vendredi 22 mars 2013

JAPPELOUP de Christian Dugay (2013) par Luc B.



- Alors m’sieur Luc, c’est quoi ce film que vous avez été voir ?
- Jappeloup, une histoire d’étalon.
- Ah bon ? On a fait un film sur la vie de m’sieur Rockin ???
- Hein ??!! Pourquoi dites-vous cela Sonia...  Regardez-moi dans les yeux : auriez-vous fini par succomber aux avances lubriques de votre chef de service ?
- Ahh non, je l’jure ! C’est juste qu’on s’est amusé avec la nouvelle photocopieuse, savez ce que c’est, on pose son nez sur la vitre, une main, puis ça dégénère… Il est très imaginatif m'sieur Rockin' dans certaines circonstances...
- Arrfff, je comprends, j'ai fait ça aussi... et puis on agrandit à 140% pour frimer...
- Ah bah non. Nous, on n’a pas trouvé le bouton pour mettre en A3...

Comme certains chroniqueurs du Déblocnot que je ne nommerai pas, et qui sous prétexte de faire plaisir à leurs enfants fréquentent les concerts de Mylène Farmer (c'est par ici, cliquez pour relire), j'ai accédé au désir des miens de voir le film JAPPELOUP. Parce que comme ça, sur le papier, un film avec des canassons qui courent (sauf s’il y a des cowboys et des indiens dessus) ça ne me passionne pas plus que de mater des gugusses à motos ou en voiture Malboro faire 70 fois le tour d’un circuit. Et puis Guillaume Canet au scénario, j’avais déjà testé avec LES PETITS MOUCHOIRS… 

Alors pour ceux qui (comme moi) ignoreraient tout de cette (réelle) histoire, résumons… Jappeloup est le nom d’un cheval, un petit gabarit, mais qui épate par sa détente. Son propriétaire le vend à Pierre Durand, ancien avocat de la région de Bordeaux. Le cavalier et sa monture se présentent à des compétitions de saut d’obstacles, gagnent concours sur concours, sont admis en équipe de France pour participer au JO de Los Angeles en 1984… 

Par définition, dans un biopic, on connait l’histoire, et on connait la fin. Et pour un biopic sportif en particulier, ça tue un peu le suspens. Puisqu’on sait que Pierre Durand chute en finale des JO de 84, mais gagnera ceux de 88 à Séoul. Donc question : quel est l’intérêt de faire un tel film ? Parce que l'histoire est édifiante, et au-delà de l’exploit purement sportif, il y avait une matière dramatique, et psychologique non dénuée d'intérêt. 

Guillaume Canet, on le sait, à un passé équestre non négligeable, des années de compétitions avant une chute qui ruine sa carrière. Le cinéma en hérite (non non, nul sarcasme dans ma remarque). Ceci pour dire qu’il connait son sujet, et tant mieux. L’avantage étant que lorsque qu’on voit le personnage de Pierre Durand à cheval, c’est réellement Guillaume Canet sur le canasson. Ce qui nous évite les fameux plans de doublure (gros plan visage / plan d’ensemble) et accentue la véracité du projet. 

Canet assure l’écriture du film, son interprétation, confie la réalisation à Christian Dugay, un canadien réalisateur de télé, ou de série B d’action (il a tourné avec Wesley Snipes), bref un type rôdé à l’exercice, qui assurera le boulot sans trop la ramener. L’ombre de Canet plane sur le film. Il choisit comme partenaire Marina Hands, elle-même cavalière avant sa carrière d’actrice, et que Canet avait croisée par le passé en compétition. Il soigne sa bande son, qui puise dans le pop/rock 70’s – 80’s. Et il réserve une petite place à son pote Jean Rochefort, pour une très courte apparition dans son propre rôle (Rochefort étant lui aussi un passionné de cheval). 

Pour ce genre de projet, on peut s’attendre au pire, mais Guillaume Canet à l’intelligence de ne pas tomber dans les pièges classiques. D’abord, il évite le côté gnan-gnan de la relation cheval-cavalier, du genre, on dort ensemble, on mange ensemble, on part en vacances ensemble, je frémis quand l’autre à de la fièvre… Non ! Rien de tout cela, au contraire, puisque Pierre Durand dans le film n’a de cesse de rabaisser Jappeloup, trop petit, instable, ingérable. Ce qu’on lui reprochera après sa chute en 1984, lui signifiant que le cavalier et le cheval doivent ressentir une confiance mutuelle pour que le couple fonctionne. Une scène montre Durand qui va voir son cheval dans son box, ce dernier méfiant, préférant s’éloigner. Deuxième piège évité, la sacralisation du sportif, du vainqueur. Ici, point de héros. Un type plutôt antipathique, orgueilleux, limite casse bonbons, qui s’intègre difficilement dans l’équipe de France, s’entend particulièrement mal avec l’entraineur Marcel Rozier (impeccable Tchéky Karyo) que Durand soupçonne de vouloir saboter sa carrière (véridique, ou trame scénaristique ?). D’ailleurs, l’impression qui domine, c’est que le cheval avait plus de talent que son cavalier…

Un grand film français populaire ne saurait se tourner sans des acteurs solides. On est gâté. Les parents de Durand sont joués par Daniel Auteuil, sobre, parfait, Gitane au bec à chaque plan, (vous avouerez que c’est cocasse… Auteuil, pour un éleveur de chevaux !) et la toujours très juste Marie Bunel. On a le bonheur d’avoir aussi Jacques Higelin et sa tignasse grisonnante, impérial, Tchéky Karyo qui fait la gueule (donc excellent) et cerise sur la gâteau, une participation de Donald Sutherland, toute barbe et chevelure au vent, dans le rôle d’un acheteur américain intéressé par Jappeloup. Et que Pierre Durand consent à vendre d’ailleurs. C’est dire s’il estime son cheval ! Mais Durand va être papa, sa carrière d'avocat est au point mort, il a besoin de fric. Si la vente ne se fait pas, ce n’est pas que Durand change d’avis à la dernière minute, genre, ultime sursaut de lucidité, sortez les violons, le sentimentalisme et le coucher de soleil sur la baie d'Arcachon, non, mais parce que les analyses vétérinaires révèlent que le cheval est malade, et la vente est annulée. Et toujours au rayon acteur (après tout, c’est le premier rôle !) précisions que Jappeloup est interprété par 9 chevaux distincts, utilisés selon les scènes à tourner. Ils sont tous formidables !

La relation Durand père-fils est intéressante, sur les rêves par procuration, les espoirs mis dans ses enfants, ce qu'on est prêt à faire, ou pas, pour eux. Le décès du père est rendu avec sobriété, sans lourdeur ni larmoyant, les liens sont psychologiquement simples, mais justes. La mère de Durand refuse elle de regarder son fils à la télé, traumatisée par une ancienne chute du fiston ! 

Alors, oui, ce film est très académique, raconte une histoire dont on connait chaque détail et surtout l’issue. Mais ça fonctionne. Les scènes de compétitions sont filmées efficacement (le fait que Canet monte réellement y est pour beaucoup) mais sans esbroufe de caméra, seuls les ralentis sur obstacle ont tendance à m’agacer, parfaitement inutiles (je n’ai jamais compris pourquoi on filme des courses de vitesses en utilisant des ralentis, comme dans LES CHARRIOTS DE FEU !!). Et le suspens sportif fonctionne tout de même, ce qui est fort ! Spectacle familial, ultra classique, bien joué, intelligemment écrit, documenté, sans prétention, bref, du bon vieux cinoche. La semaine dernière, je fondais beaucoup d’espoir (déçu) sur le Bacri-Jaoui (cliquez ici pour relire) et là, sachant que je ne m’attendais à rien, je ressors finalement de la salle plutôt agréablement surpris. 


Couleurs  -  2h10  -  scope 2:35


Mon petit couplet habituel : pffff... 2h10... On ne s’ennuie pas, mais, y'avait peut-être moyen de raccourcir d'un p'tit quart d'heure, non ?

La bande annonce qui ne rend pas justice au film, et peut faire craindre le pire, enfilant tous les poncifs...
 

1 commentaire:

  1. pat slade22/3/13 12:07

    Le chroniqueur qui pour faire plaisir à sa fille (Et à lui même)l'emmène voir un concert de Mylène Farmer, ira voir ce film avec elle.Le grand Higelin sur une affiche de ciné, on avait pas vu ça depuis "Colette une femme libre" en 2003 (Nouvelle album à venir sous peut)

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