mardi 5 août 2025
AC/DC : BACK IN BLACK (1980) par Pat Slade
lundi 4 août 2025
RUE PANSE-BOUGRE de Jacques Faizant (1958) - par Nema M.
Sonia a accompagné Madame Portillon rue des Lozaits à Villejuif et
elle s’interroge sur les noms des rues :
-
Rue des Lozaits, c’est bizarre ce nom de rue, tu ne trouves
pas ?
-
Disons que par rapport à la majorité des rues de Villejuif qui font
référence au communisme comme la rue Youri Gagarine, ce nom est plus
original, répond Nema. Je ne sais pas d’où cela vient.
-
Nous, au moins, c’est facile et je trouve cela très chic, dit en riant
Sonia : on habite rue Pascal, Pascal le mathématicien et
philosophe !
-
C’est sûr, c’est mieux que d’habiter rue Panse-bougre rétorque Nema en
rigolant.
-
???
La rue Panse-bougre est une rue
de Paris. Rue imaginaire dans un XVème arrondissement parisien
fictif qui sent bon les années 50 du siècle passé. Le titre du roman est
donc le nom du lieu où toute l’action se déroule. Le personnage principal,
narrateur à la première personne des évènements, est un écrivain. Il
plonge rue Panse-bougre avec
délectation comme dans son petit univers, son « écosystème » comme
on dirait aujourd’hui 😊. Peut-être ressemble-t-il à
Jacques Faizant ? La femme de notre héros, Eve et ses deux fils
Patrice et Michel tiendront dans l’histoire des rôles non
négligeables.
Le XVème était encore populaire à l’époque et dans cette rue, on
trouve tout : une mercerie, une banque, une boulangerie-pâtisserie,
deux cafés, un hôtel… des habitants qui se connaissent et des potins qui
circulent plus vite que dans les réseaux sociaux. La meilleure source
d’information étant Madame Gilet, concierge de son état mais
également femme de ménage, notamment chez le narrateur de cette
extraordinaire histoire d’amour. Car il s’agit d’une histoire d’amour. Digne
de Shakespeare. Enfin presque.
![]() |
Doisneau - Paris 1950 |
Les personnages sont gratifiés d’une gentille représentation en pied, avec
leur nom en dessous, au début du roman. On a ainsi Bernard,
l’amoureux qui tient un bouquet de fleurs et Hélène l’amoureuse (dont
le nez est tordu mais cela ne se voit pas trop) qui tient une baguette en
bonne fille du boulanger Boutereux, homme ronchon, représenté en
marcel, avec un béret et la cigarette au bec. Et on a une image d’une
Madame Gilet avec son balai de paille de riz, son tablier et ses
savates, qui semble faire la leçon un doigt levé… Et Quervellec le
flic, l’air perplexe, en uniforme avec son képi sur la tête…
À noter que d’autres dessins émaillent le roman, avec une petite légende,
permettant de bien se figurer l’état des réflexions des personnages. Au
fait, pourquoi un flic ? Ah oui, personnage indispensable car il se
passe des choses hallucinantes dans cette rue : un gang a des idées
loufoques pour organiser un cambriolage de banque, une chasse aux fauves est
organisée de nuit, on crie, on complote, on boit un peu trop au bistrot…
bref ambiance, ambiance style cinéma des comédies des années 50, comme par
exemple celles avec Bourvil.
Bernard Sergent aime Hélène Boutereux mais les deux
tourtereaux sont très jeunes : Hélène n’est même pas majeure
(majorité à 21 ans à l’époque). Et Madame Sergent, veuve d’un
adjudant-chef, n’imagine pas pour son fils une telle union. En plus
Hélène a le nez de travers. Toute la rue est au courant de ce drame.
Il y a ceux et celles qui sont pour laisser les jeunes gens vivre leur amour
et ceux qui sont contre. Les opposants sont : la bande de copine de
Madame Sergent et surtout des cousins à elle, un couple aux idées
psychorigides comme les siennes et dont la fille se croit tout simplement
destinée à Bernard. Il y a une scène poilante chez
Madame Sergent avec des quiproquos avec un fumiste venu réparer le
poêle à charbon.
Les gamins ont formé une bande, la bande des « Machiavélisques (sans faute
d'orthographe 😀)
du XVème ». Le Chef Machia, Claude Flanchet, a 14 ans.
Patrice et Michel font partie de la bande, tout comme
pratiquement tous les garçons de la rue entre 9 et 14 ans semble-t-il. Le
Chef Machia a une imagination débordante pour élaborer des plans
compliqués conduisant à des agissements répréhensibles, mais pour une bonne
cause. Le narrateur se trouve parfois confronté à des situations qui le
mettent en porte-à-faux face à Quervellec à cause du bouillonnant
cerveau du Chef Machia et de la participation de ses fils à ces
bouffonneries.
Petite touche d’exotisme grâce à Sabourot, l’ancien des colonies, un
peu vicelard et très imbibé qui n’est pas un mauvais bougre mais qui sème
quand même une sacrée pagaille dans la rue. Il y a aussi un ancien artiste
de music-hall, Emile, son numéro, son succès, son déclin et peut-être
sa remontée sur scène ? Une ancienne prostituée sera aussi de la
partie. Un personnage intéressant que le docteur Rincelet, derrière
un côté strict et raisonnable, se cache un joyeux drille. Tout le monde le
connait, il fait des visites à domicile, et il va avoir à gérer des
situations, disons, atypiques.

Petit clin d’œil sur la finance locale avec le directeur de la banque
Monsieur Espagnolet, ses principes et finalement sa gentillesse.
Toujours côté finances, une allusion ou deux au bon sens des femmes qui
savent tenir un budget pour le bien de la maisonnée, illustration de la
place de la femme au foyer à cette époque 😊. L’histoire se terminera
bien, avec curieusement l’apparition d’une gentille petite vieille sortie
d’on ne sait où, à qui il est demandé si elle n’est pas choquée par les
gamineries de certains adultes anciens amis d’enfance : « Pas tant que ça : dans ma jeunesse j’étais la chef(fe) des
Ravageuses de Sainte Clothilde… ». Alors justes bonnes à rester à la maison les femmes ? Ah les
petites vieilles de Jacques Faizant, quels caractères !
Jacques Faizant, 1918-2006, était un dessinateur humoristique, un
chroniqueur mais aussi un romancier. Ses caricatures ont largement contribué
à donner à la vie politique une connotation dérisoire et sa Marianne,
avec son impertinent petit nez retroussé se permettait bien des critiques,
gentilles mais piquantes. Il nous a également laissé de charmantes vieilles
dames au verbe acide et à l’aplomb digne de leurs larges robes noires d’où
dépassent des jambes fines comme un fil et prolongées par des talons
aiguilles. Les vieux messieurs n'ont qu’à se soumettre docilement…
Bonne lecture !
Calmann-Lévy - Pages : 301
dimanche 3 août 2025
LE BEST-OF NE MASH PAS SES MOTS
LUNDI : Claude Toon débute la nécrologie chargée de la semaine. Hommage au maestro "Roger Norrington" décédé à 91 ans et alter ego de Nikolaus Harnoncourt en Angleterre voire tous les Pays. Il participe avec une énergie rare à redonner les couleurs instrumentales authentiques de la période du classique au romantisme. Claude revient sur la longue carrière et propose un florilège d'enregistrements cultes (Haydn, Schumann, Beethoven, Wagner, Weber, etc., le hit du romantisme.)
MARDI : Pat Slade a pris sa trousse de chirurgien et a remonté le temps en 1951 pour rejoindre en Corée une bande de dingues du scalpel et du sexe lors du conflits nord/sud. Chef-d'œuvre d'humour noir décalé, on retrouve les poilants, barrés et cyniques Donal Sutherland, Robert Duvall, Elliot Gould et l'infirmière psychorigide Sally Kellerman (enfin pas si coincée au point d'être surnommée "lèvres en feu" 🗢). Ah oui : on parle de MASH, film de Robert Altman de 1971.
MERCREDI : Bruno reprend la plume de Claude pour compléter la nécrologie de la semaine. Le chanteur Ozzy Osborne, chantre du heavy-rock (appellation qu'il a choisi) est arrivé au bout de ses forces après une carrière rocambolesque, notamment avec le groupe : Black Sabbath. Notre rédacteur dresse un portrait aussi détaillé de ce personnage mythique qu'une chronique Wagner de Claude. 76 ans, pas mal en regard de son régime à base d'extravagances et de stupéfiants variés à gogo.
JEUDI : Claude rend justice à la 1ère symphonie de Rachmaninov. 1895-1897, le jeune compositeur ose écrire sa première grande œuvre orchestrale. La création est un martyre, le maestro Glazounov est bourré, l'interprétation un désastre. Le médiocre critique César Cui massacre l'œuvre. Serge égare la partition, déprime sans composer pendant trois ans… 1944, on exhume les manuscrits et on redonne vie à l'une des plus belles symphonies du postromantisme moderne russe. Au pupitre : Yannick Nézet-Séguin en grande forme !
VENDREDI : Avec Luc, lecture : "Tokyo Vice" ou les mémoires du journaliste Jake Adelstein, en poste au Japon pour le Yomiuri shinbun (quotidien vendu à 15 millions d'exemplaires, un record mondial) puis divers services policiers. Il plongera dans la pire noirceur de la société nipponne : le crime organisé, prostitution, trafic d'être humains, extorsion de fond, la criminalité planétaire…. Particularités, les "Yakusas" et chefs de gangs travaillent en chevilles avec la police !!! Publié en 2016, puis tourné pour la TV par Michael Mann… en 2022.
👉 On se revoit lundi avec un roman parisien et hilarant de Jacques Faizant (rue Panse-Bougre), puis AC/DC et l'album Back in Black, le billet secret de Bruno qui désormais cache ses brouillons dans un coffre à combinaison quantique, l'épisode 4 du progressif conté par Benjamin (Pink Floyd semble-t-il) et enfin le livre de Philippe Jaenada "La petite femelle"…
vendredi 1 août 2025
JAKE ADELSTEIN "Tokyo Vice" (2016) par Luc-san
L’auteur laisse la scène en suspens, puis flashback en 1992, où il revient sur son arrivée au Japon et ses débuts dans le journalisme. TOKYO VICE n’est pas un roman, mais un livre de souvenirs, des mémoires, sauf que l’auteur adopte un style narratif romancé, on y retrouve tout ce qui fait un bon roman noir, les enquêtes, les flics, les truands, une plongée dans un milieu, l’étude d’une société, de sa face cachée.
Jake Adelstein va mettre des années à se faire accepter, respecter. Au "Yomiuri Shinbun", il travaille à la rubrique faits divers, crimes, plusieurs années plus tard aux mœurs, la prostitution, puis le crime organisé, et spécialement le trafic d’être humains. Au Japon, les rédactions des services crimes sont implantées au QG de la police. Imaginez les cellules police & justice de "Libé" ou du "Figaro" installées au (feu) 36 quai des Orfèvres ! Flics et journalistes travaillent ensemble, on se refile les infos, on ne garde rien pour soi. Adelstein va apprendre comment tresser et entretenir son réseau d’informateurs, chez les policiers ou les truands. En ayant de jolies intentions, faire des cadeaux, connaitre les dates d’anniversaire des gamins, leur apporter des glaces, couvrir de fleurs les épouses… Personne n'est dupe, chacun joue le jeu, question de respect. Ainsi se construit une belle amitié entre lui et Sekiguchi, flic de la crim’ réputé.
TOKYO VICE nous plonge dans la société japonaise, ses us et coutumes (le manuel du suicide, scène hallucinante du gamin qui s’électrocute en laissant un mot : « ne touchez pas à mon cadavre avant de couper le jus » le tact, toujours le tact...), ses perversions surtout. Pendant des années Adelstein a parcouru le monde de la nuit, les bars à hôtesses du quartier chaud de Tokyo, Kabukicho. Les tentations sont nombreuses, il n'y résiste pas toujours.
C’est en fréquentant des années durant les maquereaux, les escrocs, les prostituées, et en suivant le parcours de l’argent, qu’il va tirer les fils d’une vaste organisation de trafic d’humains, des jeunes femmes étrangères en quête d’un petit boulot, attirées à coup de promesses et de billets d'avion offerts, puis exploitées comme esclaves sexuels. Et cette histoire de greffés du foie, particulièrement sensible, dangereuse, quand on s'approche de trop près à Tadamasa Goto.
Comme dans tout bon roman noir, le détective journaliste fume comme un pompier (des clopes aux clous de girofles), boit comme un trou, fréquente les filles des bas-fonds, rentre chez lui à 5h du mat’, dort dans son bureau ou sur le canapé du salon, met en péril sa famille, se fait menacer, tabasser…
Jake Adelstein marche dans les pas d’un Tom Wolfe, un récit journalistique à la première personne, il informe autant qu’il se met à nu.