Un fond noir sur lequel une serre de rapace broie une foule humaine, des avions, des immeubles. Pas de titre, seulement un nom aux lettres stylisées : MAGMA. Lorsqu’on ouvre la pochette on voit le groupe, tel Gulliver, piétinant des terriens, et indiquer le chemin vers une planète lointaine: Kobaia. Et ces lignes vengeresses :
" Terre, ceci te concerne. Tes systèmes écrasent et tes révoltes assassinent : en fait tu détruis ce que tu ne comprends pas. Nous savons que tu seras aussi détruite. Notre musique est pour la Beauté que tu veux ignorer et pour la haine de ton évolution maudite. Par delà l’espace et le temps, nous attends une planète : KOBAIA. Nous connaissons ce monde depuis le jour où nous ouvrîmes les yeux, il y des millions d’années. Que tous ceux qui étouffent ici -bas nous suivent. Mais que l’hypocrite n’espère rien. Terre. Tu n’es déjà plus qu’un oubli ". Revenons un peu en arrière, découvrir la genèse de ce disque étrange. Au tout début, avant l’enregistrement de l’album, Magma, qui ne s’appelait pas encore Magma était composé de : C.Vander (batterie), F.Moze (basse), J.Vidal (contrebasse), E. Rabin (piano), Zabu (chant), R.Garber (sax), C.Engel (guitare), sans oublier l’ami des 1ers jours : L.Thibault. De cette formation originale, Vidal, Rabin, Zabu et Garber ne seront pas de la partie. René "stundehr" Garber restera , cependant, toujours dans l’ombre du groupe ainsi que le régisseur L.Sarkissian , rencontré dans un bar.
C’est à l’occasion d'un concert donné au "Rock 'n 'roll circus" que Christian Vander baptise son groupe "Magma ". Le nom lui est venu comme ça, il se souvenait que jadis il avait composé un morceau appelé "Nogma". En fait le nom complet du groupe est : "Uniweria zekt magma composedra arguezdra". Ce concert sera très important pour le groupe, car outre le nom de baptème, il rencontre un certain Karl Knutt, qui, enthousiasmé par la musique jouée, un seul morceau en fait : "Kobaia", décide de financer leur 1er album ainsi que d’installer les musiciens dans un pavillon cossu de la vallée de chevreuse, afin qu’ils puissent répéter tranquillement. Les répetitions ne sont pas de tout repos, le groupe travaille jusqu’à 14heures d’affilée. Pour diverses raisons Rabin, Vidal et Zabu quittent le navire, d’autres musiciens , K.Blasquiz, F. Cahen, P. Charlery, R.Raux, T.Lasry, arrivent. Le groupe signe chez Philips, après 3 mois d’intense travail l’album, qui est double, sort le 6 mai 1970.
Crédit photo : imageshack.us / guitaristes.com
Ce qui frappe d’emblée chez ce groupe débutant est l’extrême cohésion des musiciens, la mise en place parfaite de la musique, son énergie extraordinaire. Tous les morceaux contiennent leur propre couleur, l’ensemble de l’album témoigne du contrôle absolu que les musiciens ont sur leur musique. Kobaia est un album parfaitement maitrisé, un disque à la fois violent et d’une infinie douceur, un disque qui raconte le voyage de ces terriens vers la planète Kobaia. Indissociable de la musique est la langue employée par le groupe : le kobaien. Christian vander explique que cette langue, ainsi que cette musique si particulière lui vient la nuit durant ses rêves, ou ses cauchemars, qu’il n’y a rien de calculé de prime abord. C’est ensuite, une fois éveillé qu’il tente de donner une cohésion à l’ensemble. Pour en revenir aux chansons de l’album, son morceau le plus emblématique est le 1er : Kobaia, un rock samba assez enlevé qui débouche sur un free jazz, embraye sur une partie déclamée et inquiétante, continue sur une partie calme et poétique avant de reprendre le partie du début sur un mode très jazz. Un peu plus de 10mn ou tout Magma est déjà là. Les 3 1ers morceau s’enchainent, formant un tout d’une grande beauté. Principalement instrumental, kobaia, témoigne que si la musique de ce groupe est violente et agressive, elle peut aussi être d’une grande finesse, ainsi « Aina » et « Malaria ». Pour moi le grand morceau de Kobaia est : "Nau ektila " qui débute par une partie de guitare sèche accompagnée d’une flûte, intro planante s’il en est.
"Nau ektila " nous fait entrevoir tout un monde onirique dans lequel il fait bon vivre et n’est pas sans nous faire penser à "Mais on ne peut pas rêver tout le temps ", l’album que Laurent Thibault sortira en 1978. Bref, dès son 1er essai Magma entre directement dans la cours des grands et s’affirme déjà comme un groupe majeur. Si Christian Vander est le principal compositeur de magma, il n’est pas le seul maitre à bord, le seul à décider de tout. Il ne le sera jamais d’ailleurs. C’est par la force des choses que Vander est devenu le "patron " du groupe. Photo de Jean Leleu.
L’accueil de ce 1er opus est enthousiaste. Philippe Paringaux, de Rock & folk, écrit un article dithyrambique : " Magma sera la bombe qui pulvérisera toutes les conventions d’une musique qui commence un peu trop à se complaire dans le beau, quand ce n’est pas dans le joli. Enfin une musique qui dérange profondément, met physiquement mal à l’aise et agresse l’est prit. Magma ne peut être comparé à rien de ce qui s’est fait jusqu’à présent ". D’un autre côté, dire que certains auditeurs se trouvent agressés à l’écoute de cet album est un euphémisme. Le rejet de cette musique est aussi total que son adoption. Magma tranche dans le vif. On aime ou on déteste. Pas de demi mesure. D’autre part un autre débat va faire rage. MAGMA est-il ou non un groupe de "rock" ? Aujourd’hui cette discussion peut faire sourire, mais à l’époque l’interrogation était tout à fait sérieuse et les débats houleux. En attendant dès ce 1er album Magma réussi un coup de maitre et s’installe parmi les groupes les plus important de l’hexagone. En Angleterre, en Allemagne, aux Etats-Unis on commence aussi à s’intéresser à Magma. Curieux les fans se demandent à quoi ressemblera le second album. En attendant place à la scène. A suivre..... Personnel: Christian Vander : batterie, percussions, chant Klaus Blasquiz : chant, percussions Claude Engel : guitares Francis Moze : basse François Cahen : claviers Teddy Lasry : cuivres Richard Raux : cuivres Alain « Paco » Charlery : cuivres Laurent Thibault : réalisation Lee Hallyday : producteur délégué 10 titres 81'25 "Stoah" (l'une des 1eres apparitions de magma à la télé, lors de l'émission "Discorama" du 29 juin 1970)
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RépondreSupprimerBonne idée de proposer la mythique vidéo du passage de Magma à Discorama. C'est là où on voit que Denise Glaser avait vraiment du talent pour défricher les nouveautés, et savoir ce qui était prometteur et ce qui ne l'était pas : quand on songe que le premier album de Magma, enregistré en avril 70, parait en mai, et que dès le 29 juin Glaser les invite dans son émission ! Et fallait oser quand même, au moment du repas dominical, vu le style du groupe... Bonne continuation Christian pour ce travail sur la musique de Zebëhn Straïn dë Geustaah!!!
RépondreSupprimerOutre le fait de voir et d'entendre à la télévision, un morceau pareil, ce qui serait inconcevable aujourd'hui dans les émissions de variétés, et qui m'épate, c'est les moyens mis en oeuvre pour filmer. Ce long mouvement de grue, plan unique, signifie que artistiquement, on a voulu mettre le paquet, coller à l'ambiance musicale, avec toutes les difficultés que cela pose. Est-ce une prise unique, ou s'y sont-ils repris à quatre fois ? Chapeau pour ce document Christian.
RépondreSupprimerLe moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne pouvait pas laisser indifférent. De la Space Music ?
RépondreSupprimerDe la Space Music ? Plus précisément, de la musique Zeuhl.
RépondreSupprimerMeilleurs voeux pour la nouvelle année.
RépondreSupprimerQue MAGMA soit enfin reconnu à sa juste valeur, qu'il soit invité chez Trucker, chez Patatra et Denise Ô (au moins une fois par trimestre pour une émission spéciale), que le Kobaïen soit enseigné en 4ème langue. Zöl !
Je cherche les paroles de Kobaïa. Si qielqu'un peut me les procurer...Merci
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