Bon... période d'Halloween, article d'Halloween oblige. Peu ou prou. Cette fois-ci, point d'Alice Cooper, d'Iron Maiden ou de Black Sabbath, puisque ces trois là ont déjà pas mal investi ces colonnes. Mais un projet un peu particulier qui, à l'origine, devait associer un projet cinématographique à une œuvre musicale. Un concept-album. Rien à voir avec une quelconque comédie musicale, mais un long métrage fantastique, tournant autour d'une jeune fille découvrant et développant un incroyable pouvoir. Si le film n'aboutit pas, le disque lui, est abouti. Et bien qu'évoluant dans une tonalité plutôt prisée par les groupes de Hard-FM, et sorti lors d'une période plutôt encline au heavy-metal, où les Saxon, Iron Maiden, Scorpions, Judas Priest, régnaient en maîtres sur l'Europe, et au-delà, ce « Phenomena » fut généralement bien accueilli par la presse et le public.
L'instigateur de ce projet se nomme Tom Galley, et n'est autre que le frère de l'architecte du phénoménal – mais injustement occulté et oublié – Trapeze. Soit Mel Galley, qui a alors abandonné son groupe exsangue, pour rejoindre les rangs plus solides et rémunérateurs de Whitesnake. Pas vraiment un coup d' essai pour Tom, puisque, depuis des années déjà, il aide activement son frérot pour composer. Précisément depuis l'album « Medusa » de 1970, un classique, jusqu'à l'album éponyme de 1975.
Pour concrétiser ce projet, Tom reçoit l'aide de Wilfried F. Rimensberger, rédacteur au sein du magazine allemand MusikSzene, passionné de Heavy-rock et consorts, qui a co-fondé depuis peu la revue Metal Hammer (plus de trois ans avant la première parution anglaise, mais devancé par les Français d'Enfer Magazine et, bien sûr et surtout, par Kerrang! qui est né en 1981).
Évidemment, Mel est sollicité pour parfaire les morceaux, mais c'est Richard Bailey qui a le plus contribué à mettre en valeur la vision de Tom Galley. Bien que particulièrement actif de la fin des années 70 aux années 80, Richard Bailey (aucun rapport avec le Bailey's) n'évoque plus rien aujourd'hui, sinon pour les fans de Magnum, puisqu'il fut le claviériste et flûtiste des deux premiers opus du groupe et de leur premier et excellent live, « Marauder ». On le retrouve ensuite avec Bernie Marsden pour les éphémères S.O.S. et Alaska, et en tournée avec Whitesnake (au moment où Jon Lord lâche Coverdale pour une résurrection du Mark II), et aussi auparavant, pour les deux dernières années d'existence de Trapeze. Il sera le dernier claviériste de Whitesnake, avant que Coverdale ne recentre son groupe essentiellement sur les guitares (1).
Forcément, la forte participation de Bailey impose à cet album une omnipotence de claviers. Principalement du synthé... ce qui le classe dans une certaine modernité, et une sophistication certaine, bien plus en phase avec l'AOR développée alors aux USA (notamment avec Journey, Balance, Aldo Nova, Kansas) qu'avec le plus timide des groupes de la NWOBHM. Étonnamment, cela n'entrava pas trop le succès d'un album difficile à situer. À l'opposé de la tendance générale de l'époque en matière de heavy-rock européen.
Il est probable que la liste dorée des musiciens conviés ait éveillé la curiosité, et l'intérêt, du chaland, puisqu'on y retrouve, outre donc Mel Galley et Richard Bailey, Ted McKenna, ex-Sensational Alex Harvey Band et Rory Gallagher et actuel batteur de MSG, le guitariste de Budgie, John Thomas, le bassiste blond à bouclettes Neil Murray, fidèle de Gary Moore et de Whitesnake, Don Airey (Colloseum II, Cozy Powell, Strife, Gary Moore, Rainbow, Michael Schenker Group), et le cogneur Cozy Powell. Que du beau monde. Mais c'est probablement la présence du bassiste-chanteur Glenn Hughes qui doit générer l’irrépressible envie de prêter une esgourde curieuse à cet album. D'autant que depuis quelques semaines, « Still the Night » s'installe confortablement sur les ondes européennes, et même outre Atlantique. Une chanson signée "Glenn-Hughes et Pat Thrall", à l'origine une version plus brute destinée au second essai jamais arrivé à terme de Hughes & Thrall.
À cause de ses addictions, l'handicapant durant toute cette décennie, la carrière de Hughes est des plus chaotiques. Au point où il commençait à se faire suffisamment rare pour qu'on doute qu'il puisse un jour remonter la pente. Pourtant, durant ces temps difficiles, à chaque fois qu'il s'est impliqué dans un nouveau projet, il s'est montré impérial. Que ce soit avec Hughes & Thrall, avec Gary Moore (sur « Run for Cover » où il joue de la basse sur cinq morceaux et chante sur quatre), avec Black Sabbath de Tony Iommi (sur « Seventh Star »). Et donc sur cet album-concept où sa prestation est tout simplement remarquable. Au point où - parfois à lui seul, ou presque -, il extirpe quelques chansons d'un relatif académisme.
D'ailleurs, c'est un peu amusant ces histoires d'entités démoniaques, d'apocalypse infernale, d'envoûtement diabolique, mariées à une musique habituellement plutôt porteuse de banalités sentimentales. De sombres sujets sur une musique relativement légère et policée, radio friendly. Une musique qui serait une rencontre entre Asia (2) avec le Aldo Nova de "Subject" et Zebra (alors à son sommet). Une forme de rock-progressif FM, sublimé par la voix intense de Hughes. Cependant, bien que de prime abord la musique emprunte souvent des cadences guillerettes, chères au Rock FM, il y a quelque chose de sombre, de moite et de funeste qui perle au détour d'un break ou d'un refrain. L'atmosphère générale est d'ailleurs bien éloignée d'un soleil californien, se déployant dans un crépuscule halitueux, pré-orageux, chargé de nuages de couleur anthracite et pourpre. Sur "Dance With the Devil", c'est le violon de Ric Sanders - futur membre de Fairport Convention - qui mène la danse, entraînant la troupe dans une cèilidh ensorcelante, où farfadets, lutins espiègles et trolls se mêlent à la troupe. "Formez un cercle, rejoignez la ligne. Les esprits de la nuit battent le rythme. Le violon de Satan frappe l'archet. Commence la danse. Face à face avec le destin, ils laissent libre cours à leurs rêves les plus fous. L'extase remplit leur esprit. Ils sont damnés jusqu'à la fin des temps... Ils ont vendu leur âme, esclaves de Stan. Maintenant le diable doit être payé. La musique les tient sous son charme, ils danseront bientôt en enfer"
"Hell on Wings" galope comme une pièce enlevé de Honeymoon Suite ou de Loverboy, avec en sus des duos de guitares à la Wishbone Ash, mais les paroles semblent avoir été subtilisées à Black Sabbath ou à Venom "Voici maintenant le Roi des Ténèbres, le gardien de la flamme éternelle. Le faucheur est de sortie, collectant les âmes. À jamais, les damnés pleurent en vain". Tandis que "Kiss of Fire" a bien des allures du "Gambler" du Serpent Blanc, co-composé par Mel Galley. Toutefois, généralement, Bailey s'active pour créer une ambiance onirique où se fondent tous les possibles. Forçant les guitares à agir de concert, à faire corps pour ne pas briser une atmosphère fantasmagorique.
Le disque a suffisamment de succès pour que la maison de disques insiste pour une suite. Ce sera fait deux années plus tard avec "Phenomena II : Dream Runner". Malheureusement, Hughes n'a plus la forme et John Wetton le remplace sur plus de la moitié de l'album. La qualité s'en ressent, Wetton ne parvenant pas à égaler la sensibilité à fleur de peau de Hughes.
À la même époque, les salles obscures projettent le nouveau film du frappa-dingue Italien au regard de maboul, Dario Argento. Par un pur hasard, il porte le même nom que le projet de Galley, « Phenomena ». Coïncidence supplémentaire, le film narre aussi une histoire où une jeune fille – interprétée par Jennifer Connely, dont c'est la seconde apparition à l'écran - se découvre des pouvoirs, qu'elle peine à identifier, à comprendre et à utiliser à bon escient. La confusion entre ce film et le disque qu'on prend rapidement pour sa bande originale est vite faite. D'autant plus qu'au milieu de morceaux de Goblin, - le groupe italien de rock progressif protégé d'Argento, apportant alors leur contribution à la plupart de ses films, souvent pour le thème principal -, on retrouve deux pièces de heavy-metal pur et dur. Une d'Iron Maiden et une de Motörhead. Pourtant, sur l'album, la jeune fille est peu évoquée. Dans le coma, elle développe un lien télépathique avec son paternel qui partage, alors des expériences surnaturelles liées à un proche avènement d'un ou plusieurs seigneurs des Enfers. L'histoire éternelle traitée à toutes les sauces du perpétuel combat des forces de la Lumière contre celles de l'obscurité.
(1) Des claviers additionnels, assurés notamment par Don Airey et David Rosenthal, sont tolérés sur « Slip of the Tongue », puis reviennent temporairement en 2008 pour « Good to be Bad ».
(2) D'ailleurs John Wetton sera convié pour la deuxième fournée, remplaçant, en partie Glenn Hughes. Sans l'égaler.
🎶♩



C'est de plus en plus pointu, ces articles. Ça mériterait une chaire à l'EHESS. Pas trop mon mug de bourbon, Phenomena. Jennyfer Connely dans Hot Spot, Rhââ lovely...Même sur un scrambler Honda, on la regarderait avant la moto, c'est dire.
RépondreSupprimerça c'est gentil, ça.
SupprimerPerso, pour Jennifer, j'aurais plutôt choisi un film plus récent. Je la trouve bien plus charmante passé les trente ans et des poussières. Et là, même au volant d'une Shelby, ou mieux avec une Explorer 58 en main, on la regarderait avant la gratte, c'est dire.
Par contre, pour "Hot Spot" - que j'avais initialement vu à cause de la B.O. (avec John Lee Hooker et Taj Mahal 😊) -, voilà bien un film chargé d'incohérences !! Enfin, comment un gars peut craqué pour la jeune Gloria quand il a un ticket "d'or-multi-passe" avec Dolly (alias Virginia Madsen).
C'est n'importe quoi !
Elle est très bien dans "Requiem", enfin, surtout au début, avec une scène très hot et très glauque (filmée dans la pénombre). Elle est charmante, oui, très belle, oui, mais surtout troublante.
RépondreSupprimerJe ne connais pas ce "Requiem" là. J'ai visionné bande annonce et extraits... ça paraît particulièrement glauque et dérangeant.
SupprimerExtrêmement glauque et dérangeant, oui, mais un très bon film, on n'en ressort pas indemne.
Supprimer