- J'espère que pour M'sieur Pat, il n'y a pas de gros soucis pour devoir te passer la plume ce mardi, Claude ?
- Je crois que notre ami est submergé par les tracas administratifs et
familiaux… Souhaitons-lui bon courage Sonia… Et bon retour…
- Il y a une chronique classique prévue jeudi, Pelléas et Mélisande de Schoenberg, donc ce mardi, musique de film avec là-aussi comme thématique une épopée moyenâgeuse à rallonge et une musique tout aussi épique…, une série à succès je crois…
- Mouais, Pelléas n'a rien d'un récit d'Heroic fantasy Sonia, c'est un drame sur fond moyenâgeux, exact, sans plus. Game of Thrones est une série pour petit écran en huit saisons qui joue la carte du fantastique, de la violence, du sexe, du pouvoir… quelques amourettes romanesques néanmoins …
- La musique me rappelle par moment celle de Gladiator… Est-ce le même compositeur qui officie ?
- Tu parles chic Sonia, hihi. Ramin Djawadipar a en effet débuté sa carrière sous la houlette de Hans Zimmer, le compositeur de la B.O. de Gladiator. Bonne remarque car Les influences réciproques entre les deux compositeurs allemands (Iranien-allemand pour Djawadipar) sont évidentes…
Ramin Djawadi |
J'avais déjà épilogué à propos des musiques de film qui peuvent s'écouter avec plaisir, indépendamment du visionnage du film. Cela impose un style et une cohérence dans la composition. Dans les blockbusters, on notera une approche orchestrale généreuse dans la lignée des poèmes symphoniques postromantiques (fin XIXème siècle). Citons Richard Strauss et ses Don Quichotte et Une vie de héros ; mais aussi Jean Sibelius : Kullervo, Lemminkäinen, etc. L'univers symphonique classique n'est pas le seul exemple, le jazz aussi a offert des perles, écoutez l'élégiaque B.O. de Miles Davis et son quintette pour le mythique polar Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle.
Doit-on en déduire qu'un unique compositeur ou instrumentiste talentueux aux commandes s'impose ? Pas forcément. Les B.O. de 2001 Odyssée de l'espace et de nombreux films de Kubrick ont gagné leur notoriété par leur originalité en accord avec le génie de la mise en scène desdits films et la fascination qu'exerce la photographie du maître. Pourtant, pour la plupart de ces chefs-d'œuvre, il s'agit de pots-pourris de morceaux d'œuvres classiques parfois traités électroniquement. Certes le choix de la valse des astronefs pendant la longuette dizaine de minutes du Beau Danube bleu de J. Strauss m'a toujours déconcerté par son incongruité (je pense aux "interludes" TV des années 50, Luc va hurler 😊)…
Bref, Kubrick n'est pas le sujet, revenons à Game of Thrones ! parachever une unité musicale stylistique moderne pour une production de 73 épisodes d'une durée de 50 à 80 minutes (pour la dernière saison) nécessite le recours à une composition à la mode wagnérienne, à savoir assembler maints leitmotivs intégrés dans divers motifs mélodiques destinées à illustrer la fonction narrative de chaque épisode et à caractériser les personnages…. Les répétitions thématiques se révèlent par définition peu ennuyeuses dans une série TV à l'opposé de l'abus des reprises prolongeant inutilement certaines symphonies. D'où la bienvenue de ce CD de compilation, là ou un coffret de 8 CD n'aurait guère d'intérêt, risquant même de susciter la lassitude.
La belle Daenerys Targaryen et baby Drogon |
J'ignore si tous mes lecteurs ont vu
Game of Thrones, cette série monumentale produite entre les années 2011 et 2019 (8
saisons), une saga quasiment impossible à résumer. Pourtant, jeudi, pour le
poème symphonique grandiose de
Schoenberg, vous pourrez bénéficier d'un condensé du synopsis, mais pour un poème
symphonique d'une heure adapté d'une pièce de théâtre de 2H30 avec à peine
six personnages principaux, l'exercice est plutôt facile.
Pour présenter
Parsifal de
Wagner
il y a quelques mois, 3 actes et 4 heures, un drame inspiré là-encore des
légendes arthurienne, le Graal, waouh quelle galère rédactionnelle 😟
! (Clic). Alors là, les amis, pour le jeu de la chaise musicale autour du
trône de fer je préfère proposer une vidéo qui, en une douzaine de
minutes, avec schémas généalogiques à l'appui, explique parfaitement les
interactions conflictuelles (euphémisme) entre les familles nobles. Une
présentation qui permet d'aborder plus facilement dans le récit musical.
Cette musique fleuve restera sans doute l'une des plus imposantes et
envoûtantes B.O. de l'histoire du cinéma en salle ou pour la TV. Evoquons
quelques titres que j'écoute fréquemment. Commençons par la partition
de Ben-Hur de
Miklós Rózsa spécialiste en péplums. Howard Shore, le complice de David Cronenberg, composera 6 B.O. pour une autre
célèbre double saga d'Heroic fantasy réalisée par Peter Jackson,
Le seigneur des anneaux suivi de
Le Hobbit (6 films de 3
heures chacun environ). Je n'oublierai surtout pas
John Williams
et ses 9 B.O. réparties sur une quarantaine d'années pour le cycle de
la Guerre des étoiles et pour
les 5 épisodes des aventures d'Indiana Jones entre 1981 et
2023, ! Tout le monde fredonne le thème gaillard d'Indiana Jones. Quand je
parlais de l'avantage de confier autant que possible à un même musicien ce
travail de titan pour des raisons évidentes de continuité d'esthétique
musicale…
- Claude, sans tout raconter, Peux-tu donner une idée générale des
aventures dans Game of Thrones…
- Bigre, un sacré défi Sonia… Voyons…
L'héritier Geoffroy Baratheon Joli minois, mais... incestueux cruel, dément, démoniaque |
Dans une lointaine galaxie… Heu désolé, ça c'est la Guerre des étoiless… Plongeons dans Westeros, un monde imaginaire et féérique et violent inspiré des règles de vie et des légendes moyenâgeuses. Le roi Robert Baratheon gouverne depuis deux décennies un ensemble de royaumes nommé des sept Couronnes, assurant malgré son attrait pour la débauche et l'ivrognerie une paix relative depuis une lointaine période guerrière ou le roi fou de la famille Targaryen a été défait. Comme pour la mafia, se chicanent maintes familles nobles : Arryn, Baratheon, Bolton, Frey, Greyjoy, Lannister, Martell, Stark, Targaryen, Tully et les Tyrell… En gras, les plus influents. Toutes réunissent leur lot de personnages plutôt sympathiques et droits mais surtout une floppée d'intrigants et de spadassins sanguinaires. Mention bons élèves pour les Stark.
Cersei et Jaime les diaboliques |
Pour affiner ma vision de l'ambiance vipérine dominante, sachez que Robert Baratheon, adipeux, luxurieux, poivrot et vulgaire, est l'époux de Cersei Lannister, belle femme hautaine et perverse, qui lui a donné des "pseudo-héritiers" (oui "pseudo" car le père n'est autre que son propre son frère Jaime - bonjour l'inceste 😫 et pas étonnant que le jeune héritier Geoffroy soit taré au delà de l'impensable - chapeau au jeune acteur). Lors d'une partie de chasse, Robert Baratheon est tué ! Les intrigues se multiplieront pour prendre possession du trône de fer par tous les moyens possibles, de préférence les pires : magie noire, trahisons, alliances et mésalliances, assassinats, batailles rangées sur terre, sur mer et même dans les airs. Eh oui, même dans les airs, car la craquante blondinette Daenerys Targaryen, descendante officielle de l'ancien roi déchu vingt ans plus tôt, est la "maman" de trois dragons de combat qui sont mis au monde lors d'un remake de "Jeanne d'Arc au bûcher, la belle prétendante emportant trois œufs de dragon lors d'une immolation" 😡, supplice dont elle survit juste un peu roussie, d'où son surnom de "la non brulée".
Plutôt vertueuse au début, Daenerys deviendra elle aussi une guerrière sociopathe au fil des aventures et de sa
conquête du trône (somptueuse Emilia Clarke)… Un personnage féminin
essentiel flanqué de son fidèle
Drogon et de ses deux frangins reptiliens qui atteindront la taille d'un
dinosaure volant conçu par Airbus.
Le Roi de la nuit est ses marcheurs |
Autre problème glaçant. Pendant que tous ces braves gens de haute lignée mais de petite vertu s'étripent, l'hiver approche. Dans ce monde, il peut durer des années. Cela inquiète les populations craignant une invasion de créatures monstrueuses. Explication : au nord, isolée par un mur de glace gigantesque, vieux de 8000 ans dit-on, existe une région polaire où vivent dans le froid et la neige les marcheurs blancs, en un mot des zombies, tous placés sous la gouverne de nécromanciens dont un manager, Le roi de la nuit. Ce peuple aux origines énigmatiques attend l'heure de franchir le rempart gelé pour envahir des terres au climat plus clément en hiver.
Près du mur, isolés par la force du royaume, survivent les
sauvageons, des parias de diverses ethnies menacés sans cesse par les marcheurs blancs… Ils tentent à grand risque d'escalader le mur de glace avec plus ou moins
de succès. À noter que le mur est surveillé par une forme d'ordre monastique
de gardiens armés, la
Garde de nuit, plus des soudards ou des pénitents que des soldats performants… Ils
pourchassent les
Pas simple c't'affaire ! Un scénario d'une densité inouïe et des centaines
d'acteurs majoritairement irlandais ou anglais plus un géant islandais…
- Ça va Sonia, on comprend l'idée générale ?
- Oui en gros : des rivalités, du fantastique, des familles qui se
déchirent pour le pouvoir, du sexe (beaucoup d'après certains critiques)
… Tout cela pour poser ses fesses sur un trône en fer ; le fer c'est
froid… Des morts vivants… Des dragons. Tu établiras des liens entre ses
éléments et les extraits musicaux ?
- J'essayerai, mais les sous-titres des morceaux sont assez explicites… Ce n'est pas une musique descriptive au sens habituel.
Y'en a marre de votre trône de m**e ! Que des problèmes 😣 (Waouh Drogon et son souffle à 1482°C) Fondu le trône !!! |
D'origine iranienne par sa famille,
Ramin Djawadi
est né en 1974 en Allemagne. Il est devenu l'assistant de
Hans Zimmer
connu pour ces grandes fresques destinées à illustrer musicalement des
blockbusters à succès comme
Gladiator
de Ridley Scott ou
Interstellar
de Christopher Nolan (Clic).
Djawadi
a signé en indépendant des B.O. pour
Iron Man
de Jon Favreau et
Pacific Rim
de Guillermo del Toro. On peut consulter son impressionnante
production sur le web… Et pour reprendre l'idée de Sonia, le style
symphonique retravaillé électroniquement présente de nombreuses similitudes
avec son mentor
Hans Zimmer.
Game of Thrones n'étant pas une
bluette mais une saga fantastique voire barbaresque, la signature de
l'Heroic fantasy, le générique énonce d'emblée la thématique adaptée : une
marche guerrière porte le thème principal très volontaire, un leitmotiv qui
parcourra la partition. Martelée aux percussions, la mélodie évolue vers le
registre des cordes via quelques variations qui s'élancent crescendo. Un
violoncelle solo apporte son ton de gravité au propos. Des notes de harpe
celtique concluent l'intro.
Dès le second extrait, nous plongeons dans une musique plus contemporaine
dans son orchestration. Un dialogue de percussions métalliques et dissonant
évoque le mystère, la diablerie, l'angoisse. Un brutal intermède préfigure
les combats à venir. On songera à des musiques atonales de notre temps,
celles d'un
Penderecki
ou d'un
Stockhausen. Franchement, on flippe ! Le 3ème extrait dépeint à merveille
un monde moyen-âgeux, ses grands espaces, mais aussi la tendresse filiale
encore possible entre des héros vêtus de côte de mailles. La famille
Stark : le père au caractère
bien trempé, deux fillettes, l'une garçon manqué, l'autre rêvant à une vie
de princesse de conte de fée (elle va être servie 😊), un fils trop curieux,
une épouse modèle et un fils adoptif,
Jon, le héros étalon des récits médiévaux. La composition de ce passage de 3
minutes est aussi complexe qu'enfiévrée.
L'orchestration est fort riche et fait appel à nombre d'instruments que je
qualifierais de Gaélique, harpe celte en tête, mandoline, instruments à
vents orientaux. Un bruitage simule le hurlement de loup, l'animal fétiche
dans la série.
Allez, assez bavarder, bonne écoute…
1.
Générique
2.
Au nord du mur
3.
Au revoir mon frère
4.
La route royale
5.
L'arrivée du roi
6.
L'amour dans les yeux
7.
Un corbeau de King's Landing
8.
Le mur
9.
Choses que je fais par amour
10.
Une couronne en or |
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Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |
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