A 66 ans et des brouettes, le temps ne semble pas avoir eu d'effet sur sa formidable voix d'elfe, limpide comme une eau de source, mélodieuse comme le chant des oiseaux. Une voix merveilleuse qui possède toujours cet incroyable pouvoir d'enchanter, de ravir, de supprimer les tensions, d'illuminer les journées les plus sombres. La magie de la musique.
En 2023, pour ses concerts, Loreena McKennitt décide de faire un retour à ses premières amours musicales. A ce qui avait étreint son âme et son cœur, lui intimant de se consacrer à la musique, comme une nécessité absolue. En l'occurrence, celle plongeant profondément ses racines dans le terreau "celtique" - qu'elle avait découverte à travers le breton Alan Stivell, le groupe irlandais Planxty, et le groupe de folk-rock Steeleye Span (dont on retrouve ici, un traditionnel que reprenait également ce groupe : "Searching for Lambs"). Et c'est avec une certaine pugnacité, liée à une foi inébranlable, qu'elle reprendra d'une certaine manière le flambeau, et qu'elle deviendra l'une des plus belles représentantes de la musique dite "celtique" (tant bien même on lui reprochera parfois sa nationalité, lui refusant toute légitimité - il y aura toujours des grincheux). Voire l'une des plus intéressantes, car si elle a bien un immense respect et amour pour l'héritage traditionnel, sa soif de découverte l'incitera à se pencher sur d'autres aspects plus modernes, ainsi que sur d'autres musiques issues d'autres lieux, d'autres pays et traditions. Une saine curiosité et un besoin de s'enrichir qui l'amènent à aller plus loin, et aussi s'intéresser aux mythes, à la philosophie et aux coutumes des contrées où sont nées ces musiques.
Un long périple à la découverte de diverses musiques traditionnelles qui l'imprègne et impacte sa musique. Mariant alors folklore d'obédience celtique à des thèmes et des sonorités d'origines orientales et méditerranéennes. "The Book of Secrets" de 1997, album magistral, est probablement le plus abouti. C'est un chef d'œuvre.
Pour revenir à sa pugnacité, rappelons qu'elle a dû, en 1985, monter sa propre boîte, Quinlan Road, pour pouvoir enregistrer des disques. Ce qui lui a permis de poursuivre une carrière dans une quasi totale liberté artistique, ne réalisant des disques que lorsque le besoin s'en faisait ressentir, quand elle estimait avoir suffisamment de matériel, et du meilleur. Elle finit par gagner une reconnaissance internationale. Au Canada, elle est décorée de l'Ordre du Canada et membre de l'Ordre de l'Ontario, avant d'être intronisée au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. Elle est également colonel honoraire de l'aviation royale canadienne. Le Canada lui remet aussi la médaille Joseph Elzéar-Bernier ; médaille décernée en reconnaissance d'un geste ou d'une activité exemplaire. En France, tout récemment, en 2023, elle est nommée chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Et aux USA, on lui remet un International Achievement Award.
Ainsi donc, lors de l'été 2023, Loreena profite de quatre festivals folk organisés dans l'Ontario pour fermer la boucle, en effectuant un retour dans l'univers plus traditionnel de son début de carrière. Elle réunit autour d'elle un groupe de six musiciens aguerris, dont la violoniste Caroline Lavelle. La fidèle et talentueuse alliée, accessoirement choriste, qu'on retrouve dès 1995, sur bon nombre des disques de McKennitt. Miss Lavelle (qui vit à Tintagel), parallèlement à une modeste carrière solo, a aussi souvent travaillé pour les studios anglais. On la retrouve sur des chansons des Cranberries, Siouxie and the Banshees, Tarja Turunen, Radiohead, The Waterboys, Peter Gabriel ("Us"), Muse, The Undertones, Graham Parker, The Chieftains, et probablement bien d'autres.
Derrière Lavelle, c'est le groupe The Bookends. Un groupe folk bien connu et primé au Canada, constitué des couples Fischer et Watson (des voisins qui se sont rencontrés quand l'un a frappé à la porte de l'autre, après avoir entendu de la musique), qui accompagne depuis quelques temps Loreena en tournée.
La captation de ces prestations représentant un échantillon de deux concerts n'a rien à envier aux enregistrements studio. On connait l'exigence de Loreena, son attrait pour la pureté et la définition des sons, et par conséquent le soin apporté à ses enregistrements - même lorsque ces derniers admettent l'incursion d'une guitare électrique un chouia saturée -. En concert, lorsque le lieu et le terrain le permettent il en va de même. Ce qu'atteste le présent disque qui, s'il n'y avait pas des manifestations de joie et d'approbation entre les morceaux (le public, respectueux, se comporte comme à la messe - ou, simplement, pareillement comme à un concert de musique classique), pourrait laisser croire à un nouveau disque studio.
Harpe, violoncelle, piano, flûte, guitares, mandoline, bodhràn, violon, percussions, accordéon et chants s'harmonisent pour créer une douce atmosphère où les frontières entre l'imaginaire et le réel sont un instant abolies. Et si les légendes et mythes irlandais et gallois sont nombreux à baigner dans la violence, le sang et la soif de la vengeance, Loreena semble plutôt s'attacher à créer une bulle féérique où vaquent indifféremment Sidhes et autres Thuatha Dé Danann. Où s'épanouissent des amours franches mais tumultueuses entre jouvencelles et damoiseaux ; ces derniers tiraillés entre leur quête de renommé et l'élu de leur cœur. Pays imaginaire entre Shakespeare et Chrétien de Troyes.
Les paroles ne sont pas indispensables pour cette transmission, cette plongée dans ce monde parallèle, loin de la folie urbaine. Comme avec l'instrumental "Salvation Contradiction" qui débute calmement, telle une tranquille balade à travers champs, avant d'enchaîner sur une sean-nos endiablée, à faire danser un éclopé avec ses béquilles. Sautant tel un farfadet ivre.
Mais aussi histoires de déchirement de la verte Erin, d'apparence si paisible et pourtant profondément meurtrie par son histoire, par ses éternels combats. Contre la couronne, contre la faim et la folie des hommes. On y retrouve ainsi la saisissante réappropriation d'un chant traditionnel, "Bony Portmore", qui lui avait permis de se faire connaitre par un plus large public grâce à l'incorporation de cette chanson (issue de son quatrième album "The Visit") dans la B.O. du troisième "Highlander" . Chanson déplorant la disparition des chênes en Irlande, surexploités pour la construction navale et tombés lors d'une forte tempête de 1760. Les (ou le) dernier(s) auraient été ceux du château de Portmore (le Grand chêne de Portmore).
Histoires d'amour contrarié, perdu par faute de mauvais choix, d'aveuglement, comme l'énumère "One a Bright Morning", aux senteurs de rosée et de brume printanières et matinales, s'attardant sur une terre noire et herbeuse, où le soleil peine à s'imposer.
Le concert se termine par un classique de la musique irlandaise : "Wild Mountain Thyme". Chanson maintes reprise, dont par Joan Baez, Rod Stewart, Judy Collins, Van Morrison, The Silencers, Mark Knopfler, Bert Jansch, The Byrds - elle est aussi reprise pour la B.O. du film du même nom avec Emily Blunt -. Loreena convie alors James Keelaghan, pour un duo. Sa voix cristalline (mais pas fragile) contrastant avec celle de baryton de Keelaghan. Ce dernier est quasiment, au Canada, une sommité de la musique Folk (avec également un penchant pour la musique "celtique"), également connu pour des textes relativement engagés, soucieux des combats sociaux et de l'injustice pouvant frapper les pauvres hères, les innocents (dont quelques sujets pouvant contrarier l'administration canadienne). Une chanson qui la ramène à ses débuts, à ses premiers "grands" concerts. Et précisément à ce lointain souvenir où, à l'un des premiers festival folk de Winnipeg, le rideau tombe sur une scène où tous les participants sont montés sur scène pour interpréter cette chanson.
🎶🍀🍁
Autre article / Loreena McKennitt : 👉 " The Mask and Mirror " (1994)
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Waouh, mes 95% de sang breton sont en ébullition… J'étais à Bobino en 73 pour l'un des premiers concerts d'Alan Stivell dans cette salle, ça ne me rajeunit pas :o)
RépondreSupprimerY'a beaucoup de Bretons et de Basques par ici, semble-t-il...
RépondreSupprimerPrésent!
RépondreSupprimerMoi j'ai découvert cette voix avec Dan Ar Bras et l'Héritage des Celtes. Magnifique.
Plus de bretons que de basques non? Loreena McKennitt c'est aussi par l'Heritage des celtes que je l'ai découvert. Depuis......Pas trop fan bien que dans les années 70 les disques de folk tournaient beaucoup sur ma platine ! Steeleye span et Pentangle surtout ainsi qu'un trop méconnu groupe anglais Trees qui a commis à l'époque deux remarquables disques . Et puis biensûr le "Chemin de terre" de Stivell (comme Toon sang breton oblige!) . Pour moi le meilleur disque de notre barde , ah le violon de René Werneer!
RépondreSupprimerJ'connais pas de "Trees" (ce n'est pas un quatuor, avec un chanteur du nom de Rodgers, j'crois ?... Polo de son prénom)
SupprimerMais Loreena ne chante pas dans L'Héritage des Celtes 😁 Du moins, pas sur les deux disques studios.
SupprimerCela avait été un beau tour de force de la part Dan Ar Braz, pour réunir tous ces musiciens.
Avec à la clef un très beau - et inattendu - succès, notamment grâce à "Borders of Salt" qui - ô miracle - passait régulièrement à la radio.
Succès qui permit également à Gildas Arzel d'être accueilli sur les radios avec "Au Cœur des Pierres Levées".
tu as raison Bruno , j'ai confondu avec Kareen Matheson ! Pour ta culture personnelle Trees est un groupe british de folk rock qui a sévi de 69 à 71 . deux disques à leur actif ; "The garden of Jane Delawney" et "On the Shore" . Une musique proche du meilleur Fairport Convention avec une touche californienne en plus et une chanteuse à la voix céleste.
SupprimerRhoooo... tu éveilles ma curiosité.
SupprimerJe suis en train d'écouter le titre "Polly on the Shore" qui me fait penser à Free (on dirait la basse d'Andy Fraser)
Une intéressante découverte. Merci 😊
Ça tourne au blog régionaliste, attention. Pour mettre un peu d'ambiance et souffler sur les Breiz, rappelons que les Bretons indépendantistes du PNB (les Fiers-Ar-Bras) pensaient compter sur le soutien allemand pour obtenir un statut particulier. Pendant ce temps, les passeurs basques détroussaient (au mieux) ceux qui s'offraient leurs services pour passer en Espagne. Point Godwin largement atteint.
RépondreSupprimerLa semaine prochaine, une chronique sur les Fatals Picards ?! (j'aime beaucoup le "souffler sur les Breiz", que je me permettrai de replacer si j'en ai l'occasion)
SupprimerEn Bretagne on appelle parfois les sonneurs , les souffleurs de Breizh ! (et pas les choux fleurs....!) J'anticipe une éventuelle blague de mauvais goût , on ne sait jamais avec les clampins qui traînent sur ce blog!
SupprimerTu as bien raison 😂
SupprimerElle a un faux air de la comédienne Helen Mirren, sur certaines photos c'est trompeur. S'il y avait un biopic sur sa vie, l'actrice serait toute trouvée (et pas la plus mauvaise, en plus...)
RépondreSupprimerBien vu. C'est le même type de femme. On pourrait les croire issues de la même famille.
SupprimerD'ailleurs, en recherchant des photos de Loreena, il me semble bien en avoir vu une, un assemblage, les présentant toutes les deux (pour confirmer la ressemblance)