mercredi 20 avril 2011

Betty DAVIS "Betty Davis" (1973) par Bruno


Funk-Rock mordant et déluré


     Betty Marbry, née le 26 juillet 1945 en Caroline-du-Nord (USA), aborda très tôt la vie active à New-York en tant que secrétaire et vendeuse tout en continuant ses études. Parallèlement, elle écrivit des chansons. Plus tard, elle fut mannequin, en commençant par des séances pour un magasine d'adolescents et un autre afro-américain. Sa nouvelle profession et sa passion de la musique l'amenèrent à rencontrer Jimi Hendrix et Sly Stone. Plus tard, ce fut Miles Davis, qu'elle épousa en 1968. Mais le mariage ne dura pas, Miles la trouvant finalement trop jeune et trop sauvage pour lui. Miles demanda le divorce en 69 ; le mariage n'avait pas tenu une année. Toutefois, Betty garda le nom de son ex. Ce serait Betty qui aurait initié Miles aux facettes les plus électriques de la musique. Miles Davis composa un titre en son honneur « Mademoiselle Mabry » que l'on retrouve sur l'album « Filles de Kilimanjaro » de 1968. Disque dont la superbe pochette reprend l'effigie de l'égérie. Elle partit même en Europe où elle devint la première black à participer à un défilé de mode.

      De retour à New-York au début des années 70, elle chercha à entrer dans le monde de la musique en écrivant et en recherchant des collaborations. Enfin en 1973, elle enregistra un premier disque éponyme.

   Betty Davis a d'entrée voulu créer son propre son, établir de nouvelles règles établissant sa propre optique du Funk. Un Funk qu'elle veut chargé de phéromones, d'ambiances chaudes et moites, imprégné de rock cru. Certes parfois un peu foutraque.

     Pour cela, elle s'adjoint les services de Greg Errico (batteur de Sly Stone) qui produira sa 1ère galette, de Neal Schon à la guitare (Santana, futur-Journey), de l'instigateur du slap Larry Graham (Sly Stone, Graham Central Station), un des meilleurs bassistes des 70's, des Pointer Sisters, des cuivres du Tower of Power, de Gregg Rolie aux claviers et d'autres membres du Graham Central Station. Le résultat est un cocktail Molotov à base du Funk aventureux de Sly Stone et de Funkadelic, de la soul de James Brown et de Otis Redding, du Rhythm'n'Blues d' Ike & Tina Turner, de la Soul(-rock) blanche de Vinegar Joe et même du Heavy-rock de Led Zeppelin et de Trapeze.

     La quête de Betty était celle d'un Funk-rock vindicatif et abrasif, empreint d'une fureur maîtrisée. Pour cela la contribution de riffs crunchies, syncopés, marqués, "chauffés à blanc", d'une basse groovy , puissante et « vo-lumineuse » et d'une batterie métronome, travailleuse et remarquable (véritable poumon d'acier), était indispensable et indissociable à la réussite de cette furie funky. Un véritable ciment. Un Funk-rock torride, endiablé et remuant mais souvent très éloigné de ce que l'on pourrait assimiler à de la "Dance Music". La voix unique de Betty vocifère, agresse, scande ou éructe parfois plus qu'elle ne chante. Semblant se racler la gorge à s'en écorcher les cordes vocales, à la limite de la rupture. Toutes les Mary J. Blidge, Miss Elliott, ou autres du même tonneau n'ont rien inventé ! Usant, abusant même, d'intonations à la fois lascives et vindicatives, qui contribuèrent à lui donner cette image de suppôt de Satan que bien des « grenouilles de bénitier » virent en elle.

 Aucune romance sucrée pour faire redescendre la température, il faudra attendre son troisième opus pour l'entendre dans un registre moins sulfureux avec le langoureux « You & I » où elle se montre mesurée, posée, limpide, et néanmoins toujours aussi sensuelle.


     Le premier album a ma préférence. Peut-être est-ce dû aux riffs de Neal Schon, dans un registre qu'il n'abordera plus jamais ; le son de guitare également, plus "dirty". Certainement aussi les interventions de Gregg Rolie, peu nombreuses mais toujours pertinentes et dotées d'un son organique (l'Hammond B3 !). Cet opus éponyme a une atmosphère générale qui le place au carrefour d'un Heavy-rock mid-tempo et d'un Funk cru. Paradoxalement, c'est aussi celui où Betty semble la moins exubérante. Peut-être parce qu'alors le timbre de sa voix était plus en adéquation avec la relative rugosité de l'instrumentation.

     Les albums suivants, bien que mieux produits, sont néanmoins parfois gâchés par des compositions où les claviers sont omnipotents, couvrant alors la guitare, et dans ces cas ayant une sonorité qui n'a plus de lien avec le rock. Schon et Rolie, partis fonder Journey, ne pouvaient plus participer aux enregistrements. Alors que "They Say I'm Different" mérite encore largement le détour (avec notamment de très bonnes choses, comme « 70's blues », « Your Mama Wants Ya Back », « Shoo-B-Doop and Cop Him », « They Say I'm Different »), le « dernier », « Nasty Gal », accentue malheureusement cette tendance. Ce qui le rend plus dispensable.

Pochettes originales de "Nasty Gal" (1975) et de "They Say I'm Different" (1974)


  Le succès ne fut pas au rendez-vous. Trop rock pour les uns, trop Funk pour les autres, et surtout, bien avant la curie du P.M.R.C. , elle a été la cible de groupes religieux qui usèrent de leur influence pour que ne soient pas diffusées ses chansons à la radio et de façon à empêcher la programmation de ses concerts ; certains, sous la pression, durent même être annulés au dernier moment. Son comportement outrancier à connotation sexuelle sur scène, et des paroles parfois délurées ou/et torrides (« Talking Trash » !) ont dû en faire blêmir, ou enrager, plus d'un. Même une frange de la communauté noire lui reprocha ouvertement de ne pas donner une bonne image des afro-américains. Une certaine image de l'Amérique puritaine.

Pochette originale, jamais éditée, de "Crashin' From Passion" Remarquer, Betty affiche fièrement son album précédent, "Nasty Gal", aux côté de "Spain of Miles" de Miles Davis et de "Electric Ladyland".
 

   Tant et si bien que l'album suivant, "Crashin' From Passion", bien que totalement enregistré ne verra pas le jour. Néanmoins entre-temps, les trois premiers opus de la dame devinrent cultes, faisant l'objet de rééditions en CD. Ce qui permis à cet enregistrement de l'été 1976 de voir enfin le jour en 1996, et tout récemment en 2009, dans un luxueux package sous un nouveau titre : "Is It Love Or Desire". Malheureusement ce dernier essai souffre de la comparaison avec les précédents. Cela est dû principalement au mixage qui favorise les voix (surtout), les claviers (lorsqu'ils sont présents) et la basse (bon jeu mais une tonalité un peu froid) au détriment de la guitare (qui offre pourtant de superbes riffs funk) et de la batterie. De plus, c'est nettement moins inventif. Bien que Betty éructe tant qu'elle peut pour rajouter de la bestialité à son Funk, la facette rock a été dorénavant atténuée. Les chœurs, notamment, sont parfois de façon incohérente plus en avant que le chant de Betty. Quand ce n'est pas une superpositions de chants (« Is it Love or Desire ») qui ternissent le plaisir d'écoute. Pas mauvais pour autant, mais quelque peu décevant. On sent, de temps à autre, les prémices du Disco. Certains titres renouent avec une magie remuante, comme « Bottom On The Barrel », « Whorey Angel », « Crashin' From Passion », « Let's Get Personal » (dont le riff reprend celui de « Hoochie Coochie Man »). « For My Man » (avec une participation incongru de Clarence "Gatemouth" Brown au violon), et le titre éponyme font figurent d'ébauche.







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