Fréhel : Une vie misérable...
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Aristide Bruant |
Revenons
au siècle dernier à l’époque quand la crinoline avait disparu et la robe «Queue
de serpent» était de mode chez les dames. Le gibus chez l’homme disparaissait
pour le canotier, mais on conserverait la redingote et le chapeau mou. À notre époque
où la chanson dite réaliste a pratiquement disparu et où des chanteurs comme Stromae et autre Section
d’Assaut nous sortent des borborygmes nauséabonds, que même un sourd
profond en a l’estomac retourné, je voulais redonner ses lettres de noblesse à
ce genre particulier de la chanson française. De grands interprètes, il n’y en
a eu beaucoup qui ont laissé une trace indélébile dans
le sillon salvateur de la chanson a texte. Le premier restera un homme : Aristide Bruant que Toulouse
Lautrec immortalisera sur son affiche du cabaret l’Ambassadeur, Berthe Sylva et
ses «Roses Blanches» (Sponsorisé par Kleenex) qui feront
couler des flots de larmes et aussi Damia, Edith Piaf,
Yvette Guilbert pour ne citer que ces quelques
artistes d’avant guerre. De la génération suivante, nous trouverons dans les
rangs, Juliette
Gréco, Barbara et plus proche de
nous, Catherine Ribeiro, Juliette et pour finir par un homme : Renaud. Mais Fréhel, mon sujet du jour, reste à part dans le
domaine de la chanson réaliste.
Mais
qu’appelle t’on la chanson réaliste ? Hé bien, c’est un genre musical qui empruntait des sujets
dramatiques de la vie au quotidien des quartiers populaires parisiens. «La rue Saint
Vincent» de
Bruant par exemple, doit son titre à une rue des plus ouvrières de la capitale, dans le XVIIIème arrondissement, au pied de la butte Montmartre.
De son
vrai nom Marguerite Boulc’h, née à Paris (17ème) lors d’une visite de
ses parents dans la capitale la veille de la fête nationale en 1891, Fréhel n’a pas eu
ce que l’on peut appeler une jeunesse dorée. Des parents d’origine
finistérienne, une mère concierge, bonne et qui se livrera accessoirement à la
prostitution, un père marin qui prendra le large pour les chemins de fer
comme aiguilleur à Paris et qui aura un bras coupé par une locomotive. Nous
sommes presque dans un roman de Émile Zola
revu par Pierre Jakez Helias. Marguerite chante
dès l’âge de 5 ans dans les rues, les cours et les cafés, accompagnée par l’orgue
de barbarie d’un aveugle. Très jeune, elle se met à travailler comme livreuse
de sel pour la marque Cérébos. Elle vend des partitions, puis sera embauchée chez
un pharmacien rue d’Aboukir (2e arrondissement, métro sentier ou
Strasbourg St Denis) tout en continuant à chanter et à danser dans les rues de Paris. Elle fréquente les éditions musicales Marcel Labbé, Rue de l’Échiquier (10ème
arrondissement, métro Bonne-Nouvelle) où elle y apprend les succès du moment et
découvre le répertoire de Montéhus, un des
premiers à avoir chanté la commune. Elle devient la mascotte de la maison
d’édition, elle n’a que 14 ans. Une année plus tard, elle est vendeuse de
cosmétiques en porte à porte. Par ce travail, sa route croise celle de la belle
Otéro, chanteuse, danseuse et courtisane de
la belle époque qui eut des amants plus prestigieux les uns que les autres,
surtout du coté des têtes couronnées. Cette dernière la prend sous son aile.
Du pavé à la scène
En 1905, elle décroche son premier engagement
professionnel au Concert de l’univers, Avenue
de Wagram (17ème arrondissement métro Terne, quartier chic) et chante sous le
pseudonyme de Pervenche, titre d’une chanson
de son répertoire. En 1908, elle chante en levé de rideau à la Pépinière, Rue Louis-le-Grand (2ème
arrondissement, métro Opéra, de plus en plus chic). Elle passe la même année à la taverne de l’Olympia rue Caumartin (9ème arrondissement
métro Havre-Caumartin), elle est payée avec un litre de café, deux croissants et
dort la plupart du temps sur les banquettes du théâtre. Pervenche croise la route de Robert Hollard alias Roberty,
un comédien qui devient son pygmalion. Il lui donne des cours de diction et
l’épouse en 1907. De cette union nait un enfant qui meurt en bas âge.
En 1908,
elle ce produit au Moulin Rouge en y
chantant des chansons du poête Jean Richepin, son
style et sa voix lui apporte le succès, elle se fait désormais appeler Fréhel
en référence au cap du même nom qui se trouve sur la terre de ses ancêtres
bretons. Les salles parisiennes s’enchainent, le
Bataclan, l’Ambassadeur, les Folies Belleville,
l’Alcazar d’été. On la surnomme «La belle
liane», elle est la chanteuse les plus sollicitée de Paris. Robert Hollard la quitte pour la chanteuse Damia, le divorce est prononcé en 1910. Fréhel
aura une liaison passionné avec Maurice Chevalier
qui, en fin de compte, la quittera pour Jeanne Bourgeois
dite Mistinguett
et "ses belle gambettes". Elle mène la grande vie, mais sa vie sentimentale est un
échec.
Splendeur et déchéance

Usée par l’alcool
et la drogue, elle meurt seule et misérable dans un hôtel de passe de Pigalle
le 3 février 1951, une foule nombreuse suivis son enterrement au cimetière de
Pantin (23e division, métro Aubervilliers).
L’héritage

Une anecdote pour finir, Une
danseuse donnera un témoignage au journal «Ici Paris» de sa rencontre avec Fréhel :
« Un après-midi de 1948, au métro Anvers, je suis
tombée en arrêt devant une grande femme, probablement saoule, affaissée au pied
d’un arbre. Un car de police s’est bientôt arrêté pour embarquer cette
pocharde. Mais elle a fait face aux flics. Elle leur a hurlé :
« Foutez-moi la paix, je suis Fréhel, oui Fréhel, la chanteuse. »
C’était bien elle, en effet, mais les agents refusaient de la reconnaître. Je
suis allée les trouver. Je leur ai dit : « Vous ne pouvez pas
embarquer notre grande Fréhel. » Ils ont hésité un instant et j’ai pu glisser
à l’oreille de la malheureuse : « Chantez, Madame, je vous en prie,
chantez. » - Alors les mains sur les hanches, les jambes écartées,
dessoûlée comme par enchantement, elle a entamé La Java bleue avec autant de
force, autant de fougue qu’au temps où les foules l’acclamaient. - Aussitôt les
badauds se sont pressés autour de leur ancienne idole, stupéfaits d’être les
témoins de cet authentique miracle. Un brigadier a murmuré : « Comme
c’est triste de finir ainsi ! » Puis il a rappelé ses hommes et le
panier à salade est reparti à vide…
Quelques souvenirs dont un montage avec "la java bleue" et, au début, hors champ, la voix de Jean Gabin dans Pépé Le Moko...
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