mercredi 17 octobre 2012

ROBERT RANDOLPH & The Family Band " Live In Concert " (2012) - By Bruno


     Gospel Power

     Robert Randolph vient du style « Sacred Steel » (un genre de Gospel où la Lap-Steel est reine et notamment initié par l'église pentecôtiste, mouvement prenant racine dans les années 30 et humblement baptisé « House of God »), tout comme Chuck Campbell (du groupe The Campbell Brothers). Toutefois, comme il le dit lui-même, tout en se considérant en mission pour élargir l'audience et transmettre un message, son souhait est d'être différent, de développer le genre. D'être en quelque sorte le Hendrix du « Sacred Steel ». Alors que dans un premier temps ses goûts musicaux se limitaient au Gospel et au Rythmn'n'Blues (il site Stevie Wonder, Al Green et Barry White), et même quelques trucs de R'n'Bi contemporain, Il fut séduit par le jeu sincère et gorgé de feeling de Duane Allman et de Stevie Ray Vaughan, ce qui l'incita à découvrir, et à assimiler le Blues et le Rock à sa musique. Malheureusement pour lui-même et sa « famille », des membres influents de son église désapprouvaient que l'on porte le « message » aux foules, en dehors des portes du temple (car tous les musiciens de ce mouvement religieux sont tenus de limiter leur art à leur église - on peut pourtant retrouver des vieux enregistrements fait par Arhoolie -). Désormais, les portes de leur église leur sont closes et ils ne peuvent plus y jouer (ils ont été les premiers à se faire virer – en 2000 – ensuite cela a été au tour des Campbell Brothers, puis de Calvin Cooke). Qu'importe.... Randolph garde la foi ; il a le souhait de porter le message à l'extérieur  et ne s'économise pas sur scène pour prêcher la bonne parole et surtout communier avec le public. Toutefois, d'autres églises, moins sectaires, sont heureuses de les accueillir.


     On avait pu avoir un avant goût fort prometteur grâce aux Crossroads de Sir Eric Clapton (voir les DVD du festival de 2004 et de 2010), qui avait su voir le potentiel de ce combo familial et qui les prit en première partie en 2008, pour exposer son énorme talent aux foules. Auparavant, leur soutien aux Blind Boys of Alabama (notamment sur le magnifique album « Higher Ground » - un de leurs meilleurs - ) avait déjà permis, de manière plus restreinte, de faire découvrir cette Family.

Et là, on est guère déçu.
     C'est évident, ces lascars-là ne trichent pas, ne se forcent pas, ne simulent pas : ils s'offrent entièrement à leur public. De ce live il émane, outre le plaisir évident de jouer, un besoin viscéral de faire partager leur foi, leur bonne humeur et leur amour avec le public. Ils redonneraient le sourire au plus renfrogné des grincheux. D'ailleurs, en parlant de sourire, il faut voir celui de Robert Randolph, si avenant et communicatif, si spontané. Cette musique irradie tellement l'amour non feint et la sincérité que l'on ne peut y rester insensible. Sauf peut-être ceux qui sont définitivement pollués par de la muzak synthétique et/ou abrutissante.

     Bien qu'issue du Gospel, et en gardant précieusement ses bases, la musique de Robert Randolph n'a pas de réelles frontières. Il pioche indifféremment dans le Funk, le Rock, le Blues et la Soul. Mixant le tout au hasard, sans calcul, sans recherche commerciale ou copiste. Juste la quête, l'expérience de créer quelque chose qui touche le cœur ou l'âme de l'auditeur. Et c'est en concert qu'il y parvient le plus aisément. Le feeling à l'état pur, qui le rapproche parfois, dans un bouillonnement des genres, plus dans l'esprit que dans la musique, de Sly Stone, de Derek Trucks, des Allman Brothers ou de Jimi Hendrix, voire des Meters.

     La musique chatoyante et salvatrice de Robert Randolph & The Family Band prend toute sa dimension sur scène. Elle s'y épanouit, y gagnant en force, en ampleur et en feeling. Elle irradie d'une lumière spirituelle, régénératrice même. En comparaison, les versions studios paraissent légèrement étriquées, parfois même « gentillettes ».

    Un producteur pour la Randolph Family ? Inutile. Enregistrez les en concert, là est leur son ; et quel son (la production ici est de Robert assisté par John McDermott). Écoutez cette basse généreuse, entre grave et medium, sachant se faire claquante ou lourde, se permettant quelques écarts judicieux ; cette batterie groovy (cependant c'est le petit bémol de ce présent live, car en retrait elle aurait pu bénéficier d'un petit coup de pouce au mixage), la voix puissante de la sœurette Lenesha, les voix graves et transcendées de Robert et de Danyel Morgan (le bassiste). Sans omettre le maître d'oeuvre, le phénomène Robert Randolph. Ses Lap-Steel-Guitars, Pedal-Steel-Guitars, et guitares, donnent souvent l'impression d'être possédées par un génie espiègle débordant d'énergie juvénile qui tire de ces instruments des sons enivrants et chaleureux. Toutes les notes sont habitées, même lorsque la vélocité semble défier les lois de l'apesanteur, donnant le vertige. Une Lap-steel qui ose des chorus démentiels et dès lors qu'elle se pare d'un wah-wah ou d'une overdrive, cela devient dingue. A de rares occasions, cela part dans des soli débridés, en dérapage incontrôlé, rattrapés de justesse, avant le crash, grâce à l'expérience et la maîtrise. 


     Dans une communion quasi parfaite, on retrouve Susan Tedeschi, les Campbell brothers, Ryan Shaw et Nigel Hall sur « I'll take you there » des Staple Singers, Ryan Shaw sur « Shining Star » d'Earth Wind & Fire, et Joey Williams des Blind Boys of Alabama sur « If I had my way » et le « Walk don't Walk » de Prince.

Des lives de cette teneur, ça ne courent pas les rues, surtout de nos jours, alors ne manquez pas d'y prêter une esgourde attentive.

Robert Randolph : Vocals, Lap & Steel Guitar
The Family :
Danyel Morgan : Vocals & Bass - Marcus Randolph : Drums - 
Lenesha Randolph : Vocals - Brett Haas : Guitar, Keyboards & Vocals

The Friends :
Chuck Campbell, Darick Campbell, & Calvin Cooke : Steel Guitar / Nigel Hall : Keyboards / Chris Layton : Drums / Scott Nelson : Bass / Ryan Scott & The Monophonic Horns /
Ryan Shaw & Joey Williams : Vocals / Tommy Sins : Guitar & Vocals /
Adam Smirnoff : Guitar / Susan Tedeschi : Guitar & Vocals


  1. Travelling Shoes - 5:09 (R.Randolph / T.Bone Burnett / Tonio K)
  2. Squeeze - 8:03  (R.Randolph)
  3. Don't Change - 6:37  (Will Gray / J. Hamlin)
  4. Sacred Steel - 0:38  
  5. If I Had My Way - 6:51  (R.Randolph / T.Bone Burnett / Tonio K)
  6. Electric Church - 2:40  
  7. Peekaboo - 6:09   (R.Randolph)
  8. I'll Take You There - 8:05   (All Bell)
  9. Walk Don't Walk - 7:52   (Prince)
  10. Back to the Wall - 4:56   (Will Gray)
  11. Shining Star - 4:28   (Maurice White / Larry Dunn / Philip Bailey)
  12. Purple Haze - 4:45  (J.H.)






Extrait du Crossroads Guitar Festival de 2010




2 commentaires:

  1. Personnellement je ne suis pas un grand fan de Robert Randolph, mais il faut reconnaître que le grand intérêt de cet artiste réside dans le fait qu'il a su avec brio, sortir la pedal-steel guitar de son style de prédilection, le country-rock. On s'aperçoit alors des innombrables et méconnues possibilités de cet instrument.
    Les disques studio ne m'avaient pas emballé, mais promis je vais écouter ce live. Amicalement.

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    1. Les albums studio de Randolph et sa famille sont un peu sages, recueillis, par rapport à ce qu'il développe sur scène. "Colorblind" est un peu plus fougueux (et rejeté par une certaine intelligentsia).
      En live, sa pedal-steel se désinhibe, se lâche. Il y a parfois des pains, mais c'est vivant.

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