mercredi 30 mars 2011

PAT TRAVERS "Fidelis" (2010) par Bruno


     Mais qu'est-il donc arrivé à Patrick Henry Travers ? Voilà que ce Canadien, originaire de Toronto (Ontario), déboule avec ce disque, « Fidelis », totalement dénué de toute promotion, qui, pour le coup s'avère être l'un de ses meilleurs albums (ceci étant dit, sans le recul inhérent aux albums précédents).

     Edité par un minuscule et nouveau label canadien (lui aussi de l'Ontario), Alexus Records, fort d'une écurie de deux groupes (!), (la reformation de L.A. Guns et Pat Travers), « Fidelis » se démarque totalement de ses prédécesseurs. Finis les albums de reprise de Blues et de Blues-rock (dont certains de haute volée), terminées les formations rendant hommage aux scies des 70's, au placard les disques de Hard-rock sympathiques mais assez « bas-du-front ». Depuis pas mal d'années Travers paraissait être en roue libre, incapable de renouer avec l'étincelle qui lui permettait de réaliser d'excellents albums de Heavy-Blues-rock velus, un pied dans le Blues, un autre dans le Hard-Rock, n'hésitant pas à injecter une bonne dose de Funk (en mode brutal).

     Pourtant, avec sa voix de baroudeur (plus à l'aise dans le costaud, elle peut manquer néanmoins de nuances lorsqu'il s'agit d'aborder des choses plus douces) et sa guitare au timbre charnu, plein, intense, travaillé par des effets qu'il maîtrise (et non l'inverse), il avait tout pour réussir une carrière pépère et prospère. Un son élaboré à l'aide de Chorus et de Flanger, enrobé d'Overdrive. un son moderne et original pour l'époque (76-77), qui fera école (dans une certaine mesure, il est possible que Travers se soit inspiré du travail du son de Robin Trower).

      Travers a réalisé quelques brûlots qui firent date. En l'occurrence « Makin' Magic », « Puttin' it Straight », « Live ! Go For What You Know ». Puis ce fut la traversée du désert dans les années 80, où l'adjonction de synthés décolora sa musique. Repêché par le label de Mike Varney (Shrapnel), il sortit un disque comportant principalement des reprises de Blues, « Blues Tracks ». Son succès incita Varney à créer une antenne spécifiquement dédiée au blues, le "Blues Bureau" (spécialiste du genre en mode "rouleau compresseur"). Malheureusement, les disques suivants perdirent graduellement en qualité, malgré quelques sursauts, s'enlisant dans un Heavy-rock bourrin, bravache, quelque peu roboratif malgré une technique infaillible. Travers paraît alors bien plus à l'aise dans la reprise de luxe (ses reprises de ZZ-Top sont excellentes). En fait, malgré un talent indéniable de guitariste, Travers donnait parfois l'impression de ne plus vraiment y croire.

     Or, avec « Fidelis », l'homme paraît avoir repris le dessus, comme s'il avait bu à la fontaine de jouvence, et pour le coup, on a l'impression d'être revenu au temps de son apogée. Un véritable disque de Power-Rock, baigné de Blues et de Funk, assis sur une rythmique implacable, lourde et groovy à la fois, qui n'oublie pas l'aspect mélodique dans une optique Pop-rock 60's-70's. Car Travers cite parmi ses influences « guitaristiques » Steve Cropper et John Lennon, avec les incontournables Hendrix, Beck et Page.

La Paul Reed Smith « Eagle Modern » qui est venu supplanter les Gibson LesPaul et Melody Maker, semble lui avoir donné des ailes.

"Ask Me Baby" pourrait bien être une nouvelle pièce de bravoure, au même titre que "Life in London", "Boom-Boom", "Make No Difference" et "Snortin' Whiskey", avec sa rythmique qui semble s'être calqué sur une section de cuivres "Soulful".
"Edge of Darkness", rythmique funky appuyée, voix de barbare grisé, guitare ryhmique entre clean et crunchy, guitare lead épaisse et baveuse (non, pas comme une omelette (!!) mais comme un Humbucker en position manche). Un genre que Pat avait développé dès ses 1ers opus, et qui a été depuis maintes fois plagié, pas toujours avec bonheur. "Then I'll Fall" aurait gagné à être un peu plus travaillé, "léché". Son côté mélodique n'est pas assez développé par faute d'un mixage qui place ici la batterie, la voix de Pat et les choeurs à l'arraché (une vraie choriste aurait suffit à faire la différence) .

"Josephine" renoue avec des atmosphères que Pat avaient malheureusement occultées ses dernières années. Un power-pop-rock qui nous ramène à sa superbe reprise de "Magnolia" de J.J. Cale (1er album), où il nous démontre qu'il sait également chanter de façon plus mesurée ; ce qui bien entendu apporte un plus à la chanson. Magnifique solo de Pat, et court break Reggae.

Rien d'exceptionnel avec "Save Me", Du Pat Travers Band commun, sauvé par le solo. Du Heavy-rock un peu lourdaud, sans éclat.

"Stay", pure ballade comme savait les jouer les groupes de Hard-Rock des 70's (avant de rabâcher une formule), avec léger crescendo stoppé par un "adagio" semi-acoustique pour reprendre et finir en feu d'artifice. Le studio à l'écart de tout, sauf de la nature, aurait inspiré la tonalité de cette chanson, comme pour la suivante, "When I'm With You". Sous ses airs d'ours mal réveillé, Pat serait-il un romantique?

Finies les douceurs ! Retour au Heavy-rock des forêts de l'Ontario avec "I've Got Love To Give", tout à fait dans le style qu'il déployait en 77 et 78. "Tear of Love", du Travers sauce Gary Moore ère "Run for Cover" sans penchant FM ?

"Yeah, Yah" se démarque par ses paroles hautement poétiques : "Yah, Yeah, Yeah, Yeah, Ya (2x) ; Yah Yah Do D D. Dobabibadohoo Do DD, Dobadibadohoo, Woahoahwhoaho, Woahoahyah, Woahoahyah Yah Yah". Etonnant, non ? (comme aurait dit feu Desproges). Une composition qui n'est qu'un prétexte à improviser sur une bonne rythmique funky. Au final, pas si mal que ça. "So Missing You" clôture l'opus par un Hard-Blues sympathique mais nullement renversant. Au final, un bon cru de Pat Travers, comme on ne l'espérait plus, auréolé d'une relative fraîcheur (de bûcheron aguerri du Grand Nord Canadien), et même parfois d'un soupçon d'humour. Du bon Heavy-blues-rock tantôt Funky, tantôt mordant, tantôt (presque) mélancolique. On n'avait pas entendu Pat Travers en aussi grande forme depuis bien des lustres.



Pat Travers Band 2010, de gauche à droite : Kirk Mckim (guitare & chant), Pat (guitare, claviers & chant "Lead") , Sean Shannon (batterie), et Rodney O'Quinn (basse & chant)




     Pat Travers a toujours su bien s'entourer. Pour exemple, citons quelques uns des plus illustres à avoir enregistré avec lui : Nicko McBrain (Tru$t, Iron Maiden), Pat Thrall (Hughes & Thrall, Asia, Meat Loaf), Carmine Appice (Vanilla Fudge, Cactus, Jeff Beck, Nugent, King Kobra, Rod Stewart), Tommy Alridge (Black Oak Arkansas, Ozzy, Whitesnake, Nugent), Scott Gorham* (Thin Lizzy), Aynsley Dunbar (John Mayall, Aynsley Dunbar Retaliation, Zappa,Journey, Sammy Hagar, UFO, Whitesnake, Bowie), Brian Robertson* (Thin Lizzy, Wild Horses, Motörhead, Lotus). Il convient de mentionner Peter "Mars" Cowling qui resta fidèle au poste de bassiste de 1976 à 82, et 1989 et 1993. Un musicien excellent dans tous les styles abordés par Travers, du Funk au Heavy-Metal, toujours avec un jeu délié et percutant.

(*) Gorham et Robertson ne sont présents que sur quelques titres.
  1. Ask Me Baby 4:35
  2. Edge of Darkness 4:48
  3. Then I'll Fall 4:10
  4. Josephine 4:46
  5. Save Me 5:09
  6. Stay 5:49
  7. When I'm With You 3:29
  8. I've Got Love To Give 4:37
  9. Tear of Love 5:26
  10. Yeah, Yah 4:05
  11. So Missing You 4:05





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