Nous avions laissé un Woody Allen perplexe et désabusé, dans son précédent opus, VOUS ALLEZ RENCONTRER UN BEL ET SOMBRE INCONNU. On le retrouve léger et nostalgique dans ce 43ème long métrage (si mes comptes sont bons…). Et on le retrouve visiblement heureux de tourner à Paris, ce dont il rêvait depuis un moment (après Londres et Barcelone) mais que des tracas financiers lui interdisaient jusqu’à présent. Sur un air de Sidney Bechet, le film commence donc par une visite touristique de la capitale française, une série de plans sous le soleil, puis sous la pluie (tiens, drôle d’idée… mais justifiée quand on sait la suite) puis en soirée, et enfin la nuit. Une première scène d’ouverture met les choses au point, avec quelques saillies contre la politique américaine et l’aile droite des Républicains, représentée par le futur beau-père du héros, traité de dément hystérique !
Rachel McAdams, Owen Wilson et le réalisateur |
Puis l’intrigue en elle-même peut commencer : Gil est un scénariste hollywoodien, conscient d’écrire de la daube. Il est venu à Paris avec sa future femme, Inès, en touriste, et pour finir de travailler à son premier roman. Gil est fasciné par la Ville Lumière, et délaisse Inès et un couple d’amis barbant et pédant (lui surtout, qui sait tout sur tout!), pour se consacrer à de longues promenades nocturnes. Un soir, à minuit, alors que Gil cuve sur des marches, des fêtards l’invitent à les rejoindre, et il se retrouve dans une brasserie au style 1920, face à Zelda et Scott Fitzgerald, et un certain Ernest Hemingway…
PARIS A MINUIT s’affiche clairement dans la veine des comédies fantastiques de Woody Allen, comme ALICE, SCOOP, ZELIG, LA ROSE POURPRE DU CAIRE. L’auteur propulse son héros dans un autre espace, un autre temps (sans jamais justifier quoi que ce soit, on s’en moque) avec comme thème central : c’était mieux avant. Car Gil est persuadé que le grand Paris, le vrai, l’unique, c’est le Paris des années 20, avec ses fêtes paillardes et son ébullition artistique. Et le défilé de « stars » n’en finit pas, de Cole Porter animant des fêtes au piano, Gertrude Stein (poétesse américain, féministe) ou Picasso. Et c’est par l’intermédiaire du peintre espagnol que Gil va rencontrer Adriana, modèle et maîtresse des cubistes, dont il va tomber amoureux. Dans une autre scène cocasse, Gil prendra un verre avec Salvador Dali, Man Ray et le jeune Luis Buñuel ! Evidemment, plus Gil retrouve les années 20 (chaque soir à minuit) moins il ne supporte ses contemporains.
Les fêtards des années 20 |
Le télescopage temporel est un ressort efficace pour qui s’en sert bien, et dans les deux sens. Et Woody Allen est un maître en la matière. Ainsi, cette scène : chez un bouquiniste des bords de Seine, de nos jours, Gil tombe sur un ouvrage d’Adriana écrit 50 ans plus tôt, qui dans sa préface raconte qu’elle a connu un drôle écrivain américain, Gil, qu’elle aimait, et qui lui avait offert des boucles d’oreilles. Avant minuit, donc, Gil s’empresse de trouver des pendentifs (n’en trouvant pas il « emprunte » ceux de sa femme !) pour les offrir à Adriana ! A l’inverse, lorsque Gil écoute Picasso décrire un de ses tableaux en 1920, revenu de nos jours, dans un musée exposant ce même tableau, il pourra briller devant ses amis ! Le héros se sert du passé pour modifier son présent, et inversement. Vous vous souvenez de TOUT LE MONDE DIT I LOVE YOU ? On y voyait W. Allen espionner les conversations de son voisin psy, et notamment les confessions d’une patiente (Julia Roberts) sur ce qui la faisait craquer pour un homme… Et le lendemain, Woody se pressait de provoquer une rencontre avec Julia, pour mettre à profit ce qu’il avait appris la veille ! MINUIT A PARIS nous offre donc une variation autour de ce thème, le destin aiguillé. C’est aussi un hommage à tous les artistes que Woody Allen vénère, les musiciens de jazz, les écrivains, mais aussi les peintres (une scène à Giverny, dans les jardins de Claude Monet). Dans TOUT LE MONDE DIT I LOVE YOU, on voyait un ballet dont les danseurs portaient des masques de Groucho Marx. Ici, ce ne sont pas des masques, le cinéaste fait vraiment revivre ses idoles ! Ce film est aussi une ronde des sentiments, dont Adriana est le centre, convoitée par plusieurs prétendants.
Je disais que le thème du film était : c’était mieux avant. Sauf que… ce serait trop simpliste, et dans le dernier tiers du récit, Woody Allen élargit son propos. Car Adriana n’aime pas les années 20 (les siennes, donc), pour elle, le vrai et grand Paris, c’est la belle Epoque ! Et voilà le couple catapulté au Moulin Rouge, en compagnie de Toulouse Lautrec et Gauguin, ce dernier ne rêvant que d’une chose : la Renaissance et Michel-Ange ! Mise en abîme du procédé narratif, ingénieux, et qui plutôt que de se satisfaire d’un réducteur « c’était mieux avant » nous offre une réflexion douce-amère sur notre temps, la place que l’on occupe. On retrouve donc un thème largement illustré par Woody Allen, des personnages qui ne sont pas où il faut, ou pas avec qui il faut, et des choix que cela implique (ce qui était aussi le sujet de son précèdent film).
Marion Cotillard et Owen Wilson |
Je vous passe les détails de l’intrigue (le beau-père qui engage un détective privé pour faire suivre Gil, et qui donnera un gag fameux en fin de film) et bien sûr l’épilogue, pour finir sur la distribution. Car là aussi, c'est un jeu de piste. Gil est interprété par Owen Wilson (habitué des comédies qui tachent), impeccable en gamin ahuri par ce qui lui arrive, et qui de scène en scène, devient une sorte de Woody Allen, prenant parfois les mêmes intonations (la scène des pendentifs…). On sait que le réalisateur depuis quelques temps prend des acteurs de substitution pour des rôles qu’il ne peut plus tenir (il a 75 ans). Marion Cotillard ne brille pas spécialement (ce n’est tout simplement pas une grande actrice…) Rachel McAdams (Inès) pétille de mille feux –je la préfère en brune - et on retrouve, parfois pour juste une réplique, Adrien Brody (Dali), Kathy Bates (Stein), Gad Elmaleh (le détective), Laurent Spielvogel, Michel Vuillermoz (Louis XIV !), Olivier Rabourdin (Gauguin), Atmen Kelif (le médecin), Léa Seydoux, et donc, Carla Bruni-Sarkozy. Et signalons le grand chef op' Darius Khondji, qui éclaire merveilleusement ce Paris fantasmé, et dont c'est la première collaboration avec Woody Allen.
Woody Allen signe un conte philosophique, léger et bien troussé, ingénieux, drôle. Une fois de plus le réalisateur prend toutes les libertés avec son intrigue, il lui suffit d’une vieille Peugeot pour illustrer son idée, et l’exploiter au gré de son imagination et de sa fantaisie. Il y a des Woody Allen dans sous influence Bergman, d’autres sous influence Groucho Marx, celui-ci est dans la veine des comédies américaines de Cukor ou Lubitsch.
MINUIT A PARIS (2011) écrit et réalisé par Woody Allen
Couleur - 1h35 - format 1:85
Miam miam!...Je fonce le voir lundi soir.
RépondreSupprimerPas sur qu'il soit en VO, tant pis, j'attends pas la sortie DVD. Thank's Lucio!
Humm humm ! Je vais essayer de persuader Madame pour le WE de l'ascension et Dieu pour qu'il pleuve ce jour là (bien pour la sécheresse, mais pas très sympa pour les autres cette seconde idée).
RépondreSupprimerJoli film, poétique et drôle. Woody ne nous ferait-il pas une fixette sur les boucles d'oreilles ? déjà dans "vous allez rencontrer...", il en était question...
RépondreSupprimerEt Hemingway! Il est pas gratiné le Hemingway?...
RépondreSupprimer"Vous avez déjà tiré sur un lion?...
Comme redouté, pas vu la VO. Mais enchanté!
J'en arriverais presque à apprécier le jazz...vais retourner consulter!
Pas encore vu, mais tu donNes envie. Sur Marion Cottillard, tu pourrais développer?
RépondreSupprimerLa petite Cotillard est très photogénique, mais elle ne rend pas son personnage réellement attirant, pétillant. Il manque quelque chose, le petit truc en plus, d'exaltant. La "grâce". Je n'ai jamais pensé que c'était une très grand actrice. Elle est un ton en dessous des autres, je crois, et dans un Woody Allen, ça ne pardonne pas. Par ce que justement, tous les autres sont très bons, au taquet, en rythme. Cotillard, c'est quasiment le première rôle féminin. Alors certes, elle a eu un oscar, donc fera carrière aussi à Hollywood, mais je ne suis pas certain que pour ce film, elle soit le meilleure choix de casting.
RépondreSupprimerCotillard est une erreur pour toute sorte de casting. A mon avis elle doit avoir José Mourinho comme agent, faut avoir l’œil d'un cyclope après le passage d'Ulysse pour lui trouver une once de charisme...
RépondreSupprimerAllen, il aurait du prendre Roger Federer à la place, lui il l'a la "grâce"!
Comme on m'a pas encore censuré ici, je dis peut être des c*nneries, mais c'est c'que j'pense.
Bise à tous
J'ai eu la flemme d'y aller ce soir...
RépondreSupprimerDemain, concert de SOAD, ... on verra mardi...
Groumpf !
;o)
Ah moi je voulais avoir le nom de l'acteur qui joue Hemingway, je l'ai trouvé pas mal du tout dans sa presque caricature de l'homme viril et courageux (et son speech sur l'amour qui éloigne la mort, et Gil qui ne sait que répondre que sa fiancée est sexy...)
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