Ronnie
Earl, né Ronald Horvath le 10 mars 1953 dans le Queens
(New-York), est un guitariste de blues d'une grande finesse.
Il
débute la guitare sur le tard, au moment où il intègre
l'université.
Il
fut intronisé au Chicago-blues par Koko Taylor, puis
s'installa à Austin (Texas) où il rencontra Jimmie
Vaughan et les Fabulous Thunderbirds.
Ce déménagement et ses rencontres furent décisive sur son jeu de guitare qui, désormais, s'enrichi de diverses couleurs Texas-blues qui ne le quitteront que rarement.
Il
changea alors son patronyme au profit d'un autre à la
connotation plus Blues. Ainsi, il prit le nom de Earl en hommage à
Earl Hooker, un très grand guitariste de Blues, cousin de John
Lee Hooker, décédé en 1970 à l'âge
de 41 ans.
En
1979, il intégra les fameux « Roomful of Blues »
en remplacement de Duke Robillard (1). Avec qui il enregistre dès
l'année suivante le superbe « Hot Little Mama". Il
réalisa en parallèle de sa vie de groupe, deux album
sous son nom d'artiste, en 1983 et 1984 (2).
Ronnie acquit
une bonne réputation, auprès du public évidemment
mais aussi de ses pairs. Ainsi, on le vit aux côtés, sur
les planches ou en studio, d'illustres musiciens tels que B.B.
King, Stevie Ray Vaughan, Hubert Sumlin ("Healing
Feeling"),
Joe "Guitar" Hughes, Joe Beard (en duo sur "Total
Union"),
Earl King ("Glazed"
avec le Roomful of Blues),
Bob Margolin, Eric Clapton, Sunnyland Slim, Big Walter Horton, Lou
Rawls.
Enfin, en 1988, il quitta les « Roomful of Blues » pour se consacrer pleinement à sa carrière solo. Pour cela, il forma un groupe qu'il baptisa « Broadcasters » (bien que le patronyme ait déjà été utilisé pour son premier opus) en hommage aux guitares Fender du même nom élaborées en 1950, avant qu'elles ne soit rebaptisées Telecaster (ne pas confondre avec l'Esquire qui elle, n'a qu'un seul micro) et réalisa « Soul Searching ».
Dans cette première formation on retrouve d'excellents musiciens : la crème de l'écurie du label texan « Black Top ». Soit Ron Levy , nominé sept fois aux Grammy Awards, qui jouait déjà avec BB King en 1969 (qu'il accompagna jusqu'en 1976), rejoignit aussi Albert King en 1971 et intégra le Roomful of Blues de 1983 à 1988 ; et le duo constitué de Kaz Kazanoff et Mr Excello aux cuivres que l'on retrouve sur la majorité des disques de blues (de qualité) du Texas à la Louisiane. Dans les années 80, Ron Levy était une référence majeure en matière de claviers Blues, apparaissant sur une quantité effarante d'enregistrements d'artistes divers, dont quelques uns furent produits par ses soins.
Et
puis, Darrell
Nullisch au
chant couleur Blues-soul (Anson
Funderbergh, Mike Morgan, Otis Grand, Hubert Sumlin, James Cotton),
un des meilleurs chanteurs blancs de Blues, qui, hélas, a fini
par se contenter d'interpréter une Blue-eye-Soul sans trop de
caractère ; Jerry
Portnoy à
l'harmonica (Joe
Beard, Eric Clapton, John Campbell, Bo Diddley, Eddy Clearwater,
Muddy Waters, Duke Robillard, Bill Wyman).
Ces deux derniers profitent dorénavant d'un « featuring »
sur la pochette de la réédition CD.
La particularité de Ronnie c'est un jeu tout en finesse, très expressif et d'une justesse imparable. Et bien que son son soit tout à fait conventionnel, - guitares Fender Stratocaster, occasionnellement, Telecaster, et ampli Fender - il est facilement reconnaissable (pour une oreille attentive). Un son clinquant, pur, clair, légèrement « twangy », ou avec un léger effet de « Leslie ». Son touché alterne des phrases rapides et nerveuses, avec d'autres plus mesurées, où les notes respirent, créant des chorus au lyrisme bluesy, parfois poignant et saisissant, pouvant être fredonnés. Un jeu capable d'émouvoir sans l'aide d'aucun effet, grâce à une sensibilité à fleur de peau.
C'est évidemment sur les instrumentaux parsemés sur l'album que la guitare de Ronnie Earl brille, dont les magnifiques « Backstroke » (d'Albert Collins), « Blues for Bone », « Sufferin' », et surtout « Soul Searching » (peut-être la plus belle pièce de toute sa carrière). Ainsi que lors de Blues-soul (« Ships passing in the Night », « You're the one », « After all »), où la voix de Darell Nullisch, très à l'aise, enrichi considérablement les chansons, la guitare démontre toute sa faculté d'expression. Ce dernier est certainement le meilleur chanteur que Ronnie n'a jamais eu, ou du moins celui qui se mariait le mieux à sa musique.
Avec Stevie Ray Vaughan au célèbre Antone's |
L'ami Duke Robillard vient élégamment croiser le fer sur "Backstroke" et "Evening Sun".
On pourrait situer « Soul Searching » quelque part entre Earl King, Snooks Eaglin', Duke Robillard, T-Bone Walker et les Roomful of Blues sans le côté Jump-blues.
Une perle de blues (blanc) Texan où alterne shuffles traditionnels, Blues-soul et instrumentaux de première classe.
Ronnie
Earl est considéré, à juste titre, comme un
maître du Blues instrumental (dont certaines pièces se
parent d'atouts jazzy). Une spécialité dont il abusera
parfois en réalisant plusieurs disques uniquement constitués
d'instrumentaux, qui, s'ils sont indéniablement d'un bon
niveau, génèrent une certaine lassitude par faute d'un
ensemble inégal. En bref, Ronnie n'est jamais aussi bon que
lorsqu'il alterne entre pièces chantées et
instrumentaux chiadés.
- Backstroke - 4:20 (Albert Collins)
- Shis Passing in the Night - 4:45
- You're the One - 4:40
- Soul Searchin' - 2:46
- It's My Soul - 3:24
- Evening Sun - 3:05 (J. Brown & J. Shines)
- Jerry Jumps In - 2:55 (Jerry Portnoy)
- After All - 4:07 (D. Nullisch)
- I Don't Believe - 3:40 (D. Robey)
- Blues for Bone - 5:23
- Sufferin' - 3:46
Bonus / réédition CD de 2008
12. Love at First Sight - 4:34 (M. Campbell)
13. I'm Holding On - 3:48 (D. Robey & J. Scott)
(1) En 2005, Duke Robillard et Ronnie Earl s'associent
pour enregistrer un disque généralement bien accueilli
par la presse : « The Duke meets the Earl ».
(2) Ses deux premiers opus sont réédités
ensemble sur « Deep Blues ».
« The Duke meets the Earl » n'a pas seulement été bien accueilli par la presse... par moi aussi ! Très bon album, qui donne la part belle aux guitares (évidemment), par contre, il faut aimer le côté jam, car les titres s'étirent sur de très très longues minutes.
RépondreSupprimerParfait. J'allais rajouter mon grain de sel jusqu'à ce que je lise le dernier paragraphe. Il ne fait plus depuis une bonne dizaine d'années que des albums jazz/soul qu'on écoute (pas très longtemps) avec un ennui poli. Sans vouloir être méchant (enfin, si, quand même), on n'est pas loin du lounge. Deep blues est bien aussi, plus rugueux, mais tu en as déjà parlé ailleurs.
RépondreSupprimerNous sommes bien d'accords.
SupprimerPar contre, "Living in the Light", son album de 2009, mérite largement que l'on si attarde. Il marque le retour à un Blues inspiré de qualité. Il est d'ailleurs signé Ronnie Earl & the Broadcaster (je souligne Broadcaster). A noter la participation de Kim Wilson.
"Deep Blues" regroupe les deux premiers disques de 1983 et 1984 de Ronnie Earl ; d'où certainement cette facette plus rugueuse.
Quand même un artiste dont le toucher n'a que peu d'égal car Duke Robillard ou Jimmie Vaughan sont sur d'autres territoires, pour moi il est plutôt dans la lignée d'un cousin de Kenny Burell vu son affection pour les titres jazzy. C'est vrai que depuis quelques années il ronronne un peu mais les anciens albums notamment Deep Blues suffisent à mon bonheur.
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