L’HOMME LÉOPARD de Jacques Tourneur (1943) par Luc B.
On a déjà évoqué ici le
réalisateur Jacques Tourneur, à travers ses Films Noirs ou
d’épouvante. L’HOMME LÉOPARD se situe dans la deuxième
catégorie, le dernier film de la trilogie
produite par Val Lewton. Petit rappel des faits, les deux hommes ont
mis au point une recette simple, efficace, des films courts, pas
chers, angoissants, exotiques. Le premier était LA FÉLINE (1942),
qui avait généré un bénéfice de presque dix fois son budget, le
champ’ avait coulé à la RKO dont les comptes étaient dans le
rouge.
Comme on ne change pas une équipe qui gagne, les deux compères
sortent coup sur coup VAUDOU et L’HOMME LÉOPARD (1943) utilisant
les mêmes recettes. Sauf que des trois, ce LEOPARD MAN est le plus faible, le talent de Tourneur n’y éclate
qu’avec parcimonie, la faute à un scénario un peu neuneu et
prévisible.
L’action se passe au Nouveau Mexique. Jacques Tourneur
aimait ces histoires qui confrontaient deux cultures, aimait plonger
ses héroïnes dans un contexte étranger, la meilleure démonstration
étant l’infirmière de VAUDOU confrontée aux rites haïtiens.
Bon, sauf qu’ici, de Los Angeles au Mexique, il n’y a qu’un
pas.
Kiki
Walker, une danseuse, accepte l’idée un peu stupide de son
impresario Jerry Manning de faire son numéro avec un léopard, qu’il
a loué pour 10 dollars à un cirque ambulant. C’est un fiasco. Le
fauve apeuré par le public et l’horrible son des castagnettes se
fait la malle. Dans les jours qui suivent, plusieurs jeunes femmes
sont retrouvées mortes, déchiquetées par les griffes d’un
félin…
Le son des castagnettes, et ce dès le générique, va
rythmer le film, amenant cet élément exotique et finalement
angoissant : première bonne idée. Comme lorsque Jerry Manning
provoque les cris hystériques de Kiki et de son habilleuse, en
arrivant dans sa loge avec la panthère en laisse. Un plan qui
renvoie bien sûr à LA FÉLINE, qui le parodie presque puisque
l’effet recherché ici est le comique et non l’horreur.
Les
premières tensions arrivent avec la rivalité entre Kiki et Clo-Clo,
une danseuse mexicaine (la joueuse de castagnettes). Superbe scène
lorsqu’elle est alpaguée en rentrant chez elle par une tireuse de
cartes, dont on ne voit que les mains sortir du noir, brandir un as
de pique. Tourneur introduit des éléments de superstition. Il y a
aussi ce gamin qui pour effrayer sa grande sœur Teresa, reproduit au
mur, en ombre chinoise, le profil d’un léopard. Ce qui nous amène
à la première mort violente du film, Teresa, partie chercher de la
farine (en pleine nuit naturellement).
Et qui a évidement peur du noir. Sur le chemin du retour, elle doit
passer sous un pont de chemin de fer, plongé dans l’obscurité.
L’art de Tourneur est dans toute cette scène où le danger n’est
que suggéré : l’obscurité, Teresa semble aspirée par la
nuit, le silence juste ponctué par le son des gouttes d’eau qui
tombent dans un égout, les reflets fantomatiques de l’eau projetés
dans le tunnel, le bruit assourdissant d’un train qui
passe au dessus, puis les deux yeux du léopard qui brillent dans le
noir. Superbe !
La mort de la fillette restera hors champ, juste des cris, des coups tambourinés à la porte, celle de la maison de
Teresa, dont sa mère n'arrive pas débloquer le loquet, et un filet de sang... Tourneur
joue beaucoup avec les ombres, les
éléments baroques, les décors surchargés, les
plantes luxuriantes en amorce.
La suite de l’intrigue tient du polar. D’autres jeunes
femmes trouveront la mort dans des circonstances analogues, et Jerry
Manning commence à croire que l’agresseur n’est peut être pas
le fauve du cirque…
C’est là où ça coince. L’enquête du
shérif est ni faite ni à faire. C’est l’impresario Manning et
la danseuse Kiki qui s’y collent (à cause des remords ?), avec
l’aide d’un spécialiste des fauves, le directeur du musée
local. Il y a trois malheureux suspects dans l’histoire,
l’une sera tuée, l’autre a une bonne tête d’innocent, donc
bonne pioche pour le troisième ! Le dénouement est assez
prévisible, et la justification de l’affaire est franchement capillotractée (tirée
par les cheveux). Résumée ainsi par Manning en regardant une
fontaine dont le jet d’eau fait rebondir une balle : « Les
gens sont bousculés par des choses qui les dépassent »
(faisant donc référence à la baballe ballottée, c'est un peu court, jeune homme, on pouvait dire bien des choses...).
On retiendra une
belle scène dans un cimetière (non mais franchement les filles,
donner rendez-vous à son flirt dans un cimetière, à la tombée de
la nuit ?!) où Tourneur joue sur le bruissement des arbres, le
craquement d’une branche, l’écho d’une voix, un labyrinthe de
buissons. Plus tard, le son qui monte crescendo des castagnettes lors
du troisième meurtre, et bien sûr la scène finale avec la procession
de pénitents en habits noirs et chapeaux à pointe.
Jacques Tourneur lui même était
conscient du manque de profondeur de son scénario, « une série
de vignettes qui ne tenaient pas ensemble ». On retiendra de
Tourneur l’art de la suggestion, de savoir appliquer l’adage less
is more (vu l’étroitesse des budgets il n’avait pas trop le
choix), le travail sur le son, le fait qu’encore une fois ce
sont les femmes qui tiennent l’affiche. Par contre, les personnages
ne valent pas un clou, et l’interprétation ne brille pas
spécialement.
Du triptyque fantastique, L’HOMME LÉOPARD est le
plus faible, avec quelques bons moments tout de même,
malheureusement situés dans le premier tiers du film.
Vu il y a des lustres. Pas folichon, en effet (j'crois me souvenir avoir fini par regarder d'un œil 😁), toutefois, ces effets d'ombres et de lumières sont toujours autant séduisants
Je l'ai celui-là dans une sorte de pack Tourneur 3 films sur 2 dvds acheté d'occase pour trois fois rien il y a longtemps. Pack acheté parce qu'il y a aussi (et surtout) La Féline et Vaudou. L'homme léopard, je suis confus de reconnaître que je l'ai pas visionné, il a une bonne réputation de super nanar, contrairement aux deux autres ...
Leopard Man, on hésite entre série B et série Z. S'il n'y avait pas Tourneur au générique... Il va falloir clore la trilogie en chroniquant La Féline, le plus célèbre.
Vu il y a des lustres. Pas folichon, en effet (j'crois me souvenir avoir fini par regarder d'un œil 😁), toutefois, ces effets d'ombres et de lumières sont toujours autant séduisants
RépondreSupprimerJe l'ai celui-là dans une sorte de pack Tourneur 3 films sur 2 dvds acheté d'occase pour trois fois rien il y a longtemps. Pack acheté parce qu'il y a aussi (et surtout) La Féline et Vaudou. L'homme léopard, je suis confus de reconnaître que je l'ai pas visionné, il a une bonne réputation de super nanar, contrairement aux deux autres ...
RépondreSupprimerLeopard Man, on hésite entre série B et série Z. S'il n'y avait pas Tourneur au générique... Il va falloir clore la trilogie en chroniquant La Féline, le plus célèbre.
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