mercredi 14 mars 2012

MONTROSE "Montrose" (1973) + "Paper Money" (1974) - by Bruno



Ben voilà.... mauvaise nouvelle ... Ronnie Montrose a perdu un combat qu'il menait depuis cinq ans. Le 5 mars dernier, à 64 ans, il a été emporté par un cancer.
J'ai les boules... Montrose... Que de souvenirs avec ces deux premiers disques qu'un ami m'avait successivement ramenés. Pas peu fier qu'il était le poto, et pour cause. Dans les 70's, ils n'étaient pas nombreux ceux qui pouvaient déballer une telle puissance de feu avec une telle maestria. Plus tard, j'avais goûté, via la radio (Wango-Tango certainement), Gamma, mais les disques étaient introuvables. Puis, en 1986,, encore ce même poto qui arrive avec un sourire jusqu'aux oreilles avec sous le bras "Territory", le second album solo de Ronnie, et son premier depuis quatre ans. Une autre claque. Ronnie m'enchantait à nouveau avec cette fois-ci un registre totalement nouveau, nettement plus atmosphérique. Deux ans plus tard, après un éphémère retour au style du Montrose originel ("Mean" avec James Kottak et Johnny Edwards), "Speed of Sound" renouait avec le rock lourd de qualité et donnait une leçon à pas mal d'apprentis guitar-heroes .
Bref, en hommage à ce grand guitariste, qui fut une source d'inspiration pour bon nombre de guitaristes (et pas des moindres), une p'tite chronique (que j'avais sous le coude) sur "l'ère Hagar" de Montrose.

MONTROSE : L'ère HAGAR

     En 1973, un inconnu pond un disque de Heavy-Rock gras, lourd, bestial et belliqueux qui va tout balayer sur son passage, et marquer à jamais l'univers des sidérurgistes du Rock velu.

Un natif du Colorado en a marre de jouer les mercenaires, marre d'être obligé de suivre les directives de ses employeurs, marre de rester dans l'ombre des vedettes qu'il accompagne (Beau Brummels, Van Morrisson, Boz Scaggs, Edgar Winter, Herbie Hancock).


     Ronnie Montrose
a une vision toute personnelle sur la façon dont doit sonner une guitare, et pour cela il fonde en 1973 un groupe sous son nom pour pouvoir enfin s'exprimer comme il le désire, sans la contrainte d'un employeur directif. Il recrute à la basse son ancien collègue (de l'époque « Van Morrisson »), Bill Church, et un jeune batteur, Dennis Carmassi.
En guise de chanteur, il trouve un jeune blondinet californien, fougueux et extraverti, qui, végétant depuis 1967/68, a les crocs : Sammy Hagar.
Ce petit monde entre en studio, et en deux-trois coups de cuillère à pot, accouche d'un manifeste du Heavy-Rock.
C'est un uppercut, un ramponeau, un rouleau-compresseur de Hard-blues muant vers un Heavy-Rock gorgé de testostérone, un proto-Big-Rock US. Après cet album, plus rien ne sera plus comme avant. On a souvent écrit que ce disque faisait figure de précurseur, annonçant cinq ans en avance la venue d'un Van-Halen (d'ailleurs Eddie a reconnu l'influence de Montrose).

     Alors que Deep-Purple, Led-Zep et consorts posèrent les jalons du Hard 70's, Montrose posa ceux des 80's. Notamment par une Les Paul très saturée, chargée de basses et de mediums, donnant l'impression de remplir, de déborder même de l'espace sonore (Van Halen devait certainement vouloir retrouver ce son, ou du moins s'en rapprocher, lorsqu'il trafiqua ses micros en 1976 pour gonfler le son de sa guitare). Les fréquences se bousculent et débordent du spectre sonore avec une furie digne d'un Berserker.
Carmassi n'a d'autre solution que de frapper comme un sourd, et Hagar de s'époumoner pour que l'on puisse les entendre à travers ce magma vivant de riffs et de chorus bodybuildés.

     La voix de Sammy Hagar est à la fois survoltée et saturée d'émotion, ce qui pourrait le faire passer pour un écorché vif (alors qu'il serait plutôt du genre décontracté, « beach-boy » bien dans sa peau). La frappe de Denny Carmassi est lourde et précise, dans le genre John Bonham, mais avec toutefois moins de cymbales et surtout un charleston plus timide. Quant à la basse de Bill Church, elle fait référence au jeu de John Paul Jones en se donnant un peu de liberté par rapport à la rythmique jouée à la guitare, n'hésitant pas à rajouter une note ou deux afin de créer un contre-point ou un groove tendu et inaltérable. Mais aussi à Pete Way, par le son, ainsi que lorsqu'il retranscrit avec peu de notes une ligne mélodique. Un véritable renfort à la batterie, et non juste un faire-valoir. La section rythmique fait donc principalement référence à Led Zeppelin, ce que souligneront certains critiques en criant au plagiat (ce qui n'est nullement le cas).


     Montrose
assène sans ménagement des rocks lourds, consistants, belliqueux, noyés d'électricité, aux rythmiques élaborées dans les Hauts-fourneaux, allant d'un tempo modéré à carrément lent, voire pachydermique. Dans le cas des tempo les plus lents, il n'est pas question de slow-blues, mais plutôt de rock menaçant et pesant, qui font passer le « Godzilla » du Blue Öyster Cult pour de la pop.


     D'entrée « Rock the Nation » annonce la couleur avec ces musiciens toutes griffes dehors ; ils ne sont pas là pour faire dans la dentelle. Ce sont des guerriers avides de conquêtes. « Bad Motor Scooter » confirme la première impression, vite enchaîné par un "Space Station #5 » dont le final est proto-punk. Trois bombes incendiaires enchaînées, érigées à juste titre au rang de classique des classiques, souvent repris en concert par Sammy Hagar lors de sa carrière solo, et même actuellement avec Chickenfoot.
« Rock Candy » et « Make it Last » sont dépouillés et ostensiblement lourds, écrasant tout sur leur passage.
« Good Rockin' Tonight » et « One thing on my Mind » sont des Rock'n'Roll appuyés, irrespectueux, pleins de morgue où la gratte de Ronnie fait des étincelles (sans subterfuges ou artifices de « farces & Attrapes »). Et « I Don't Want It » annonce le Cheap-Trick de 1977.

     Ces gars-là , s'appuyant sur le brasier d'un Heavy-Rock en pleine expansion (ou à son apogée diront certains) font du neuf avec du vieux, notamment par l'approche sonique. A la base c'est du Hard-Rock'n'Roll d'où l'on pourrait extraire les influences de Mountain, Led Zeppelin, Cactus, Johnny Winter ou Grand Funk Railroad sans pour autant que cela soit jamais prégnant. Ronnie en a extrait l'essence pour en faire sa propre musique.

     Malgré cette agression outrancière, l'album « Montrose » a du succès et passe sur les ondes. Du jour au lendemain, cette réunion d'hommes de l'ombre et d'inconnus était connu de tous les amateurs d'électricité et de sensations fortes du continent Nord-américain et d'Angleterre. Bref, un album monumental, incontournable. Un, grand, très grand classique du Hard-rock.






Peter Frampton : "Attristé d'apprendre le décès de l'ami Ronnie Montrose. C'était une personne merveilleuse et un guitariste incroyable"
Slash : "Montrose est l'un des plus grands albums de tous les temps. Une influence majeure. RIP, man"
Steve Lukather : "Mon coeur va à Ronnie et sa famille. Un guitariste monstrueux et réellement sympathique. Il va nous manquer..."


Glenn Hughes : "Je viens d'apprendre que mon bon ami est décédé... je suis sans voix... RIP, mon frère. Tu vas nous manquer"
Dee Snider : "...le légendaire Ronnie Montrose est mort. Son premier album a changé ma vie. RIP."
KISS : "En souvenir de notre ami Ronnie Montrose"
Sammy Hagar : "... Je me réjouissais d'une réunion pour ma fête d'anniversaire avec Denny et Ronnie au Cabo, .... C'est une honte de perdre Ronnie, et je suis tellement désolé pour ses proches. RIP"



     Le disque suivant, « Paper Money » (1974), bascule dans un Heavy-rock toujours cossu mais plus chatoyant, avec un certain raffinement (de brutes épaisses – mais qui ont de l'éducation) qui donnerait presque la sensation d'une présence fantomatique de cuivres. Souvent dénigré cet album n'en demeure pas moins une excellente réalisation dont le seul tort fut de ne pas réitérer intégralement la recette précédente (toutefois, aux USA, c'est le disque de Montrose qui se vendit le mieux). Ce nouveau Montrose de 1974 s 'éveille à d'autres horizons avec la même excellence.
   Ainsi « Connection » la reprise des Rolling Stones fort habilement muée ici en mode ballade folk-rock, marchant autant sur les traces du « Battle of Evermore » que de Fairport Convention, voire de Renaissance, où Sammy démontre qu'il n'est pas seulement un habile hurleur et que Ronnie n'a besoin de personne pour tricoter des arpèges mélancoliques. Cette magnifique version enterrerait presque celle de Jagger et Richards. Toutefois, les deux versions ne sont pas comparables puisqu'elles officient dans deux registres biens distincts.
   « Spaceage Sacrifice » est un killer froid et sans état d'âme. Sur un rythme lent, une basse monolithe, des accords espacés, Sammy pose sa voix comme s'il soliloquait dans une cellule, en retrait d'une pression sous jacente, avant que tout ce bon monde ne se lache dans une explosion salvatrice.
   « Starliner » pourrait être un succédané de « Space Station » joué par Devo qui branche la disto et les Marshall.
   « We're going Home » est une complainte, avec renfort de Mellotron, un slow qui bien qu'intimiste ne laisse aucun doute quant à la maison des interprètes.

 Le reste fait le lien entre les deux opus. On garde la puissance de feu, cependant c'est moins séminal et plus flamboyant. « Paper Money » est assis sur une basse (placée ici très en avant) et une batterie galopante ouvrant une large route où Ronnie et Sammy n'ont plus qu'à laisser libre court à l'inspiration. « The Dreamer » puise son inspiration dans Mountain, et notamment son « Mississippi Queen ». « I Got the Fire » porte bien son nom, une pièce pyromane ; les quatre lascars attaquent de front à découvert, et dézinguent à tout va.

     Sur ces deux galettes, la cohésion du groupe donne une puissance incroyable.
Chaque titre fait office de classique, et l'ensemble présente un condensé dans ce qui s'est fait de mieux dans le Heavy Rock. La présence de Ted Templeman et de Donn Landee à la console (comme par hasard, tous deux futurs producteurs de Van Halen) n'est certainement pas étrangère à ce son énorme, tellement en avance sur son temps. Ici, la dénomination "Grosse Guitare" prend toute son importance et n'est aucunement galvaudée. 

     Malheureusement, dès le départ de Sammy Hagar, le succès retombe progressivement, jusqu'à ce que le nom de Ronnie Montrose n'évoque qu'un lointain souvenir lorsqu'il n'est pas totalement inconnu. Alors que paradoxalement, les autres comparses eurent tous une riche carrière. Carmassi bien sûr avec Heart, mais également dans divers projets annexes, généralement de studio. On le retrouve également sur les disques 2, 3 et 4 de Gamma, le second groupe de Ronnie Montrose. Mais surtout Sammy Hagar qui réussit à rester sous les feux de la rampes sous son seul nom ; bien que peu connu dans l'hexagone (mais est-ce une référence) sinon pour son intégration dans Van-Halen et actuellement avec Chickenfoot. Quant à Bill Church, présent que sur le 1er opus, il jouera avec Sammy de 1976 à 1984, puis retour en 1997 pour « Marching to Mars ».






Ronnie Montrose, 29/11/1947 - 3/03/2012 -
Repose en paix

4 commentaires:

  1. Sacré guitariste... RIP Ronnie Montrose.

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  2. "Make It Last" !! Mon titre favori.
    J'ai été co-propriétaire de ces 2 albums, mais j'en ai perdu la "garde". Anyway, l'essentiel reste on my mind. G.R.

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  3. OK, mais leur présence dans une CDthèque rock est indispensable. L'écoute de ces deux opus est toujours une source de bonheur (un peu bourrin certes le bonheur, mais bonheur tout de même).

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  4. Vous avez raison Mister Bruno ! Il faut reconquérir ce qui nous est indispensable. Le besoin de s'abreuver (à nouveau)à demeure, à cette source de bonheur m'avait quittée. Merci de booster une future série 5, ça fait du bien !
    N.B : Vous avez écrit présence...la fan de LED ZEP y a été sensible. G.R.

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