"Toi qui me lis, lecteur du Deblocnot, tu es une
vermine puante, oui toi ! Et toi aussi là, et lui, et elle ! Des cancrelats sur
la face de notre belle planète, qui à longueur de journées la polluent et
l'empoissonnent. Avez-vous par exemple pensé à l'énergie qu'il faut pour faire
marcher votre ordi et aux rejets nucléaires
dues à sa production ? Y'en a même qui nous lisent sur des téléphones, et qui
encombrent le ciel de satellites, je vous le dis mes frères, jetez ces
équipements impies par la fenêtre et pendant que vous y êtes, détruisez vous
aussi pour la grandeur de la Terre !!
Nous sommes trop nombreux sur cette planète !"
- "Euh Rockin, qu'est ce que tu racontes ? Si nos
lecteurs se détruisent qui va nous lire ?!"
- "Oups, oui, pardon, c'est que je viens de lire
"Le parleur" de Michel Zvenigorosky et ... mais je vais vous expliquer, vous
allez mieux comprendre..."
l'auteur et son bébé |
Imaginez un monde dans lequel une secte d'illuminés aurait
prit le pouvoir. Des "supra écologistes" intégristes et
jusqu'au-boutistes professant que l'homme doit disparaître afin de sauver la
planète, qui auraient inventé des tables de la loi interdisant sous peine de
mort toute agression même mineure envers
la nature ; cet étrange concept s'appelle la "Planètocratie". Prohibés donc la pêche, la chasse, la
consommation de viande, les cultures, le feu, l'électricité, la médecine; même
plus le droit de couper un arbre pour faire une hutte. Les derniers survivants
errent nus (plus de vêtements non plus) dans des villages, des réserves plutôt,
où ils survivent de cueillette, dormant à même le sol dehors ou dans des
cavernes... La procréation est également très contrôlée et soumise à
autorisation, rares sont les femelles qui ont ce droit.
Les contrevenants sont massacrés par
"l'Expiation", le bras armés des "Avisés", ceux qui sont à
l'origine de cette dictature. La pensée unique est transmise par des
"Parleurs" qui vont de villages en villages l'enfoncer dans les
crânes, et oui il n'y a plus de livres depuis longtemps, d'ailleurs plus
personne ne sait lire, et le seul moyen de communication restant est le mode
direct.
Le parleur, héros du roman, s'acquiert de se tache avec
zèle, profite au passage de son pouvoir pour s'accoupler avec des femelles
crasseuses et prend un malin plaisir à culpabiliser les rescapés, les poussant
parfois jusqu'au suicide, à son grand bonheur, puisque le but ultime, ne
l'oublions pas, est la disparition de l'humanité.
Ouai, ben Michel, jusque là ton roman il m'a carrément foutu
les jetons, sais pas si je voterai encore pour les Verts…
Mais un grain de sable va enrayer la machine, quand notre
parleur, et l'apprenti qu'il a recruté, vont rencontrer une communauté de
"Viveurs", des rebelles qui ont refusé de se plier à ce fascisme et
essaient de vivre comme des hommes et non des animaux, réfugiés dans les ruines
d'une ville abandonnée.
Comment notre parleur endoctriné jusqu'au bout des ongles va-t-il voir ses certitudes remises en question et réagir face à ces hommes et
femmes qui piccolent, bouffent et aiment ?...
Il va lui en arriver des aventures : apprendre à lire les
livres (on le sait, les livres ont de tous temps été l'ennemi juré des dictatures de tous poils) éprouver des sentiments qu'il ignorait, et enfin découvrir la vérité sur les
Expiateurs (dont le campement et le fonctionnement rappelle fâcheusement les
horreurs nazis) et les Apôtres, ceux placés en haut de l'échelle de ce qui
reste de l'humanité
Ne comptez pas sur moi pour vous raconter la suite, va falloir
lire le bouquin mes ami(e)s, sachez juste que l'auteur va vous prendre à
contre-pied et que l'issue n'est pas celle à laquelle on s'attend à ce moment
de la lecture…
Michel explique qu'il s'est inspiré de sectes existantes qui
militent pour la destruction de l'humanité pour sauver la Terre comme la
désopilante "Eglise de l'euthanasie" , le tordant "Front de
libération de Gaia" ou les comiques troupiers du "Voluntary Human
Extinction Movement" (ci contre). Qu'adviendrait il si ces zozos arrivaient à
convaincre la majorité d'appliquer leurs
thèses ? C'est ce qu'a essayé d'imaginer l'auteur dans ce roman
d'anticipation. Un sacré bon roman, même si le début est un peu longuet, mais
qui décolle vraiment avec la confrontation du Parleur et des Viveurs. On
ressort de cette lecture avec plein d'interrogations sur l'avenir de
l'humanité, son rapport à la planète, le pouvoir, la manipulation, l'écologie,
les sentiments, la vie... Et un roman qui fait réfléchir n'est jamais écrit pour
rien.
Bon maintenant Michel, je te le dis, si tu comptais être
publié dans la collection Harlequin ou la Bibliothèque rose, c'est mort, laisse tomber.
Mais tout n'est pas si noir. Si le début est terrifiant avec
la description des conditions de vie des
survivants, la plume se fait ensuite plus optimiste, par exemple avec la
découverte de la lecture et des plaisirs de la vie par le parleur. Au fond
l'homme n'est pas si pourri et a inventé de belles choses, l'art par exemple,
ainsi notre parleur va découvrir… le blues, joué par un de ces viveurs.
D'ailleurs puisqu'on parle musique ces viveurs m'ont évoqué les folles années
de San Francisco, Ashbury Haight, le Grateful Dead, Janis Joplin, dans leur
refus de ce qu'on leur impose et leur façon de profiter de la vie, même si ce ne sont pas à proprement parler
des babas cool.
Derrière une certaine
misanthropie qu'on devine à la lecture du catalogue des méfaits de l'espèce
humaine, Michel aime sans doute profondément l'humanité, tout en regrettant ses
excès, sa cupidité et sa bêtise, alors qu'elle pourrait s'élever vers de plus
nobles desseins.
On ne peut nier à Michel une imagination foisonnante et une
écriture fluide et comment dire… imagée, l'impression parfois de regarder un
film en lisant, j'ai pensé à certaines séquences de "Je suis une
légende" d'après Richard Matheson, ces villes abandonnées, la nature qui a
repris ses droits… Je pense qu'une adaptation sur une toile pourrait donner quelque
chose, Spielberg si tu me lis…
Un mot sur l'auteur pour conclure, un artiste multi
casquette, joueur de blues avec son groupe Michel Z et les Charity Beans (lien) mais
aussi par dédoublement de personnalité Enzo Ketchup (lien) troubadour anar qui doit
beaucoup à Brassens et Ferré et maintenant écrivain. (Cliquez ci-dessus sur les liens vers
ses sites où vous pourrez en apprendre plus et écouter ses enregistrements).
Ah oui, bonne question, où trouver ce bouquin auto produit ? Si vous êtes
en Normandie vous le trouverez à Caen, à Brouillon de culture 29 rue St Sauveur (au 1er, rayon anticipation)... Sinon un mail à l'auteur de notre part (michel@michelz.com)
J'ai lu le parleur, effrayant, organique et jouissif, les images poursuivent longtemps après la lecture. Bravo!
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