dimanche 24 mars 2013

"PIMP, MEMOIRE D’UN MAQUEREAU" de Iceberg SLIM - par Foxy "Fire" Lady


LA TRILOGIE DU GHETTO
Livre I : « PIMP, MEMOIRE D’UN MAQUEREAU »

Si on m’avait dit, il y a quelques années, que je lirais un roman comme « Pimp, mémoire d’un maquereau », il est très probable que je n’y aurais pas cru,  car trop éloigné de mon univers… seulement voilà, en vieillissant, on évolue, et heureusement, car « Pimp » (« Mac » en français) de Iceberg Slim, n’est rien moins qu’une bombe dont je suis obligée de vous parler.
Robert Lee Maupin, alias Robert Beck, plus connu sous le nom de Iceberg Slim est un écrivain afro-américain, né à Chicago en 1918 et mort en 1992. Iceberg SLIM, a passé 20 ans de sa vie à devenir le plus grand maquereau au monde. Mais comme toute « réussite » a un prix, il connut la grandeur (si peu glorieuse soit-elle) et la chute inéluctable due à une existence vaine et périlleuse. Il exercera cette « profession » de 18 à 42 ans. Par la suite, il se mariera et aura 2 enfants.
En 1960, après plusieurs séjours en prison, dont un en cellule de confinement pendant 10 mois, qu’il nomme dans ses mémoires « le cercueil d’acier », il décide de se ranger et de se consacrer à l’écriture. Bien lui en a pris, car c’est indiscutablement dans cette discipline que Slim reste une référence. Ses 6 romans, situés dans le ghetto et racontant les affres de l’homme noir, à la recherche de l’American Dream ont véritablement fait de lui un nom dans la littérature américaine.
Lors de sa 3ème peine de prison en 1960, Iceberg Slim écrit épuisé : « Toute ma vie me réapparut mais de manière limpide. Je me rendais compte de ce à quoi elle aurait dû ressembler. J’aurais pu devenir médecin ou avocat, au lieu de cela, j’avais consacré plus de la moitié de ma vie à une profession dangereuse et inutile. »
Dans « Pimp » (1967), Iceberg Slim ("Iceberg" pour le sang-froid qu'il s'était juré de garder en toutes circonstances)  raconte sans concession ni fioriture le monde solitaire dans lequel il évolue : un univers ultra violent, fait de drogues, de sexe, de belles voitures et d’argent facile mais où surtout, qui que l’on soit et quoi que l’on fasse, on se retrouve toujours face à ses démons.
Il raconte aussi la rue, dans toute sa fureur, et nous explique l’attrait qu’elle a eu sur lui dès le début : «La jungle avait commencé à insuffler en moi son amertume et sa férocité. J’étais en train de m’imbiber comme une éponge du poison de la rue. »
En tant que femme, si j’ai décidé de vous parler de ce livre, c’est simplement parce qu’il m’a captivé de bout en bout et a eu sur moi l’effet d’un électrochoc. Quelle que soit la désapprobation que nous inspire la vie de Slim, ou les sentiments divers qui nous habitent à la lecture de ces pages, on ne peut que reconnaître la force de l’ouvrage que l’on a sous les yeux, et l’humilité qu’il a fallu à son auteur pour nous livrer ce portrait au vitriol de ce qu’a été sa vie de mac.
Slim a au moins le mérite d’être honnête et lucide, il nous livre sa vérité, et qu’elle nous égratigne ou pas, elle nous est offerte de manière abrupte et sans complaisance. Conscient de sa vie et du métier abject qui a été le sien, il dit « Si j’arrivais à sauver ne serait-ce qu’une seule personne de la tentation de plonger dans cette fange destructrice, alors le déplaisir que j’aurais apporté avec ce livre serait largement compensé. »
Ecrit dans une langue puissante et riche, « Pimp » est un roman qui ne laisse pas indemne.
Il démarre par le viol du jeune Robert Beck enfant par sa baby-sitter et nous fait le portrait d’une enfance volée, entre un père violent et une mère abandonnée et livrée à elle-même.
Une légère accalmie nous apparaît lorsque sa mère se remarie à un homme bon, mais ce bonheur ne dure pas, sa mère tombant sous le charme d’un escroc. A partir de là, il n’y a plus guère d’issue, Robert Beck est arraché à son père spirituel, et plus rien ne semble pouvoir l’éloigner du « poison de la rue ». On pourrait presque expliquer pourquoi l’auteur détestait tant les femmes et ne pouvait que sombrer dans cette vie, mais ce serait faire des raccourcis trop simplistes.
Quelle perspective a-t-on dans une Amérique blanche ultra-raciste lorsqu’on est noir et pauvre ?
« Pimp » n’est rien moins qu’un roman hallucinant où l’on se surprend à avoir de la sympathie pour son auteur, qui nous décrit ses errances, la drogue, la honte, l’horreur de la prison, puis la lente descente aux enfers. Il ne nous épargne rien, ni la manière de recruter ses filles, ni celle de les battre avec un cintre pour les soumettre à sa volonté. La femme n’est rien d’autre que du bétail, Slim emploie d’ailleurs régulièrement le mot « d’écurie » pour décrire les prostituées qu’il a sous sa coupe. Formé par Sweet, un autre grand mac, Iceberg Slim se fera un nom sur la grande scène de Chicago.
Bien entendu, le racisme transpire dans le roman de Slim, et malgré les mouvements de protestations et l’émancipation du peuple noir, les seules voies de sorties semblent être la drogue, la prostitution et les petites arnaques.
Iceberg Slim
En 1966, quand Slim termine « Pimp », il se demande s’il trouvera un éditeur. Il le trouve après beaucoup d’effort. Il s’agit de Holloway House, fondé en 1961, une maison d’édition connue pour ses reportages croustillants sur Hollywood. Le New-York Times refuse alors de faire la promotion du roman d’Iceberg Slim, mais le bouche à oreille a déjà fait de « Pimp » un LIVRE CULTE.
Il se dégage de « Pimp » la volonté désespérée d’un homme qui cherche à devenir quelqu’un, même si ce quelqu’un n’a rien de reluisant.
Sapphire, poétesse et romancière américaine née en 1950, qui préface le livre, écrit ceci (je partage son avis, et n’aurai pas pu dire mieux): « En définitive, sa décision de parler de sa vie aussi honnêtement qu’il le pouvait a changé notre propre vie et nous a donné une vision précieuse d’un homme dont la société aurait préféré qu’il meure vaincu et silencieux. »
« Pimp » fait partie de ces romans énormes que je ne regrette nullement d’avoir lu, et comme je l’ai dit précédemment, qu’on approuve ou désapprouve, que l’on aime ou déteste, on ne peut que reconnaître la puissance âpre et sauvage qui émane des pages de ce livre. Une œuvre qui aura eu une grosse influence sur la culture afro américaine, que ce soit  le rap qui s'est souvent inspiré de sa violence et de sa crudité - Ice T ou Ice Cube ont choisi leur nom en hommage -  ou  les films de la "Blackploitation", dont le "mac" est une figure récurrente.
A lire absolument.

Dans peu de temps, je vous parlerai du 2ème livre qui constitue cette Trilogie du ghetto : « Trick Baby : The story of a White Negro».


13 commentaires:

  1. Hé bé... Je vas de ce pas akaté ech' life....

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  2. Me too !

    Vince.

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  3. et moi aussi, en tant que pêcheur, ce maquereau me tente bien..

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  4. Foxy Lady25/3/13 08:14

    Gare à vous humble pêcheur, ce maquereau là est très cru.... si j'ose dire... bonne lecture.

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  5. La vérité rien que la vérité, même et surtout si elle est cru Foxy.

    Emballez c'est pesé, et bien vendu en + !

    Vince.

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  6. Vous aussi, vous lisez la totale? Je suis précisément en train de lire "Trick Baby", après avoir terminé "Pimp".

    Je parle de ce roman ici: http://fattorius.over-blog.com/article-vingt-ans-dans-la-vie-d-un-proxenete-116587902.html

    ... et je me suis permis de faire un lien de votre billet au mien.

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  7. Foxy Lady28/3/13 15:02

    Merci DF, je vais de ce pas vous lire...

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  8. Merci! Entre-temps, j'ai pondu mon billet sur "Trick Baby"... et j'arrive gentiment au bout de ma lecture de "Mama Black Widow". Et vous?

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  9. Foxy Lady2/4/13 09:55

    Oh que non, hélas les obligations font que je n'ai aps encore fini "Trick Baby" (à regret d'ailleurs !) mais rien ne m'empèche d'aller vous lire...

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  10. Je prends donc de l'avance sur vous, puisque je viens de chroniquer "Mama Black Widow", troisième roman de la trilogie... et non le moindre à mon avis.

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  11. Foxy Lady5/4/13 14:44

    DF, quel talent ! Hate d'entamer la lecture de "Mama black widow", je m'attendais bien à une claque, après lecture de vos 2 chroniques, ça se confirme... merci donc, et à bientôt. Dans le genre des livres qui m'ont marqués, il y à "le saule" de Selby ou encore les livres de Vlautin, que j'ai chroniqué, si je puis me permettre, le vous les recommandes (si ce n'est déjà lu), comme "L'immense obscurité de la mort" chroniqué par Luc.B, que j'ai découvert dernierement, et adoré.

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