D’un biopic sur Bruce Springsteen on aurait pu craindre une célébration testostéronée du
p’tit mec de banlieue (Freehold, New Jersey) qui accède au statut de héros national, où comment on devient le Boss en dix leçons, à coups
de reconstitution de concerts épiques. Il n’y a rien de cela dans
SPRINGSTEEN : DELIVER ME FROM NOWHERE, c’est même tout le
contraire.
Le réalisateur, scénariste, producteur Scott Cooper,
qu’on situerait plutôt comme cinéaste indépendant, à qui on doit
CRAZY HEART avec Jeff Bridges, HOSTILES et THE PALE
BLUE EYES avec Christian Bale, se concentre sur une période sombre, introspective, la conception de l’album « Nebraska »(1982). Ca commence en noir et blanc, flashback, le petit Bruce entend son paternel, éméché, monter les
marches vers sa chambre, cogner à sa porte pour en découdre… un, deux, trois… transition one,
two, three, four… le climax de « Born to run » nous éclate à la
gueule, c’est le dernier concert de la tournée
triomphale « The River ».
Ces trente secondes de « Born
to run » sont uniquement ce qu’on verra reconstitué en concert. Les rares autres moments seront au Stone
Pony, un bar d’Asbury Park où Springsteen (encore aujourd'hui) a l’habitude de jammer
avec des groupes locaux.
Parlons de suite de ce qui m’a gêné. Ce
noir et blanc bien léché pour les flash-back, qui informent,
certes, mais qui frisent le pathos. Une scène montre Douglas Springsteen (le
père, joué par Stephen Graham) embarquer son fils voir au cinéma
LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton, spectacle assez traumatisant pour son
âge (9 ans). Scott Cooper aura, je suppose, fait le choix de traiter
les souvenirs du gamin à la manière de, avec un Mitchum démoniaque en fugure paternelle. Pourquoi pas. LA NUIT DU
CHASSEUR, BADLANDS, plus tard LES RAISINS DE LA COLÈRE, le film
montre bien les rapports de Springsteen au cinéma*.
Scott Cooper cueille
donc un Springsteen au top professionnellement, mais au fond de la
vague moralement. Tout est résumé en une réplique, avec un vendeur de voiture qui assure : « C’est
le modèle qu’il faut, pour une rock star comme vous… Je sais qui
vous êtes ». L’autre répond : « vous avez du
bol, je ne le sais pas moi-même ».
Les angles choisis par le réalisateur ne sont pas les plus avenants, à première vue. Il ne filme pas un type qui performe, mais un type qui s'isole pour créer. Pas très cinégénique. Il ne filme pas un gars en pleine réussite, mais qui doute du
bien fondé de cette réussite, qui accepte mal ce qu’il est en
train de devenir. On voit bien dans le film ce décalage entre ce
qu’on projette sur lui, et ce qu’il est, un prolo de banlieue
ancré dans son espace naturel.
Pourtant, à l'écran, le processus
torturé de création s'avère intéressant. Le déclic devant une diffusion télé de BADLANDS de Terrence Malick, la scène où Martin
Sheen abat le père de sa copine pour la délivrer de son emprise.
Pas anodin, ça fait écho chez Springsteen, flash back sur le gamin qui frappe son père avec
une batte de baseball. Une chanson naîtra de ce film (« Nebraska »), puis d’autres,
plutôt lugubres, violentes, crépusculaires, de quoi remplir un double album. Chansons enregistrées sur un quatre pistes,
dans sa chambre, à l’aide d’un gus, Mike, joué par Paul Walter
Hauser, découvert dans LE CAS RICHARD JEWELL de Clint Eastwood. Plan intéressant lorsque Springsteen corrige son
texte, barrant les « He » par des « I »,
s’appropriant le rôle du narrateur.
Ces maquettes enregistrées
sur cassettes devaient servir de brouillon pour être retravaillées en studio avec le E
Street band (étonnamment absent du film, à part ce court moment).
On voit ce qui deviendra « Born in the USA », titre d’un
scénario que Paul Schrader lui a envoyé : « ça ne
m’intéresse pas, mais le titre, y’a un truc à faire avec... ».
Il y a aussi « Cover me » (destiné à Donna Summer) ou
« Glory days »,« I'm on fire »... qui ne sortiront qu'en 1984. CBS se frotte les mains. Des
tubes en puissance pour le prochain album. Mais les chansons de « Nebraska »perdent leur substance à être électrifiées**, Springsteen décide de les sortir sur un album distinct, telle que, dans leur jus.
L'aspect technique aurait pu être rébarbatif, curieusement non. On ne peut plus dissocier voix, guitare, harmonica à partir de la cassette audio, ni se débarrasser des bruits ambiants, ou de l'écho. On suit les tentatives de mixage, la fabrication du master, mais le résultat ne convainc jamais. L’ingé-son Chuck
Plotkin dénichera un atelier de fabrication de vinyles, capable de
restituer le son de la cassette (une histoire de profondeur de
sillon). Il va falloir vendre l’idée à CBS. C’est le manager
Jon Landau (Jeremy Strong) qui s’y colle, non sans nervosité. Car Springsteen a en plus décidé qu’il n’y aurait ni single, ni
tournée, ni promo dans la presse, ni sa tête sur la pochette.
Autre aspect du film, comment un artiste dit non au système, pour garder
son intégrité, quand tant d’autres se sont épuisés à
reproduire une recette pour ne pas descendre une marche de
podium. Ce suicide commercial annoncé s'est soldé par un succès immense, « Nebraska » décrochera la troisième place des ventes.
L’acteur Jeremy Allen White ne ressemble pas physiquement à son modèle, des faux airs du jeune Pacino parfois, cocker triste. Il n’est pas dans
l’imitation grimée. Une chemise à carreaux, un tee-shirt et des
cheveux hirsutes suffisent à poser le bonhomme (comme la pochette de
« Darkness »). Il est particulièrement convaincant au chant,
c’est lui qu’on entend dans le film. La mise en scène est
classique, très belle photo, sans doute trop, j'aurais aimé une photo plus brute, justement à l'image de ces enregistrements dégraissés sur l'os.
Rien à voir avec UN PARFAIT INCONNU de
James Mangold sur Bob Dylan à la très ample et riche reconstitution
avec guest star à gogo, ici on donne dans le drame intimiste, un
mec, sa guitare et ses emmerdes.
Comme l'angle choisi [lire plus haut] est ce qu'il est, Scott Cooper intègre au scénario une romance contrariée (fictive), qui n'apporte pas grand chose, et assez peu crédible. On regrettera aussi un film trop concentré sur la
relation Springsteen – Landau, alors que le chanteur
était, sur le Shore, le chef de fil de toute une bande de musiciens,
c’est à peine si on aperçoit Steven Van Zandt. Avec cette impression que le
film aurait pu concerner un personnage lambda, un dépressif, bipolaire, limite suicidaire (qui écoute, amorphe, le
second album de Suicide d’Alan Vega dont il est fan).
Si on ressort euphorique d'un concert de Springsteen (et je sais de quoi je cause) là, on a juste
envie de se pendre. Mais « Nebraska » n’est pas non plus
le disque le plus festif pour ambiancer les campings du cap d'Agde.
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* L’horrible bandana porté sur la
tournée « Born in the USA » était une référence au de
Niro de VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, et pas à RAMBO comme beaucoup
le pensaient !
** Depuis, des titres comme « Johnny 99 » « Atlantic City » « Reason to believe » « Open all night » sont interprétées aussi en mode boogie rock avec le groupe entier.
couleur et noir & blanc - 2h00 – format scope 1:2.39.
La
porte de ce monde fut étrange, presque angoissante, un visage
hurlant sous l’effet d’une sorte de décomposition cosmique.
Puis, la curiosité éveillant bien souvent le courage des hommes,
l’ouverture de cette porte vous laissait nez à nez avec une lune
au sourire moqueur. Derrière elle, un chaos électrique aux riffs
synthétiques porta une voix chantant vos névroses.
« Cat foot
iron claw, Neuro surgeon scream for more, At paranoïa poison door,
Twenty first century schizoid man »
Vous évoluez donc dans un
décor aux couleurs sang rosé, symbole des rêves humains et de sa
peine à les réaliser. Rapidement, la mélodie se fit douce,
l’hystérie faisant ainsi place au deuil. Vos tympans exultèrent
alors sous les caresses d’un jazz rock cotonneux, sensuel, douce
union de la puissance rock et de la tendre beauté du jazz. L’univers
que vous connaissiez jusque-là, les mélodies qui vous furent
familières, tout cela semble fondre sous la chaleur envoûtante de
ces mélodies duveteuses. Mais même la plus éblouissante des
beautés est condamnée à se flétrir, les assauts barbares du temps
ne se préoccupent nullement de la grandeur esthétique de ce qu’ils
attaquent. Comme pour vous avertir gentiment, une voix d’ange déchu
psalmodie : « And
I fear tomorrow I’ll be crying », le tout sur fond de mélodie
automnale.
Mais avant la saison des pluies vient celle des rayons de
soleil, nulle force ne doit mourir avant sa grande épiphanie. Se
révéler à soi-même et au monde, voilà le devoir sacré de tout
ce qui vit et de chaque chose créée. Et pour se révéler il faut
avancer inlassablement, parcourir les routes dans l’espoir de
trouver la sienne. Progressivement, les couleurs changent, les
mélodies aussi, vous franchissez une étape tel l’homme achevant
une de ses décennies. Le paysage s’est transformé, il devint
presque banal, mais d’une banalité pleine de grâce. L’herbe
verte donna ainsi une certaine gaieté à un décor brumeux. De
grands cerfs marchaient nonchalamment dans ces plaines
verdoyantes.
Quelle ne fut pas votre surprise lorsque, arrivant à
l’une des extrémités de décors qui vous parurent infinis, vous
vous rendirent compte qu’ils n’étaient qu’un des stalagmites
de terre que vous voyez poindre à l’horizon, telles des lames
verdoyantes flottant dans un néant grisâtre. D’une soyeuse
douceur swinguante, la mélodie que vous entendîtes passa à une
pyrotechnie symphonique portant une voix elfique et théâtrale.
Comme pour vous inciter à plonger dans le néant brumeux, cette voix
répéta son incantation hypnotique « I get high, I get down ».
Alors, attiré par ce chant de sirène soutenu par une féerie
symphonique, vous plongez gaiement dans ce néant qui est la grande
peur de l’homme.
Car la nature n’est pas la seule qui ait horreur
du vide, même si les progressions harmoniques de « Close to
the edge » compensent quelque peu la stérilité d’un décor
morne. « L’amour est comme le brouillard du matin »
disait Bukowsky, vous incitant ainsi à vous déduire qu’il
s’évaporait de manière aussi soudaine et incompréhensible qu’il
était apparu. Alors que la grisaille venait de vous mener à cette
sombre réflexion, elle disparut rapidement pour laisser place à un
ciel azuré. Votre chute se termina dans une eau douce, immersion de
quelques secondes noyant vos ténèbres dans le son du silence.
L’instinct de survie se montrant souvent plus fort que les élans
morbides, les nécessités vitales obligèrent votre corps à
s’extraire de ce silence asphyxiant.
Alors que vous n’aviez pas
encore ouvert les yeux, vos oreilles savourent déjà la théâtralité
baroque du « Supper’s ready » de Genesis. Sur la côte,
vous apercevez les profils imposants de charismatiques conquérants
anglais. Un peu plus loin, au milieu d’une ile située au
milieu de cette eau douce , une femme en robe rouge et à tête de
renard chante une mélopée romantique inspirée par une symphonie
électrique, que vous dégustez avec le bonheur du nageur faisant la
planche pour profiter de la douce chaleur du soleil.
« Walking
accross the sitting room, I turn the television off, As the sound of
motocar fade in the night time, I swear I saw your face change, it
didn’t seem quite right, And its’ hello babe, with your guardian
eyes so blue, Hey my baby , don’t you know your love is true »
Mais,
alors que vous auriez voulu que cette volupté sonore ne s’arrête
jamais, un froid aussi soudain que vif fit fuir aussi bien les fiers
cavaliers, qu’une chanteuse au visage animalier semblant s’évaporer
dans le bleu de l’horizon. Vous nagez alors vers les côtes, pour
découvrir que des buildings trônent sur ces terres que vous pensiez
inhabitées. Pour donner un fond sonore à la froideur du climat et à
la laideur bétonnée de ces bâtiments, une glaciale mélodie
synthétique prit la place de votre chère chaleur orchestrale.
Progressivement, vous vous levez, votre nudité montrant une
faiblesse absurde face à la résistance imposante de ces tours
disgracieuses. Ce que vous entendez ne vous est pourtant pas inconnu,
une certaine grandeur venue du passé nourrit la froideur ultra
moderne de ces mélodies robotiques. La poésie, chant de
l’innocence, survit paradoxalement malgré les morsures venimeuses
de ces serpents d’acier que sont les synthétiseurs. Telle une
enfance tardive, cette poésie prend les traits d’un enfant en
costume de hussard vous toisant d’un regard plein de reproche. Et
l’enfant se mit à chanter sur fond de musique aussi riche
qu’entraînante, aussi froide que mélancolique, le chant de l’éden
perdu de l’enfance.
« And
it was morning, And i found myself mourning, For a childhood that I
thought had disapear »
Puis les formes se mirent à se
brouiller, les immeubles gondolaient avec la lascivité hypnotique de
danseuses du ventre indiennes. Vous étiez en train de vous réveiller
d’un rêve que vous n’auriez jamais voulu quitter. Vous relevant
au milieu de cette chambre que vous n’étiez plus sûr de
connaître, vous remarquez alors une porte arborant fièrement un
soleil d’un marron sombre en guise de blason. N’en étant plus à
une hallucination près, vous saisissez la poignée pour découvrir
ce qu’il se cache derrière cet emblème.
S’ouvre ainsi à vous
un monde fait de plaines verdoyantes, une vaste forêt suédoise dans
laquelle vous vous empressez de vous perdre. Comme sortie de l’écorce
de ces arbres à la hauteur vertigineuse, la mélodie que vous
entendez vous ramène aux fresques chaleureuses qui marquèrent le
début de votre voyage. Gravée dans le bois de ces arbres
centenaires, une inscription donnait un nom à cette renaissance
d’une grandeur perdue. Le clavier de cette musique se fit plus
grandiloquent lorsque, plantée au milieu de cette étendue
verdoyante, la statue des trois visages illustrant l’album trilogie
vous fit face, véritable version musicale des statues de l’ile de
Pâques.
Car le rock progressif, dont vous visitiez les paysages
musicaux et artistiques, est depuis toujours une île merveilleuse
menacée par les assauts du nihilisme. Änglagård fut le nom du
progrès dans la tradition, le cri de guerre de musiciens armés de
la lutherie et de l’inventivité insatiable de leurs aînés.
Aussi
belle soit elle, cette mélodie baroque et champêtre eut dès le
début la nostalgie des chants de deuil. Comme sorti du bois où il
fut immergé, le triste soleil que vous vites sur la porte de ce
monde imposa son visage torturé sur tous les trônes de cet Eden
boisé. Cet emblème dégagea une chaleur de plus en plus forte, qui
finit par mettre le feu à ces gigantesques piliers de l’architecture
terrestre. Toujours aussi chaude, la musique que vous entendez a
désormais la noirceur d’un requiem électrique, comme si quelqu’un
voulait vous prévenir que ce rêve touchait à sa fin.
Fuyant la
fumée suffocante s’échappant des arbres calcinés, vous apercevez
un feu de camp au milieu d’une espèce de jardin à l’herbe
asséchée par le soleil. Pensant trouver là un guide, vous
découvrez qu’un masque au visage endeuillé que les flammes
dévorent progressivement. Comme annonciatrice des rêves à venir ,
la fumée de ce drôle de sacrifice vous monte à la tête pour vous
annoncer les rêves à venir. Défilent ainsi devant vous les images
évoquant les grands albums du renouveau progressif, la cabine
téléphonique de « The sky move sideway » de Porcupine Tree, la galaxie de
« Stardust we are… » de The Flower Kings.
Ce renouveau ne fut invoqué que
par une grandiose formule hors des âges :Änglagård.
Bon...
période d'Halloween, article d'Halloween oblige. Peu ou prou. Cette
fois-ci, point d'Alice Cooper, d'Iron Maiden ou de Black Sabbath,
puisque ces trois là ont déjà pas mal investi ces colonnes. Mais
un projet un peu particulier qui, à l'origine, devait associer un
projet cinématographique à une œuvre musicale. Un concept-album. Rien à voir avec
une quelconque comédie musicale, mais un long métrage fantastique, tournant autour d'une jeune fille découvrant et développant un
incroyable pouvoir. Si le film n'aboutit
pas, le disque lui, est abouti. Et bien qu'évoluant dans une tonalité
plutôt prisée par les groupes de Hard-FM, et sorti lors d'une
période plutôt encline au heavy-metal, où les Saxon, Iron Maiden,
Scorpions, Judas Priest, régnaient en maîtres sur l'Europe, et au-delà, ce
« Phenomena » fut généralement bien accueilli par la
presse et le public.
L'instigateur
de ce projet se nomme Tom Galley, et n'est autre que le frère de
l'architecte du phénoménal – mais injustement occulté et oublié
– Trapeze. Soit Mel Galley, qui a alors abandonné son groupe
exsangue, pour rejoindre les rangs plus solides et rémunérateurs de
Whitesnake. Pas vraiment un coup d' essai pour Tom, puisque, depuis des années déjà, il aide activement son frérot pour
composer. Précisément depuis l'album « Medusa » de
1970, un classique, jusqu'à l'album éponyme de 1975.
Pour
concrétiser ce projet, Tom reçoit l'aide de Wilfried F.
Rimensberger, rédacteur au sein du magazine allemand MusikSzene,
passionné de Heavy-rock et consorts, qui a co-fondé depuis peu la
revue Metal Hammer (plus de trois ans avant la première parution
anglaise, mais devancé par les Français d'Enfer Magazine et, bien
sûr et surtout, par Kerrang! qui est né en 1981).
Évidemment,
Mel est sollicité pour parfaire les morceaux, mais c'est Richard Bailey qui a le plus contribué à mettre en valeur la vision de Tom
Galley. Bien que particulièrement actif de la fin des années 70 aux
années 80, Richard Bailey (aucun rapport avec le Bailey's)
n'évoque plus rien aujourd'hui, sinon pour les fans de Magnum, puisqu'il fut le claviériste et flûtiste des deux premiers opus du
groupe et de leur premier et excellent live, « Marauder ».
On le retrouve ensuite avec Bernie Marsden pour les éphémères
S.O.S. et Alaska, et en tournée avec Whitesnake (au moment où
Jon Lord lâche Coverdale pour une résurrection du Mark II), et aussi auparavant, pour les deux dernières années d'existence de Trapeze. Il sera
le dernier claviériste de Whitesnake, avant que Coverdale ne recentre
son groupe essentiellement sur les guitares (1).
Forcément,
la forte participation de Bailey impose à cet album une omnipotence
de claviers. Principalement du synthé... ce qui le classe dans une
certaine modernité, et une sophistication certaine, bien plus en
phase avec l'AOR développée alors aux USA (notamment avec Journey,
Balance, Aldo Nova, Kansas) qu'avec le plus timide des groupes de la
NWOBHM. Étonnamment, cela n'entrava pas trop le succès d'un album difficile à situer. À l'opposé de la tendance générale de l'époque en matière de heavy-rock européen.
Il est probable que la liste dorée des musiciens conviés
ait éveillé la curiosité, et l'intérêt, du chaland, puisqu'on y retrouve, outre
donc Mel Galley et Richard Bailey, Ted McKenna, ex-Sensational Alex Harvey Band et Rory Gallagher et
actuel batteur de MSG, le guitariste de Budgie, John Thomas, le
bassiste blond à bouclettes Neil Murray, fidèle de Gary Moore et de
Whitesnake, Don Airey (Colloseum II, Cozy Powell, Strife, Gary Moore,
Rainbow, Michael Schenker Group), et le cogneur Cozy Powell. Que du
beau monde. Mais c'est probablement la présence du bassiste-chanteur
Glenn Hughes qui doit générer l’irrépressible envie de prêter
une esgourde curieuse à cet album. D'autant que depuis quelques
semaines, « Still the Night » s'installe confortablement
sur les ondes européennes, et même outre Atlantique. Une chanson
signée "Glenn-Hughes et Pat Thrall", à l'origine une version plus
brute destinée au second essai jamais arrivé à terme de Hughes &
Thrall.
À
cause de ses addictions, l'handicapant durant toute cette décennie, la carrière de
Hughes est des plus chaotiques. Au point où il commençait à se
faire suffisamment rare pour qu'on doute qu'il puisse un jour remonter la pente. Pourtant, durant ces temps difficiles, à chaque fois
qu'il s'est impliqué dans un nouveau projet, il s'est montré
impérial. Que ce soit avec Hughes & Thrall, avec
Gary Moore (sur « Run for Cover » où il joue de la basse
sur cinq morceaux et chante sur quatre), avec Black Sabbath de Tony
Iommi (sur « Seventh Star »). Et donc sur cet album-concept où sa prestation est tout simplement remarquable. Au point où - parfois à lui seul, ou presque -, il extirpe quelques chansons d'un relatif académisme.
D'ailleurs, c'est un peu amusant ces histoires d'entités démoniaques, d'apocalypse infernale, d'envoûtement diabolique, mariées à une musique habituellement plutôt porteuse de banalités sentimentales. De sombres sujets sur une musique relativement légère et policée, radio friendly. Une musique qui serait une rencontre entre Asia (2) avec le Aldo Nova de "Subject" et Zebra (alors à son sommet). Une forme de rock-progressif FM, sublimé par la voix intense de Hughes. Cependant, bien que de prime abord la musique emprunte souvent des cadences guillerettes, chères au Rock FM, il y a quelque chose de sombre, de moite et de funeste qui perle au détour d'un break ou d'un refrain. L'atmosphère générale est d'ailleurs bien éloignée d'un soleil californien, se déployant dans un crépuscule halitueux, pré-orageux, chargé de nuages de couleur anthracite et pourpre. Sur "Dance With the Devil", c'est le violon de Ric Sanders - futur membre de Fairport Convention - qui mène la danse, entraînant la troupe dans unecèilidh ensorcelante, où farfadets, lutins espiègles et trolls se mêlent à la troupe. "Formez un cercle, rejoignez la ligne. Les esprits de la nuit battent le rythme. Le violon de Satan frappe l'archet. Commence la danse. Face à face avec le destin, ils laissent libre cours à leurs rêves les plus fous. L'extase remplit leur esprit. Ils sont damnés jusqu'à la fin des temps... Ils ont vendu leur âme, esclaves de Stan. Maintenant le diable doit être payé. La musique les tient sous son charme, ils danseront bientôt en enfer"
"Hell on Wings" galope comme une pièce enlevé de Honeymoon Suite ou de Loverboy, avec en sus des duos de guitares à la Wishbone Ash, mais les paroles semblent avoir été subtilisées à Black Sabbath ou à Venom "Voici maintenant le Roi des Ténèbres, le gardien de la flamme éternelle. Le faucheur est de sortie, collectant les âmes. À jamais, les damnés pleurent en vain". Tandis que "Kiss of Fire" a bien des allures du "Gambler" du Serpent Blanc, co-composé par Mel Galley. Toutefois, généralement, Bailey s'active pour créer une ambiance onirique où se fondent tous les possibles. Forçant les guitares à agir de concert, à faire corps pour ne pas briser une atmosphère fantasmagorique.
Le disque a suffisamment de succès pour que la maison de disques insiste pour une suite. Ce sera fait deux années plus tard avec "Phenomena II : Dream Runner". Malheureusement, Hughes n'a plus la forme et John Wetton le remplace sur plus de la moitié de l'album. La qualité s'en ressent, Wetton ne parvenant pas à égaler la sensibilité à fleur de peau de Hughes.
À
la même époque, les salles obscures projettent le nouveau film du
frappa-dingue Italien au regard de maboul, Dario Argento. Par un pur
hasard, il porte le même nom que le projet de Galley, « Phenomena ».
Coïncidence supplémentaire, le film narre aussi une histoire où
une jeune fille – interprétée par Jennifer Connely, dont c'est
la seconde apparition à l'écran - se découvre des pouvoirs,
qu'elle peine à identifier, à comprendre et à utiliser à bon
escient. La confusion entre ce film et le disque qu'on prend
rapidement pour sa bande originale est vite faite. D'autant plus
qu'au milieu de morceaux de Goblin, - le groupe italien de rock
progressif protégé d'Argento, apportant alors leur contribution à la
plupart de ses films, souvent pour le thème principal -, on retrouve
deux pièces de heavy-metal pur et dur. Une d'Iron Maiden et une de Motörhead.
Pourtant, sur l'album, la jeune fille est peu évoquée. Dans le coma, elle développe un lien télépathique avec son paternel qui partage, alors des expériences surnaturelles liées à un proche avènement d'un ou plusieurs
seigneurs des Enfers. L'histoire éternelle traitée à toutes les sauces du perpétuel combat des forces de la Lumière contre celles de l'obscurité.
(1)
Des claviers additionnels, assurés notamment par Don Airey et David
Rosenthal, sont tolérés sur « Slip of the Tongue »,
puis reviennent temporairement en 2008 pour « Good to be Bad ».
(2) D'ailleurs John Wetton sera convié pour la deuxième fournée, remplaçant, en partie Glenn Hughes. Sans l'égaler.
Ses quatre premiers albums seront la genèse qui fera de lui un grand
de la chanson française à texte.
Toujours à l'air libre.
Vous allez me demander, pourquoi deux pochettes ? La première
est l’original de 1981 tandis que la seconde est la réédition
de 1983 et elle plus difficile à trouver. Ceci dit, il reste
dans ses meilleurs albums. Avant de devenir un C……D, il était la
coqueluche des adolescentes qui recherchaient un chanteur qui
exprimait ce qu’elles ressentaient, soit de la poésie et des musiques
pas trop agressive. Avant que tout ne parte en cacahuète, il fera
quatre premiers très bons albums. Jusqu’en 1986 après ”Mai 86“ (j’étais au Palais des Sport de Paris quand il a sorti l’album) date où il partira dans des délires mégalomaniaques. Même si
certains de ses morceaux restent dans la veine de ce qu’il écrivait
avant, certains morceaux sont très limites comme ”Va T'Faire Avorter Ma Mignonne“ en 1990. J’avais déjà chroniqué ses deux premiers albums et
ses deux premiers live, je continue avec le troisième qui serait,
auprès des fans, considéré comme une compilation de ses titres les
plus connus. Il ne faut pas croire qu’il n’a chanté que ”On se retrouvera“ et qui de loin n’est pas son meilleur morceau, il faut ouvrir un
peut ses cages à miel.
”Toi Mon Vieux Copain“Une musique d’orgue de barbarie qui raconte cette histoire de
souvenirs nostalgiques de deux copains que la vie a séparés. Nous
sommes beaucoup à nous reconnaitre dans cette chanson, moi le premier,
mon meilleur ami (55 ans d’amitié est en province et je suis à Paris et nous nous
sommes perdus de vue depuis quelques années). ”Des Mains De Chômeur“ un peu plus de rythme, un peu plus de rock avec un thème qui à
notre époque est toujours d’actualité. ”Si Tu Te Moques D'un Mec Qui Pleure“ : Une superbe chanson dans un style réaliste avec un duo voix -
accordéon. L’histoire d’une fille qui fait souffrir les gars. ”Mélissandre“ : une jolie ballade sur une histoire d’amour. ”Le Champignon Nucléaire“ le même rythme d’un bout à l’autre de la chanson, pour en savoir
le contenu, il suffit de lire le titre.
”Berceuse Pour Un Enfant De Banlieue“ : Très beau titre, une jolie ballade avec guitare et orchestre à
cordes qui sonne comme du
Maxime le Forestier à l’époque de
l'album ”Saltimbanque“ en 1975. ”Pleure Un Bon Coup Ma P'tite Véro“ : La chanson en live est un grand moment (à écouter sur le live à Pantin). ”Que La Vie Est Triste (A Caki Morin)
“ J’ai cherché qui était
Caki Morin mais je n’ai rien
trouvé. Encore un grand titre,
Francis Lalanne était un grand
parolier il savait raconter le quotidien avec des mots ou son public
pouvaient se reconnaitre.
Il est dommage que ses quatre premiers albums n’aient pas eu le
succès escompté à leur sortie, le second album proposait des
chef-d’œuvre comme ”La plus belle fois qu’on m’a dit je t’aime“ ou ”J’ai pas trouvé la fille qui me fermera les yeux“ avec sa superbe orchestration. Si les maisons d’édition étaient
intelligentes elles devraient faire un coffret des rééditions des
quatre premiers albums, le coffret de la genèse en quelque sorte (Il existe en CD mais pas en vinyle). Le chanteur babacool au cuissarde qui plaisait aux ados prépubères
est malheureusement devenue un vieil aigri conspirationniste.