Gospel Power
Robert Randolph
vient du style « Sacred Steel » (un genre de
Gospel où la Lap-Steel est reine et notamment initié
par l'église pentecôtiste, mouvement prenant racine dans
les années 30 et humblement baptisé « House
of God »), tout comme Chuck Campbell (du groupe The Campbell Brothers). Toutefois, comme il
le dit lui-même, tout en se considérant en mission pour
élargir l'audience et transmettre un message, son souhait est
d'être différent, de développer le genre. D'être
en quelque sorte le Hendrix du « Sacred Steel ».
Alors que dans un premier temps ses goûts musicaux se
limitaient au Gospel et au Rythmn'n'Blues (il site Stevie Wonder, Al
Green et Barry White), et même quelques trucs de R'n'Bi
contemporain, Il fut séduit par le jeu sincère et gorgé
de feeling de Duane Allman et de Stevie Ray Vaughan, ce qui l'incita
à découvrir, et à assimiler le Blues et le Rock
à sa musique. Malheureusement pour lui-même et sa
« famille », des membres influents de son
église désapprouvaient que l'on porte le « message »
aux foules, en dehors des portes du temple (car tous les musiciens de ce
mouvement religieux sont tenus de limiter leur art à leur
église - on peut pourtant retrouver des vieux enregistrements fait par Arhoolie -). Désormais, les portes de leur église
leur sont closes et ils ne peuvent plus y jouer (ils ont été
les premiers à se faire virer – en 2000 – ensuite cela a
été au tour des Campbell Brothers, puis de Calvin
Cooke). Qu'importe.... Randolph garde la foi ; il a le souhait de
porter le message à l'extérieur et ne s'économise pas sur scène
pour prêcher la bonne parole et surtout communier avec le
public. Toutefois, d'autres églises, moins sectaires, sont
heureuses de les accueillir.
On avait pu avoir un avant goût fort prometteur grâce aux Crossroads de Sir Eric Clapton (voir les DVD du festival de 2004 et de 2010), qui avait su voir le potentiel de ce combo familial et qui les prit en première partie en 2008, pour exposer son énorme talent aux foules. Auparavant, leur soutien aux Blind Boys of Alabama (notamment sur le magnifique album « Higher Ground » - un de leurs meilleurs - ) avait déjà permis, de manière plus restreinte, de faire découvrir cette Family.
Et là, on
est guère déçu.
C'est évident,
ces lascars-là ne trichent pas, ne se forcent pas, ne simulent
pas : ils s'offrent entièrement à leur public. De ce
live il émane, outre le plaisir évident de jouer, un
besoin viscéral de faire partager leur foi, leur bonne humeur
et leur amour avec le public. Ils redonneraient le sourire au plus
renfrogné des grincheux. D'ailleurs, en parlant de sourire, il
faut voir celui de Robert Randolph, si avenant et communicatif, si spontané. Cette musique
irradie tellement l'amour non feint et la sincérité que
l'on ne peut y rester insensible. Sauf peut-être ceux qui sont
définitivement pollués par de la muzak synthétique
et/ou abrutissante.
Bien qu'issue du
Gospel, et en gardant précieusement ses bases, la musique de
Robert Randolph n'a pas de réelles frontières. Il
pioche indifféremment dans le Funk, le Rock, le Blues et la
Soul. Mixant le tout au hasard, sans calcul, sans recherche
commerciale ou copiste. Juste la quête, l'expérience de
créer quelque chose qui touche le cœur ou l'âme de
l'auditeur. Et c'est en concert qu'il y parvient le plus aisément.
Le feeling à l'état pur, qui le rapproche parfois, dans
un bouillonnement des genres, plus dans l'esprit que dans la musique,
de Sly Stone, de Derek Trucks, des Allman Brothers ou de Jimi
Hendrix, voire des Meters.
La musique
chatoyante et salvatrice de Robert Randolph & The Family Band
prend toute sa dimension sur scène. Elle s'y épanouit, y
gagnant en force, en ampleur et en feeling. Elle irradie d'une
lumière spirituelle, régénératrice même.
En comparaison, les versions studios paraissent légèrement
étriquées, parfois même « gentillettes ».
Un producteur
pour la Randolph Family ? Inutile. Enregistrez les en concert, là
est leur son ; et quel son (la production ici est de Robert assisté
par John McDermott). Écoutez cette basse généreuse,
entre grave et medium, sachant se faire claquante ou lourde, se
permettant quelques écarts judicieux ; cette batterie groovy
(cependant c'est le petit bémol de ce présent live, car
en retrait elle aurait pu bénéficier d'un petit coup de
pouce au mixage), la voix puissante de la sœurette Lenesha, les voix
graves et transcendées de Robert et de Danyel Morgan (le
bassiste). Sans omettre le maître d'oeuvre, le phénomène
Robert Randolph. Ses Lap-Steel-Guitars, Pedal-Steel-Guitars, et guitares, donnent souvent
l'impression d'être possédées par un génie
espiègle débordant d'énergie juvénile qui tire
de ces instruments des sons enivrants et chaleureux. Toutes les notes
sont habitées, même lorsque la vélocité
semble défier les lois de l'apesanteur, donnant le vertige.
Une Lap-steel qui ose des chorus démentiels et dès lors
qu'elle se pare d'un wah-wah ou d'une overdrive, cela devient dingue. A de rares occasions, cela part dans des soli débridés, en dérapage incontrôlé, rattrapés de justesse, avant le crash, grâce à l'expérience et la maîtrise.
Dans une
communion quasi parfaite, on retrouve Susan Tedeschi, les Campbell
brothers, Ryan Shaw et Nigel Hall sur « I'll take you
there » des Staple Singers, Ryan Shaw sur « Shining
Star » d'Earth Wind & Fire, et Joey Williams des Blind
Boys of Alabama sur « If I had my way » et le
« Walk don't Walk » de Prince.
Des lives de
cette teneur, ça ne courent pas les rues, surtout de nos
jours, alors ne manquez pas d'y prêter une esgourde attentive.
Robert Randolph :
Vocals, Lap & Steel Guitar
The Family :
Danyel Morgan :
Vocals & Bass - Marcus Randolph : Drums -
Lenesha Randolph : Vocals - Brett Haas : Guitar, Keyboards & Vocals
Lenesha Randolph : Vocals - Brett Haas : Guitar, Keyboards & Vocals
The Friends :
Chuck Campbell,
Darick Campbell, & Calvin Cooke : Steel Guitar / Nigel Hall :
Keyboards / Chris Layton : Drums / Scott Nelson : Bass / Ryan
Scott & The Monophonic Horns /
Ryan Shaw &
Joey Williams : Vocals / Tommy Sins : Guitar & Vocals /
Adam Smirnoff :
Guitar / Susan Tedeschi : Guitar & Vocals
- Travelling Shoes - 5:09 (R.Randolph / T.Bone Burnett / Tonio K)
- Squeeze - 8:03 (R.Randolph)
- Don't Change - 6:37 (Will Gray / J. Hamlin)
- Sacred Steel - 0:38
- If I Had My Way - 6:51 (R.Randolph / T.Bone Burnett / Tonio K)
- Electric Church - 2:40
- Peekaboo - 6:09 (R.Randolph)
- I'll Take You There - 8:05 (All Bell)
- Walk Don't Walk - 7:52 (Prince)
- Back to the Wall - 4:56 (Will Gray)
- Shining Star - 4:28 (Maurice White / Larry Dunn / Philip Bailey)
- Purple Haze - 4:45 (J.H.)
Extrait du Crossroads Guitar Festival de 2010
Personnellement je ne suis pas un grand fan de Robert Randolph, mais il faut reconnaître que le grand intérêt de cet artiste réside dans le fait qu'il a su avec brio, sortir la pedal-steel guitar de son style de prédilection, le country-rock. On s'aperçoit alors des innombrables et méconnues possibilités de cet instrument.
RépondreSupprimerLes disques studio ne m'avaient pas emballé, mais promis je vais écouter ce live. Amicalement.
Les albums studio de Randolph et sa famille sont un peu sages, recueillis, par rapport à ce qu'il développe sur scène. "Colorblind" est un peu plus fougueux (et rejeté par une certaine intelligentsia).
SupprimerEn live, sa pedal-steel se désinhibe, se lâche. Il y a parfois des pains, mais c'est vivant.