Stray Dog est un trio qui avait toutes les qualités pour devenir gros, sinon énorme. Contrairement à d'autres, il a bénéficié du facteur chance qui aurait dû logiquement lui permettre d'accéder à un statut doré.
En effet, un jour, un individu, enthousiasmé par leur précédente prestation scénique, se présente à eux pour leur offrir la possibilité d'enregistrer un disque.
L'individu en question se nomme Greg Lake, le bassiste-chanteur d'Emerson, Lake & Palmer. Greg Lake et les acolytes de Stray Dog ne jouent pas vraiment la même musique, le trio étant plutôt dans la famille du Hard-blues saignant. Mais cela n'a pas empêché Lake d'être séduit par l'énergie de ces jeunes Texans.
Evidemment les musiciens saisissent l'opportunité et font précipitamment leurs bagages pour s'envoler vers l'Angleterre ; à l'exception de Randy Reeder (le batteur) qui ne souhaite pas quitter le pays. A sa décharge, ils doivent prendre leur décision rapidement car ils doivent repartir avec le trio anglais, après que ce dernier ait fait son concert à Denver. Randy reste dans le circuit en rejoignant plus tard Bloodrock (1). Ce qui, au niveau finance, a dû être une bonne affaire.
Ainsi William Garrett "Snuffy" Walden et Alan Roberts partent pour Londres, en compagnie d'Emerson, Lake & Palmer.
A peine le pied posé sur le sol de la perfide Albion, Snuffy et Roberts s'attellent à auditionner des batteurs. Leur choix s'arrête sur Leslie T. Sampson qui a déjà une expérience grâce à Noël Redding (l'ancien bassiste du Jimi Hendrix Experience, bien sûr) qui l'avait recruté pour son éphémère trio, Road (2).
Tout se fait très vite, l'album est réalisé dans les semaines qui suivent, sous le label Manticore. Greg Lake est à la production sur trois pièces. Le groupe auparavant appelé Aphrodite est rebaptisé Stray Dog. Enregistrement et mixage terminés, Stray Dog part en tournée en compagnie d'Emerson, Lake & Palmer, pour faire la première partie.
A l'écoute de ce premier essai, on se dit que ce trio britannico-Texan marche sans complexe sur les plate-bandes de Mountain, de ZZ-Top millésime 70-72, et de Cactus. A l'instar de ces monstres sacrés, les guitares sont puissantes avec un grain crémeux typique d'un Hard-blues généré par des Gibsons chaleureuses ; la basse et la batterie sont une véritable orfèvrerie de « bûcherons métallurgistes », sachant cogner dur tout en restant précis et élaborés. Deux chanteurs, l'un étant plus mélodique, l'autre plus « graisseux ».
Après une intro digne des deux premiers opus de Queen (3), à contre emploi avec ce qui nous attend, Stray Dog déboule avec un Hard-Blues bouillonnant et plombé qui submerge les enceintes pendant près de quarante minutes.
"Crazy" donne l'impression d'avoir Leslie West et son ancien acolyte, feu-Felix Pappalardi, en guests. Du lourd.
Une reprise magistrale du « Chevrolet » de ZZ-Top qui se fond totalement avec l'ambiance générale du disque (4) - et que certains n'hésitent pas à considérer comme meilleur que l'original -.
Mais là où un titre comme celui-ci, titre emblématique du Heavy-boogie-rock s'il en est, aurait du être logiquement le clou de l'album, il est supplanté par la chanson suivante, « Speak of the Devil » ; un Heavy-funk-blues-rock à la rythmique lourde mais « sautillante » légèrement colorée de Wah-wah, avec une batterie exaltée mais rigoureuse (comme Frank Bear justement), et une basse groovy, le tout lardé de soli assassins. Trop bon (comme dirait un d'jeuns).
Comme le titre de clôture : Rocky Mountain Suite. Pièce de plus de huit minutes scindée en trois parties. La première, débutant sur un arpège travaillé à l'Univibe aurait pu être chantée par Jack Bruce à l'époque de West, Bruce & Laing ; la deuxième débute par une guitare folk et une slide acoustique qui introduisent un riff carré et solide, étoffé de soli à la manière d'un Jim McCarty (Cactus) ; le troisième enfin, est une montée mélodique en puissance, une apothéose, avec l'appui du second chanteur, une cavalcade électrique à mi-chemin entre Mountain et Three Man Army.
Du Hard-blues à l'état brut, mais jamais monolithique ni pachydermique. Juste une accalmie (« A letter ») ballade électro-acoustique planante, un peu « flower-power », pour faire redescendre la température, avant la surchauffe.
Y'a pas à dire, mais Greg Lake a fait preuve de bon sens et de goût en allant démarcher ce jeune trio de Texans.
Ce "Stray Dog" là reste pour moult amateurs, ou passionnés, de musique des 70's, du genre velu, un must, un incontournable de cette décennie.
1ère mouture (photo de la pochette du disque) |
Le disque suivant, également le dernier, déstabilise. Le trio se mue en quintet, en recrutant un chanteur (Tim Dulaine aka Tim Harrison) et un claviériste (Luis Cabaza), et la musique, au lieu de s'étoffer, a considérablement perdu du poids.
On se demande bien quel est l'intérêt d'un chanteur supplémentaire alors que Snuffy et Roberts sont largement à la hauteur. D'autant plus que Dulaine donne un aspect plus fragile, plus affecté.
Ce pourrait être un intéressant album de Rock Progressif, où se cachent encore quelques mines de Blues lourd, malheureusement le mixage n'est pas à la hauteur.
D'après Dulaine, c'était au départ un disque de pur Hard-Rock, mais, pour il ne sait quelle raison, il a été sévèrement remixé lui donnant alors un son édulcoré.
En conséquence, "While You're Down" se vend bien moins et le groupe ne tarde pas à se séparer.
Néanmoins, ce dernier jet a toujours d'ardents défenseurs, dont certains le trouvent même supérieur au premier.
Stray Dog : seconde version |
Walden aurait rejoint Paul Rodgers pour les dernières heures de Free. En 1975, il rejoint le Eric Burdon Band pour l'accompagner en tournée. Installé à Los Angeles, il se partage entre des performances solo et des tournées pour divers artistes ( dont Stevie Wonder, Donna Summer, Chaka Khan et Burdon). Il apparaît sur deux disques d'Eric Burdon : "Comeback" de 1982 et "Power Company" de 1983. A partir de la fin des années 80, suite à une première sollicitation d'une chaîne de télévision, et un premier succès, il se spécialise en tant que compositeur pour le petit écran. Ainsi il composera plusieurs dizaines de thèmes pour diverses séries et émissions télévisées. Plus deux B.O. pour le grand écran (dont un film d'Edward Zwick). Il sera plusieurs fois nominé et récompensé pour son travail. Alors qu'il avait hésité à se lancer dans cette voix, il n'en sortit plus.
Il ne réalisera qu'un seul disque solo : "Music by... W. G. Snuffy Walden", en 2001.
- Tramp (How it is) - 6:53
- Crazy - 5:11
- A Letter - 3:54
- Chevrolet - 3:52 (Billy Gibbons)
- Speak of the Devil - 3:56
- Slave - 6:13
- Rocky Mountain Suite (Bad Road) - 8:28
(2) Road, groupe de Noël Redding, avec Rod Richards à la guitare (et l'artwork) et donc Leslie Sampson à la batterie, auteur d'un seul disque éponyme en 1972. Un disque de Heavy-blues-rock psyché où plane l'ombre de Jimi Hendrix.
(3) Pour leur second disque, le magazine Rolling Stones le compara avec le premier Queen. Snuff Walden était comparé à Brian May et le nouveau chanteur, Tim Dulaine à Freddie Mercury.
(4) En concert, le groupe reprenait également "Bedroom Thang" des barbus Texans.
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