Une architecture de guitares ouvragées et pertinentes
Originaire de Torquay, The Empty Vessels, un trio composé alors de Martin Turner (bassiste & chanteur), de son frère Glen (guitare) et de Steve Upton (batteur), part à Londres. C'est là que la petite troupe rencontra leur manager, Miles Copeland.
Glen raccrochant rapidement, ils durent chercher et auditionner divers remplaçants potentiels. Ils furent enthousiasmés par les prestations d'Andy Powell et de David Turner. Ne pouvant les départager ils les embauchèrent tous les deux. Un choix qui s'avéra décisif pour l'orientation et le développement musical.
Glen raccrochant rapidement, ils durent chercher et auditionner divers remplaçants potentiels. Ils furent enthousiasmés par les prestations d'Andy Powell et de David Turner. Ne pouvant les départager ils les embauchèrent tous les deux. Un choix qui s'avéra décisif pour l'orientation et le développement musical.
Le groupe, rebaptisé Wishbone Ash, allait, grâce à ces bretteurs complémentaires et talentueux, développer ce que l'on nommera les « Twin guitars ». Des guitares souvent à l'unisson, parfois à la tierce, invertissant les rôles lors de joutes guitaristiques fabuleuses, développant des rythmiques consolidées, ou détaillées par deux jeux, relativement distincts mais complémentaires. Grâce à Powell (Gibson Flying V 1st Reedition) et Turner (Fender Stratocaster), Wishbone Ash allait progressivement développer une marque de fabrique qui fera de nombreux émules (dont Thin Lizzy et Iron Maiden, parmi les plus connus). Certes, ce n'est pas le premier groupe de Rock à officier avec deux guitaristes jouant de pair autant en rythmique qu'en solo ; sans chercher bien loin, il y avait déjà les Yardbirds à l'époque du duo Beck-Page. Toutefois, Wishbone Ash sera considéré comme le plus représentatif, notamment parce qu'il développa sa personnalité en ce concentrant principalement sur cette particularité.
Pour la petite histoire, Wishbone eut un petit coup de pouce du taciturne guitariste de Deep-Purple. Un soir, alors qu'il assurait leur première partie, juste avant un concert, Powell et Ritchie Blackmore se chamaillent par l'intermédiaire de riffs plus ou moins improvisés. Ritchie, impressionné par les capacités d'Andy Powell, leur transmet les coordonnées du producteur du "Purple Mark I", Derek Lawrence. Ce dernier produira les trois 1ers opus du Ash.
En 1970, sort l'album éponyme qui présente déjà de futurs classiques, tels que Phoenix, Blind Eye et Lady Whiskey. Le jeu, l'interprétation et le son font montre d'une stabilité et d'une mise en place rares à l'époque. On sent qu'outre des réminiscences du British-blues, une sonorité et une approche musicale qui doivent beaucoup aux maîtres du Heavy-rock naissant, comme Free ou Led Zeppelin, Wishbone Ash a également une culture folk (comme la plupart de leurs compatriotes musiciens de l'époque, ne serait-ce que par le succès de Donovan et de Fairport Convention) et jazz (plus en filigrane), que l'on retrouvait beaucoup chez les groupes de Blues anglais. Le style de Wishbone est déjà affirmé.
L'album suivant, Pilgrimage, est un cran en-dessous, et offre quelques titres qui auraient alors mérité d'être un peu plus travaillés. Il part un peu dans la facilité avec quelques duos et/ou duels de guitares étirés et complaisants. Une impression exacerbée par une majorité d'instrumentaux (4 sur 7). Malgré cela, cet album comporte encore des classiques : Jailbait, Lullabaye et Where were you tomorrow.
Enfin, en 1972, Wishbone Ash redresse la barre, et réalise son chef d'oeuvre, une pièce maîtresse, un maître-étalon, qui servira de référence et d'inspiration. Wishbone Ash, bien plus qu'auparavant et plus que jamais, propose avec "Argus" une musique originale, aux confins d'un Heavy-folk-rock-gothique, d'un rock-progressif médiéviste et d'un rock bluesy aux parfums de Renaissance et de Baroque.
La musique est travaillée, ouvragée, sans jamais paraître froide, encore moins aseptisée. Les guitares s'imbriquent, se complètent, luttent côte à côte, s'enlacent, virevoltent, créant un inextricable ensemble de phrases tantôt lyriques, tantôt bluesy, tantôt heavy et des entrelacs complexes. Lorsque le besoin s'en fait sentir, la basse (Gibson Firebird) déborde sans mal du cadre purement rythmique collant à la batterie, en n'hésitant pas à prendre des chemins harmoniques par un jeu qui évoque presque des arpèges sur quatre cordes. Un peu dans le style d'un Jack Bruce, avec une approche mélodique plus marquée, et nullement « lead ». Quant à la batterie, elle n'est pas en reste et témoigne d'une maîtrise que l'on devine héritée du jazz (Steve Upton a effectivement fait un temps partie d'un combo de jazz); elle s'affirme par un jeu solide alliant swing et assurance.
La musique du Ash n'est nullement le fait de musiciens doués cherchant à flatter leur ego par de quelconques prouesses techniques pour épater la galerie, et une musique trop intellectualisée. Rien ici de grandiloquent ou de pompeux. C'est seulement réfléchi, travaillé, et structuré, toujours dans un format rock, mais qui va toutefois au-delà du British-blues des années précédentes, du Hard-blues en vigueur en cette période. Penchant plutôt vers un Rock-progressif enlevé, gardant un pied fermement ancré dans le Blues-rock (les soli de guitares utilisent principalement la gamme pentatonique), mélancolique, mais évitant les atmosphères sombres ou désespérées. On pourrait définir la musique développée dans cet album, comme un croisement entre le Jethro Tull d'"Aqualung", des premiers Yes, d'Uriah-Heep (notamment pour leurs titres à deux guitares), parfois un Led Zeppelin sans la fulgurance d'un Robert Plant, voire même la facette la moins bourrue de Mountain (certains plans de Powell évoquent Leslie West ; la tonalité singulière de la Gibson Flying V participe à la comparaison).
L'absence d'un chanteur exceptionnel est comblée par l'interaction remarquable entre les trois chanteurs, dont Martin Turner demeure le pivot (seul Steve Upton ne participe pas). Même si Turner n'est pas un chanteur remarquable en comparaison des Plant, Gillan, Byron de l'époque, nombreux sont ceux qui considèrent son départ comme une perte irréparable, et sont persuadés que le Ash n'a plus jamais réussi à retrouver une telle osmose des vocaux par la suite.
"Argus" a souvent été décrié comme un concept album, notamment par certains thèmes abordés, par la pochette ou le titre, mais également par le défilement des compositions qui semblent s'enchaîner dans un ordre logique, au point où on peut écouter l'album d'une seule traite, en ayant l'impression de n'avoir effectivement affaire qu'à une seule et même oeuvre, avec ses différents mouvements, un peu comme un concerto. Pourtant, Andy Powell a toujours assuré que ce n'était qu'un pur et heureux hasard.
Chaque composition est aboutie, ne laissant rien au hasard (bien que certains soli sonnent résolument live). La plupart sont pourvus d'une architecture, sinon complexe, achevée, avec des introductions élaborées (dont certaines, et surtout la première, ont dû refroidir pas mal d’aficionados du riff lourd, avec leurs arpèges cristallins), des ponts accomplis et des breaks.
Wishbone brouille les pistes : alors que l'opus donne l'effet général d'un concept-album, certaines compositions présentent différentes facettes, différents mouvements, accélèrent progressivement le tempo, donnant ainsi l'impression d'un assemblage parfait entre différentes structures relativement distinctes. Même si le ton est orienté Heavy-rock, point de gros riffs gras et lourds, ou encore de vocaux puissants. L'artillerie lourde est mise au rencard au profit de la charge de la cavalerie légère.
L'album fut déclaré meilleur album britannique de l'année par la revue anglaise, Melody Maker.
La version remasterisée offre trois bonus. Trois titres live provenant d'un Ep promotionnel, « Live from Memphis ». Si ces titres sont bons, ils restent néanmoins superflus, car pour un album de cette classe nul besoin de complément pour en rehausser la teneur.
- Time Was - 9:42 chants par Ted & Mart
- Sometime world - 6:52 Mart & Andy
- Blownin' Free - 5:19 Mart, Andy & Ted
- The King will come - 7:05 Mart & Andy
- Leaf and Stream - 4:06 Mart
- Warrior - 5:51 Mart & Andy
- Thrown down the Sword - 5:55 Mart & Andy
- Jailbait - 4:57 Mart
- The Pilgrim - 10:10 Mart & Andy
- Phoenix - 17:05 Mart
P.S. : C'est en flashant sur la pochette d'Argus, que Jimmy Page contacta Hipgnosis pour que ce collectif de graphistes conçoive celle de "House of the Holy".
ce groupe a toujours de beaux restes. ses deux derniers disques sont très très bien. très mélodiques. dommage que le groupe, à l'instar d'uriah heep, n'aie jamais eu le succès qu'il aurait mérité.
RépondreSupprimerchristian selmogue
Tout à fait d'accord, Christian. Toutefois ces deux groupes ont eu droit à un certain succès en Angleterre, et ailleurs. Mais pas en France. Uriah Heep est toujours adulé dans les pays Scandinaves.
RépondreSupprimerL'album Bonafide de Wishbone Ash, paru en 2002, est excellent. Un de leurs meilleurs.
RépondreSupprimerarghh! "The king will come", un de mon top 5 morceaux rock. tu as raison c'est sans doute leur meilleur album, indispensable, le reste de leur discographie est inégale, trés haut niveau jusqu'a la fin des 70', plus moyens ensuite(je pense a "Raw to the bone")et effectivement des albums récents excellents. Un de mes groupes de chevet , je crois avoir tout écouté d'eux sauf "Number the brave" , introuvable.
RépondreSupprimer"The King will come" est une superbe composition ; un véritable travail d'orfèvre Rock rare. Je pense également que c'est leur meilleur opus.
RépondreSupprimer"Number of the Brave" a été réédité en pressage japonais ; il est donc très onéreux.
"Raw to the Bones" que je n'ai découvert que sur le tard (car très difficile à dénicher - sorti sur un label indépendant) m'avais plutôt déçu.