LA TRILOGIE DU GHETTO
Livre I : « PIMP,
MEMOIRE D’UN MAQUEREAU »
Si on m’avait dit, il y a quelques années, que je
lirais un roman comme « Pimp, mémoire d’un maquereau »,
il est très probable que je n’y aurais pas cru, car trop éloigné de mon
univers… seulement voilà, en vieillissant, on évolue, et heureusement, car « Pimp »
(« Mac » en français) de Iceberg Slim, n’est rien moins qu’une
bombe dont je suis obligée de vous parler.
Robert Lee Maupin, alias Robert Beck, plus connu sous le nom de Iceberg Slim est un écrivain
afro-américain, né à Chicago en 1918 et mort en 1992. Iceberg SLIM, a
passé 20 ans de sa vie à devenir le plus grand maquereau au monde. Mais comme
toute « réussite » a un prix, il connut la grandeur (si peu glorieuse
soit-elle) et la chute inéluctable due à une existence vaine et périlleuse. Il
exercera cette « profession » de 18 à 42 ans. Par la suite, il se
mariera et aura 2 enfants.
En 1960, après plusieurs séjours en prison, dont un
en cellule de confinement pendant 10 mois, qu’il nomme dans ses mémoires « le
cercueil d’acier », il décide de se ranger et de se consacrer à
l’écriture. Bien lui en a pris, car c’est indiscutablement dans cette
discipline que Slim reste une référence. Ses 6 romans, situés dans le ghetto et
racontant les affres de l’homme noir, à la recherche de l’American Dream ont
véritablement fait de lui un nom dans la littérature américaine.
Lors de sa 3ème peine de prison en 1960,
Iceberg Slim écrit épuisé : « Toute
ma vie me réapparut mais de manière limpide. Je me rendais compte de ce à quoi
elle aurait dû ressembler. J’aurais pu devenir médecin ou avocat, au lieu de
cela, j’avais consacré plus de la moitié de ma vie à une profession dangereuse
et inutile. »
Il raconte aussi la rue, dans toute sa fureur, et nous explique l’attrait qu’elle a eu sur lui dès le début : «La jungle avait commencé à insuffler en moi son amertume et sa férocité. J’étais en train de m’imbiber comme une éponge du poison de la rue. »
Slim a au moins le mérite d’être honnête et lucide,
il nous livre sa vérité, et qu’elle nous égratigne ou pas, elle nous est
offerte de manière abrupte et sans complaisance. Conscient de sa vie et du
métier abject qui a été le sien, il dit « Si
j’arrivais à sauver ne serait-ce qu’une seule personne de la tentation de
plonger dans cette fange destructrice, alors le déplaisir que j’aurais apporté
avec ce livre serait largement compensé. »
Ecrit dans une langue puissante et riche,
« Pimp » est un roman qui ne laisse pas indemne.
Il démarre par le viol du jeune Robert Beck enfant
par sa baby-sitter et nous fait le portrait d’une enfance volée, entre un père
violent et une mère abandonnée et livrée à elle-même.
Une légère accalmie nous apparaît lorsque sa mère
se remarie à un homme bon, mais ce bonheur ne dure pas, sa mère tombant sous le
charme d’un escroc. A partir de là, il n’y a plus guère d’issue, Robert Beck
est arraché à son père spirituel, et plus rien ne semble pouvoir l’éloigner du « poison
de la rue ». On pourrait presque expliquer pourquoi l’auteur détestait
tant les femmes et ne pouvait que sombrer dans cette vie, mais ce serait faire
des raccourcis trop simplistes.
Quelle perspective a-t-on dans une Amérique blanche
ultra-raciste lorsqu’on est noir et pauvre ?
« Pimp » n’est rien moins qu’un roman hallucinant où l’on se surprend à avoir de
la sympathie pour son auteur, qui nous décrit ses errances, la drogue, la
honte, l’horreur de la prison, puis la lente descente aux enfers. Il ne nous
épargne rien, ni la manière de recruter ses filles, ni celle de les battre avec
un cintre pour les soumettre à sa volonté. La femme n’est rien d’autre que du
bétail, Slim emploie d’ailleurs régulièrement le mot « d’écurie »
pour décrire les prostituées qu’il a sous sa coupe. Formé par Sweet, un
autre grand mac, Iceberg Slim se fera un nom sur la grande scène de Chicago.
Bien entendu, le racisme transpire dans le
roman de Slim, et malgré les mouvements de protestations et l’émancipation du
peuple noir, les seules voies de sorties semblent être la drogue, la
prostitution et les petites arnaques.
Iceberg Slim |
Il se dégage de « Pimp » la
volonté désespérée d’un homme qui cherche à devenir quelqu’un, même si ce
quelqu’un n’a rien de reluisant.
Sapphire, poétesse
et romancière américaine née en 1950, qui préface le livre, écrit ceci (je
partage son avis, et n’aurai pas pu dire mieux): « En
définitive, sa décision de parler de sa vie aussi honnêtement qu’il le pouvait
a changé notre propre vie et nous a donné une vision précieuse d’un homme dont
la société aurait préféré qu’il meure vaincu et silencieux. »
« Pimp » fait partie de ces romans énormes que je ne regrette nullement d’avoir
lu, et comme je l’ai dit précédemment, qu’on approuve ou désapprouve, que l’on
aime ou déteste, on ne peut que reconnaître la puissance âpre et sauvage qui
émane des pages de ce livre. Une œuvre qui aura eu une grosse influence sur la culture afro américaine, que ce soit le rap qui s'est souvent inspiré de sa violence et de sa crudité - Ice T ou Ice Cube ont choisi leur nom en hommage - ou les films de la "Blackploitation", dont le "mac" est une figure récurrente.
A lire absolument.
Et qui a traduit ce livre ?
RépondreSupprimerJean François Ménard
SupprimerHé bé... Je vas de ce pas akaté ech' life....
RépondreSupprimerMe too !
RépondreSupprimerVince.
et moi aussi, en tant que pêcheur, ce maquereau me tente bien..
RépondreSupprimerGare à vous humble pêcheur, ce maquereau là est très cru.... si j'ose dire... bonne lecture.
RépondreSupprimerLa vérité rien que la vérité, même et surtout si elle est cru Foxy.
RépondreSupprimerEmballez c'est pesé, et bien vendu en + !
Vince.
Vous aussi, vous lisez la totale? Je suis précisément en train de lire "Trick Baby", après avoir terminé "Pimp".
RépondreSupprimerJe parle de ce roman ici: http://fattorius.over-blog.com/article-vingt-ans-dans-la-vie-d-un-proxenete-116587902.html
... et je me suis permis de faire un lien de votre billet au mien.
Merci DF, je vais de ce pas vous lire...
RépondreSupprimerMerci! Entre-temps, j'ai pondu mon billet sur "Trick Baby"... et j'arrive gentiment au bout de ma lecture de "Mama Black Widow". Et vous?
RépondreSupprimerOh que non, hélas les obligations font que je n'ai aps encore fini "Trick Baby" (à regret d'ailleurs !) mais rien ne m'empèche d'aller vous lire...
RépondreSupprimerJe prends donc de l'avance sur vous, puisque je viens de chroniquer "Mama Black Widow", troisième roman de la trilogie... et non le moindre à mon avis.
RépondreSupprimerDF, quel talent ! Hate d'entamer la lecture de "Mama black widow", je m'attendais bien à une claque, après lecture de vos 2 chroniques, ça se confirme... merci donc, et à bientôt. Dans le genre des livres qui m'ont marqués, il y à "le saule" de Selby ou encore les livres de Vlautin, que j'ai chroniqué, si je puis me permettre, le vous les recommandes (si ce n'est déjà lu), comme "L'immense obscurité de la mort" chroniqué par Luc.B, que j'ai découvert dernierement, et adoré.
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