Kenny Wayne Shepherd est ce jeune blondinet de Louisiane qui avait surpris tout le monde avec la sortie en 1995, de son premier disque, (à l'âge de 18 ans seulement), irradiant un Blues-rock dru, racé et mature, intitulé « Ledbetter Heights ». Contre toute attente, ce 1er essai n'avait rien de l'album fourre tout, démonstratif et maladroit, ou péremptoire, et finalement avec peu d'originalité comme le sont trop souvent ceux des personnes de son âge, (et même des moins jeunes). Non, Kenny affichait déjà un talent évident de compositeur et d'interprète, une maîtrise hors-norme de la guitare blues-rock incendiaire, héritage de Stevie Ray Vaughan, avec un son plus sale, plus distordu, plus rock faisant parfois les yeux doux à un Heavy-Rock, bluesy of course, grâce à un débordement d'énergie.
Avec sa Stratocaster "Jimi Hendrix Montery Pop" du Fender Custom Shop, offerte par son père.Kenny a une vision très large du Blues, démontrant une vaste culture dans le domaine qui va du Blues traditionnel du Delta à celui de la scène florissante de la 2sd moitié des 80's, notamment texane, en passant par le British-blues. Ses superbes reprises que sont « Aberdeen » de Bukka White, « I'm Leaving You » de Howlin' Wolf, « Every thing is broken » de Dylan, « I don't live today » d'Hendrix, « Oh Well » de Fleetwood Mac (Peter Green), « Them Changes » de Buddy Miles (Band of Gypsies), en attesteront (sur les trois 1ers opus).
C'est que cet échalas commença à jouer de la gratte à 7 ans, monta sur les planches à treize ans devant un public, invité par un autre Louisianais (d'adoption), Bryan Lee (on le retrouvera d'ailleurs sur les 2 « live at the Old Absinthe House » de l'aveugle à la Telecaster), et sa carrière professionnel débuta à 16 ans, dès lors qu'un label (Giant) lui fit signer un contrat, après avoir visionné une séquence vidéo montrant le jeune homme dans ses oeuvres. Le succès de cette 1ère galette fut fulgurant (disque de platine aux USA), et les deux qui suivront, « Trouble is... » et « Live on » (qui n'est pas un live), confirmerons en faisant encore mieux en terme de ventes. Shepherd réussit même à faire, avec seulement 3 disques, dix simples pour les radios, et à obtenir plusieurs récompenses. Il jouera également avec le G3 de Satriani & Vaï.
On remarque qu'au niveau composition Kenny aime bien (ou est-ce une nécessité ?) se faire seconder. A cet effet, on retrouve, sur ces trois disques, deux noms récurrents : ceux du couple Mark Selby & Tia Sellers. Ce même Mark Selby qui débuta une carrière solo en 2000 avec l'excellent « More storm comin' ». Du Blues-rock brut de décoffrage.
Après un silence discographique de 5 ans, K.W.S refait surface avec un album, qui sans être mauvais, perdait en fraîcheur et en éclat en délivrant un Rock US mainstream sans grande saveur. Une autre facette de K.W.S qui n'est pas exempt de qualité, mais qui n'a peut être pas été mis correctement en valeur. Par faute d'une production « gros rock policé », mais aussi la voix de Kenny. Il s'était alors octroyé la place de chanteur, or si Kenny chante bien, il n'égale pas la présence de Noah Hunt, son chanteur depuis 97. Le genre de disque sympa mais qui s'oublie vite. La participation de Marti Frederiksen en tant que producteur, co-compositeur, bassiste, clavièriste et guitariste, n'y ait certainement pas étrangère. Assez bon, mais ne tient pas la comparaison avec les réalisations précédentes. On l'a cru perdu, happé par le show-business.
Kenny, un de ses modèles signature en main, et Noah Hunt
Et puis, voilà qu'en 2007, il prend un virage à 180° en revennant au blues d'une façon original. Par un parcours de 10 jours, accompagné du fameux « Double Trouble » (Chris Layton & Tommy Shannon) et de Noah Hunt, de matériel d'enregistrement, de cameramen, Kenny part à la rencontre de divers bluesmen, plutôt « roost ». Bryan Lee faisant ici figure, en comparaison, d'un véritable outlaw, de Hard-Rocker. Un véritable album hommage, où il s'efface avec respect pour laisser le champ à des bluesmen, dont la plupart sont inconnus ou oubliés. Ainsi, il présente avec humilité et plaisir, Jerry McCain, Cootie Stark, Neal Patiman, Buddy Flett, B.B King (un jeune espoir), Clarence Gatemouth Brown (certainement son dernier enregistrement), Bryan Lee, John Dee Holeman, l'étonnante et attachante Etta Baker (qui doit vivre dans un 10 m² et affiche un sourire chaleureux et non feint, et qui aurait donné des cours de fingerpicking à un certain Robert Zimmerman), Neal Pattman, Henry Gray, Hubert Sumlin, George Butler et Pinetop Perkins. Différentes personnalités qui ont chacune une approche et une histoire particulière envers la musique du Diable. Kenny est là pour avoir le plaisir de les accompagner, et/ou les écouter, et surtout les enregistrer pour, via un double support, CD et un DVD, faire découvrir une partie de la riche palette de cette musique. Une des raisons pour laquelle on présente le plus illustre au même titre que l'inconnu. "10 days out : Blues from the Backroads" est indispensable, même si c'est inégal, pour tous les amoureux de la blue note. Extrait du DVD Et maintenant, en cette fin d'année 2010, déboule sans crier gare ce « Live ! In Chicago » qui s'annonce comme un futur classique, un grand enregistrement en public.
En guest, Hubert Sumlin, Bryan Lee, Willie « Big Eyes » Smith et Buddy Flett, dont chacun, preuve de réel respect, et non juste plan publicitaire, a une page de présentation biographique dans le livret.
Kenny se montre impérial et ses soli coincés entre Stevie Ray Vaughan, Gallagher et Bryan Lee, sont lumineux et inspirés.
L'album a été enregistré lors d'un concert au House of Blues de Chicago durant le la tournée « Blues from the Backroads ». La structure de la formation est identique à celle de « Live On », c'est-à-dire, avec claviers, mais sans 2sd guitariste. Le son et la tonalité se rapprochent plus de l'album "Trouble is...". Outre Kenny et les invités, on retrouve le chanteur Nora Hunt (qui joue en principe aussi de la guitare folk, bien que non mentionné dans le livret), Chris Layton (de Double Trouble, bien sûr), Scott Nelson à la basse (Lou Ann Barton, Doyle Bramhall II, Cetan Clawson, Keller Brothers Band) et Riley Osbourn (Jeff Walker, Doyle Bramhall) aux claviers. Tommy Shannon, dont il y a pourtant une photo, semble avoir pris du repos (bien mérité) depuis peu.
Le répertoire personnel se limite principalement au matériel de « Trouble is... », avec quatre titres, et un de « Ledbetter Heights ». Le restant, soit 9 chansons, est composé de reprises où participent les invités. Un petit regret : Pourquoi donc Bryan Lee n'interprète t'il pas une de ses compositions, alors qu'il en a une flopée d'excellentes ?
Brillant ! Avec ce live, Kenny Wayne Shepherd est définitivement revenu sur le devant de la scène Blues-Rock. L'album est resté plus de 4 semaines n°1 des albums Blues du Billboards.
Un regret néanmoins : un double CD, dont un réservé au Kenny Wayne Shepherd Band et leurs propres compositions, et le second dédié aux prestations des invités, aurait été (à mon avis) plus judicieux, d'autant plus qu'apparemment, ces représentations dépassaient allègrement les 1 h 30. Kenny est un Fender man (hormis sa vieille Yamaha de son enfance, aucune infidélité déclarée en solid-body), guitares et amplis ; même s'il tâte du Marshall, ses préférés demeurent les Fender Blackface et Vibroverb, deux amplis vintages. Sa sonorité semble indiquer qu'il joue avec un fort tirant, comme Stevie Ray. Bien qu'il ait, certes depuis peu, un modèle signature, de Fender (décliné en trois finitions différentes), et qu'il ait acquis une petite collection de Stratos, vintages, Relic, Custom Shop, l'élue de son cœur demeure un modèle 61 d'origine bien élimé (ci-contre), baptisée amoureusement "The One", au look rappellant la fidèle de Rory Gallagher (on remarque que les pontets ne sont pas d'origines). Elle a œuvré sur tous ses albums, et pas mal de concerts. C'est le modèle que l'on voit sur ce « Live in Chicago », et les versos des disques « Trouble is... » et « Live on ». Au niveau des effets, actuellement Kenny utilise la classique Tube Screamer TS9 d'Ibanez, ainsi qu'une TS-808 (la réédition de la TS-9), une Octavia Roger Mayer, un Delay de Line6, un Chorus Analogman, un Univibe Dunlop, et une Wah-Wah (à un moment c'était une Real McCoy). Son set a été quelque peu allégé.
- Somehow, Somewhere, Someway - 4:37
- King's Highway - 7:02
- True Lies - 5:54
- Deja Voodoo - 7:03
- Sell my Monkey - 4:18 - (Riley B. King)
- Dance for Me Girl - 5:09 - (Buddy Flett)
- Baby, Don't Say That No More - 6:00 - (Jimmy Reed)
- Eye to Eye - 6:18 - (Willie "Big Eyes" Smith)
- How Many More Years - 4:32 - (Chester Burnett)
- Sick And Tired - 5:16 - (Dave Bartholonew ; Christopher Kenner)
- Feed Me - 4:47 - (Hubert Sumlin)
- Rocking Daddy - 3:54 - (Chester Burnett)
- Blue On Black - 5:32
- I'm a King Bee - 4:53 - (James H. Moore)
J'ai le premier que j'avais trouvé un peu hard.
RépondreSupprimerTu parles de Doyle Bramhall (que tu as encensé dans un article précédent); je crains, avec tout le respect que je te dois, que tu ne te fourvoies avec icelui. Je ne le supporte pas certes, mais je l'ai vu sur le DVD crossroads (le dernier de 2010), c'est vraiment minable.
RépondreSupprimerOui, effectivement, il y a parfois une approche de KWS qui pourrait s'apparenter à une forme de Heavy-rock, bien qu'il n'y n'ait aucun lick spécifique au genre. Je pense que cela est dû à l'attaque de Kenny, peut-être un peu aussi à la voix du chanteur qui a un côté Paul Rodgers. C'est moins heavy que les derniers Bonamassa.
RépondreSupprimerCertes, le set de Bramhall II sur le dernier Crossroad est, disons, un peu particulière (pas la meilleure prestation). Personnellement, j'aime bien, sans plus, mais j'aime bien. Je pense qu'il a ici voulu un peu se démarquer de l'image de guitar-hero, d'autant plus que ce n'était pas ce qui manquait lors de ce festival, et faire quelque chose de totalement différent de ses comppositions antérieures. Le son de sa guitare est pourrave, alors qu'il a le matos et la maîtrise nécessaire pour sonner limpide. Doyle a tenter autre chose, mais c'est effectivement moins bon.
RépondreSupprimerMaintenant, il convient d'écouter ça via un ampli, en stéréo ou en DTS, et éviter l'écoute directe sur les "H.P" de la télé.
Je ne peux que souscrire à l'avis de SM en ce qui concerne Doyle Bramhall! Sa prestation sur le Crossroad 2010 est pitoyable et je me dis que Clapton n'a rien à craindre avec un tel side-man!
RépondreSupprimerSur le Crossroad Bramhall fait pâle figure à côté de Sonny Landreth, Albert Lee ou le grand James Burton!!!
Mais revenons à notre mouton! Kenny Wayne Shepherd. "Live in Chicago" est, là tu as raison, un très bon live , mais à mon humble avis "10 days out" est sa plus grande réussite bien il est vrai qu'un peu à part dans son oeuvre! Mais quel beau voyage dans le monde du blues!
Question, après avoir regarder l'extrait du DVD, et quoique plein de dévotion pour les british et les blancs-becs du Texas : pourquoi le blues c'est tellement mieux quand c'est chanté par un Noir de 79 ans ?
RépondreSupprimerBonne question Luc! Parce que le BLUES c'est avant tout la musique des Noirs même si par la suite des blancs-becs s'en sont emparés pour notre plus grand plaisir! Mais pour revenir à la vidéo, le concert final sur le dvd de Shepherd "10 days out" est une pure merveille! Du vrai ,du grand blues! A chaque visionnage l'émotion et l'enthousiasme me submergent! SI si!!!
RépondreSupprimerJe pense que tu parles de Buddy Guy, parce que par contre Hubert Sumlin semble avoir beaucoup perdu de son jeu.
RépondreSupprimerPour ma part, je dirai qu'en général les blacks chantent bien mieux le Blues, le Jazz, le Funk, la Soul, le Rythm'n'Blues, etc.., qu'une grande majorité de "Snow-white". Et les meilleurs de ces derniers ont toujours pris comme référence des Blacks.
Bon, maintenant, chez les plus jeunes, de tous bords, il est assez difficile de trouver de vrais chanteurs talentueux.
Hubert Sumlin a effectivement beaucoup perdu de son jeu , mais notre homme est aussi visiblement diminué physiquement, avec semble-t-il des difficultés respiratoires,ceci expliquant celà.
RépondreSupprimerTout à fait, JPG.
RépondreSupprimerEt j'en profite, par la même occasion, pour rappeler qu'Hubert Sumlin a été l'un des guitariste les plus novateurs de sa génération. Nombre de titres du Wolf n'auraient pas eu leur éclat, si Sumlin n'avait pas apporté sa touche personnelle.
Hendrix s'en réclamait, vantant les mérites du bonhomme. Mais, bien d'autres, plus ou moins illustres, lui doivent également beaucoup. Comme Page, Ronnie Earl, Brian Jones, Clapton, Stevie Ray Vaughan.