partant de la droite. |
Anthony Jude Pero était né le 14 octobre 1959, à New-York. Ville où il fit toutes ses études et où il apprit la musique. Il débuta par le Jazz, avant de se succomber à l'appel de sonorités nettement plus lourdes et brutales, séduit par des groupes comme Led Zeppelin et Rush. Il aurait abordé la batterie dès l'âge de 3 ans, et aurait pris des cours avec le célèbre Gene Kupra. A 10 ans, il apparaît dans le Jerry Lewis Labor Day telethon (1) et le Mike Douglas Show (2).
Tout en faisant le chauffeur de taxi, Pero jouait le soir avec un groupe local : Cities. Jusqu'à ce qu'en 1981, il rejoignit un autre groupe du coin, qui jouissait déjà d'une réputation locale. Ne serait-ce que parce qu'il y a deux ex-The Dictators dans ses rangs : Mark Mendoza et Richie Teeter. C'est en remplacement de ce dernier qu' A.J. rejoint ce groupe d'allumés prônant la cause d'un Hard-Rock rêche et simple, et dont certains des membres galéraient tout de même depuis fin 1972. Un groupe mené par un leader haut en couleur et grande gueule : Dee Snider. Ce grand gaillard à la crinière luxuriante improbable, qui rejoignit le groupe en 1976, s'imposa progressivement comme leader. Il incita à adopter un look extravagant et un Rock théâtral. Maquillages et accoutrements à l'appui. Il s'agissait bien évidemment du collectif New-Yorkais Twisted Sister, qui se voulait être la rencontre improbable de Kiss, d'Alice Cooper, et des New-York Dolls ; tant par la musique que par le look. Voire avec un peu de Slade et de Dictators).
Pas grand chose à voir donc avec Rush ni Led Zep.
En ce début de décennie, le Hard-Rock a le vent en poupe ; même les groupes les plus rudimentaires pouvaient alors avoir leur moment de gloire. Ainsi, il en fallut peu pour que ces New-Yorkais ne prennent enfin leur essor. Aidé en cela par un Snider avisé, totalement impliqué ("I Believe in Rock'n'Roll"), animé d'une foi à toute épreuve, qui canalisa la direction musicale. En s'inspirant tant des tenues de scène du Glam-rock que celles grand-guignolesques du grand cirque américain (dont Kiss et Alice Cooper), il créa une image immédiatement mémorisable, concevant une identité bien définie (qui fut aussi un facteur rebutant pour beaucoup).
L'intégration de Pero coïncidait avec la rapide ascension de ces chevelus lourdement maquillés. Enfin, un premier enregistrement pour les New-Yorkais et premier succès : "Under the Blade", enregistré à Londres avec l'aide de Pete Way (U.F.O.) s’immisça dans les charts anglais, et, timidement, dans les américains (plus tard, avec les rééditions, il sera vendu à plus de 2 millions d'exemplaires).
L'année suivante, toujours enregistré en Angleterre, "You can't stop Rock'n'Roll" confirma le groupe en tant que valeur sûr de ce nouveau mouvement de Heavy-Metal - plus radical, souvent sourd à ses racines Blues - en remportant un disque d'Or aux USA.
Le kit de la tournée "Come out and play" (démesure ?) |
Plus rien ne semblait pouvoir arrêter ces gaillards, faussement outranciers, qui horrifiaient les grenouilles de bénitiers (le groupe fut d'ailleurs inquiété par le P.M.R.C. (3) ), et en début de l'année 1984, ils cassèrent la baraque (et les oreilles pour certains) avec un "Stay Hungry" qui se situait, plus que jamais, au carrefour d'un Kiss et d'un Alice Cooper des grands jours.
Atlantic Records, voyant se profiler un bon coup à jouer, sortit le chéquier pour leur ouvrir les portes de studios réputés (Record Plant, Cherokee Studio, Westlake Audio), leurs offrir un producteur Tom Werman adéquate (4), et faire une promotion décente, aidé en cela par quelques clips diffusés sur MTV (à l'époque où c'était encore une chaîne musicale). Résultat : plus de 3 millions de ventes rien qu'aux USA (disque multi-platine). Dorénavant tous les métalleux connaissaient le groupe dont le patronyme apparaissait cousu ou écrit sur les veste en jeans, sur les tee-shirts et sur les sacs US. Parfois, dans les films d'épouvantes pour ados qui pullulaient en cette première moitié des années 80 (généralement de sympathiques série B, au scénario peu fouillé), on pouvait apercevoir parmi quelques posters décorant la chambre d'un adolescent, la face grimaçante de Snider entourée de ses acolytes. Encore à l'heure actuelle, pour beaucoup "Stay Hungry" fait partie des 100 meilleurs disques de Hard-Rock des 80's.
L'année suivante (il faut battre le fer tant qu'il chaud) déboulait "Come Out and Play" pourvu d'une pochette "articulée" (Une bouche d’égout saturée d'humidité s'ouvrait pour laisser surgir un Dee Snider crasseux et grimaçant). Là encore, les grands moyens furent déployés avec notamment la production de Dieter Dierks, alors très en vogue grâce au succès mondial et phénoménal de Scorpions. Malheureusement, le mixage irréprochable et propre de Dierks ne semble par convenir avec la batterie poussée trop en avant, au détriment des guitares. Le collectif peinturluré paraissait alors avoir perdu en chemin, une partie de sa personnalité, ainsi que de sa verve et de sa pertinence.
En dépit d'un introduction prometteuse avec ce fameux appel sadique, "Come out and play", accompagné du bruit de bouteilles qui s'entrechoquent, en référence directe au film de Walter Hill, "The Warriors" (qui se déroule la nuit à New-York ), la matière de ce disque s'enlise rapidement, comme écartelé entre l'amour d'un Rock dur et l'appel des sirènes d'un succès commercial promettant une récompense sonnante et trébuchante. On fait parfois des clin d’œil aguicheur à une Pop, certes rugueuse, on s'attaque à un Rock'n'Roll des familles, mainstream (avec un "Be chrool to your scruel" en duo avec Alice Cooper qui résonne comme une pièce échappée de "Grease"). Les ressources de Dee Snider, unique compositeur, étaient peut-être épuisées. Ou bien cherchait-on à conquérir un public plus large ?
L'album se vendit tout de même bien, profitant très certainement de l'énorme succès du précédent ; sans toutefois en atteindre les scores de ventes fabuleux. Par contre, la fréquentation de leurs concerts commençait à diminuer dangereusement jusqu'à finir en fiasco avec des dates annulées. Une douche froide pour un groupe qui auparavant remplissait les stades et parvenait à s'approcher de la position des têtes d'affiches des festivals.
Le déclin de Twisted Sister allait être aussi rapide que son essor l'avait été à compter de son premier essai discographique.
Voyant le navire sombrer, A.J. Pero lâcha tout le cirque, et en 1986, il finit par rejoindre son petit groupe local. Il sera remplacé par l'ancien Good Rats (groupe New-Yorkais, évidemment), Joey Franco. Il semblerait qu'il n'ait pas voulu être impliqué dans le tournant qu'opéra le quintet, en s'orientant vers un Rock plus franchement commercial, pour tenter de rester sous les feux de la rampe. "Come out and play" en portait déjà quelques prémices.
La nouvelle notoriété d'A.J. Pero, permet à Cities d'enregistrer enfin un 33 tours (après un Ep l'année précédente), "Annihilation Absolute". Hélas, pour les fans de Pero, il n'y a aucune comparaison possible avec la bande à Snider. La production est pauvre, digne d'une démo, et on s'ennuie ferme de ce Heavy-Metal roboratif. La pochette est à l'image du groupe : sans relief et débordant de clichés ; on frise le ridicule. D'ailleurs, le groupe n'y survit pas. Le disque sort en octobre 1986, et le groupe met définitivement fin à son existence dans le courant de l'année suivante.
En 1997, c'est la réunion des sœurs tordues et à compter de ce jour, il fut présent à chacune de leurs manifestations. Pero mène dorénavant des carrières parallèles, rejoignant systématiquement ses potes de Twisted Sister dès que le clairon de rassemblement retentit. Il retrouva même avec eux les chemins des studios. En 2004 pour le contesté "Still Hungry" (5), et en 2006, pour "A Twisted Christmas" (qui répond à la tradition du disque dédié aux chants de Noël, ici en mode Metôl).
En 2007, avec un ancien pote du temps de Cities, le guitariste Steve Mironovitch, il forma Circle of Throns, un groupe de Heavy-Metal bien lourd et sombre, parfois limite Doom. Le groupe enregistre un disque éponyme en 2009.
En 2011, il participa à un titre de l'album d'Eric Carr (ex-Kiss).
Le 3 décembre 2013, il fut recruté par Adrenaline Mob en remplacement de Mike Portnoy.
Il enregistre avec eux "Men of Honor" en 2014, et le tout frais "Dearly Departed", de février dernier (une récréation constituée de reprises et de versions acoustiques).
Le 20 mars 2015, dans le bus de la tournée, les membres du groupe tentent en vain de le réveiller. Évacué à l'hôpital le plus proche, il est déclaré décédé d'une crise cardiaque survenue pendant son sommeil. Il n'avait que 55 ans.
Dee Snider, qui a écourté ses vacances pour assister à l'enterrement, dit vouloir continuer les concerts de Twisted Sister afin d'aider financièrement la famille de Pero.
Dee Snider "Mon ami, mon frère, mon groupe compagnon est décédé aujourd'hui. Mon cœur est brisé. Son sourire va me manquer. Repose en paix"
Mike Portnoy "Je suis absolument choqué et dévasté d'apprendre le décès de mon ami, A.J. Pero. C'était vraiment une bonne âme. Mes plus sincères condoléances à mes frères d'Adrenaline Mob et de Twisted Sister pour cette terrible perte".
(1) Emission de télévision qui a débutée en 1966, pour promouvoir et aider l'association créée pour lever des fonds pour financer la recherche contre la poliomyélite, à laquelle Jerry Lewis était un membre actif depuis 1952.
(2) Talk-show qui débuta en 1961 pour ne s'arrêter que vingt ans plus tard, en décembre 1981.
(3) Mouvement fondée par des épouses de sénateurs qui monta une chasse aux sorcières contre les groupes de Hard-Rock, mais aussi Frank Zappa et Madonna. (voir chapitre dans la chronique de Fastway "All Fired Up", ici)
(4) Tom Werman a acquit ses lettres de noblesses en produisant des disques de Rock lourd, notamment en devenant le producteur attitré de Ted Nugent et de Molly Hatchet. Il travailla aussi pour Cheap Trick, Mötley Crüe, Poison, Blue Öyster Cult, Dokken, Mother's Finest, Stryper, Kix, Krokus, L.A. Guns, Lita Ford.
(5) "Still Hungry " est le ré-enregistrement de l'intégralité des compositions de l'album "Stay Hungry" augmenté de titres supplémentaires (dont une chanson composé pour la B.O d'un film d'horreur où jouait Snider). En épaississant le son, le quintet a gommé tout ce qui faisait le charme de cet album.
"30" : chanson apparaissant sur l'édition "25 th Anniversary" de "Stay Hungry"
AAAAAA
C'est un groupe qui a fait l'hilarité à l'époque. On ne les prenait pas au sérieux. En revanche, lors de prestations lives j'étais un peu abasourdi par le professionnalisme.
RépondreSupprimerThe Dictators... Je pense avoir laissé un post sur mon blog, faudrait que je vérifie.
Dans le style on peut s'attarder sur RATT
Effectivement, Twisted Sister a conquit une partie de son public grâce à ses prestations sans failles. Ce qui n'était guère le cas d'une majorité des jeunes groupes du début des années 80. Il faut dire que les membres de ces sœurs tordues avaient déjà acquit une certaine expérience de la scène.
RépondreSupprimerQuant à Ratt, je ne le mettrai pas dans la même boîte que Twisted Sister (si ce n'est que comme ce dernier, il a dû longtemps galérer avant de pouvoir enregistrer - plus longtemps d'ailleurs-). Certes, ils sont accoutrés tels des as de pique, mais là où Twisted Sister cultive le second degré, Ratt, lui, est une bande de poseurs essayant de singer les Van-Halen et Aerosmith. Et si Warren De Martini se révèle être un excellent guitariste (en dépit de solo parfois hors sujet - le débit de notes -), la musique de Ratt semble plus creuse et, par contre, plus ampoulée.
Oui, je cautionne ton commentaire, c'est pas du même acabit de cheval.
SupprimerUne batterie d'un goût remarquable.
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