vendredi 22 janvier 2016

ETIENNE DAHO "Les chansons de l'innocence retrouvée" (2013) par Luc B.

C’était la grande époque de ce qu’on appelait le renouveau du rock français (si tant est qu’il y avait eu quelque chose avant… oui, du Prog avec Ange ou Triangle, mais bon...) un courant qui tenait davantage de la New Wave anglaise, et qui faisait bouillonner la ville de Rennes. On y trouvait son inspiration davantage du côté du Velvet, des Stranglers, de la cold wave, que du côté de Chuck Berry ou Muddy Waters. Il y avait Marquis de Sade, Taxi Girl, Jacno, plus tard Les Valentins, Niagara et même Indochine. Et parmi eux, Etienne Daho, dont le premier disque MYTHOMANE sort en 1981.

Mais c’est le 45 tours « Le grand sommeil » qui va tout déclencher, avec son clip multi diffusé. Les grandes heures de Jean Baptiste Modino, abonné du Top 50... La décennie Daho est lancée (qu’il partage tout de même avec Bashung ou les Rita), chaque album se vendra plus que le précédent, les singles cartonnent, de « Week end à Rome », « Tombé pour la France », « Duel au soleil », « Epaule Tattoo »... S’il y avait quelques traces de guitares à ses débuts, elles ont vite disparu au profit des synthés, ce qui pour ma part est rédhibitoire. La qualité des chansons étaient noyées dans une production 80’s, froide et métallique, une batterie électronique sur-mixée, calibrée pour les dance-floor. 

Et pourtant quand on tend l’oreille, on entend des textes imagés, travaillés, référencés, une poésie bien à lui, qui joue habilement des sonorités et des rythmes. Paroles pas toujours très audibles, faute à une voix fluette et cotoneuse à force de se rapprocher du micro. Sur le mini album TOMBE POUR LA FRANCE on y trouve deux reprises, « Chez les yéyés » de Gainsbourg, et « Arnold Layne » de Pink Flyod, période Syd Barrett.  Ce qui résume bien la double influence qui frappe Daho, un pied en France, un pied en Angleterre.

Et c’est là-bas qu’il enregistre son quatrième album POUR NOS VIES MARTIENNES en 1988, dans une tonalité plus pop, aux arrangements plus raffinés, avec « Bleu comme toi » que j’aime beaucoup,  et l’atmosphérique « Des heures hindoues », gros succès encore. Etienne Daho est partout, il écrit, produit pour les autres (Françoise Hardy, Lio, Dany, Sylvie Vartan…), il s’exile à Londres où il ne dépareille pas, salué aussi par ses pairs londoniens. Comme le Thin White Duke (Bowie, donc), il va se payer son album soul et cuivré aux Etats Unis, PARIS AILLEURS (1991) avec notamment le très bon « Des attractions désastres », avec batterie bien funky, cocotes de guitares et chœurs gospels, ou le « Toi + moi » cuivré à souhait. C’est ce Daho que j’aime bien, plus que celui de EDEN en 1996, retour aux sons électros.

Daho tourne beaucoup, il aime la scène, il a une manière à lui de bouger, qui lui a valu le surnom de grande nouille. Et enregistre donc des albums live, ou les arrangements technos disparaissent, privilégiant des formations restreintes, classiques, de guitares et de claviers, avec des intonations soul ou funk très présentes. C’est l’esprit de son dernier album en date LES CHANSONS DE L’INNOCENCE RETROUVEE  (joli titre) en 2013, inspiré de l’univers du poète William Blake, avec une pochette censurée par un bandeau (oh mon dieu, des seins !!!) qu’on vous montre (nous) intégralement. Qui est cette fille ? On n’sait pas…

avec Debbie Harry
Y’a du Bowie dans le premier titre « Le baiser du destin » dans cette guitare saturée, derrière, mais une basse/batterie funky, et puis des clavecins sur le pont. Les arrangements sont raffinés, les harmonies riches, beaucoup de titres sont enveloppés de violons soyeux. On pense aux années Melody Nelson de Gainsbourg, avec les arrangements somptueux de Jean Claude Vannier, comme sur « Un nouveau Printemps », ou « Le malentendu » orné de cordes oppressantes.

Des textes inspirés mais parfois abscons, j’avoue ne pas toujours comprendre de quoi il retourne, d’autant que Daho fait moins dans la narration que dans l’introspection. « Les torrents défendus » accueille Nile Rodgers à la guitare, qu’on retrouve aussi sur « L’étrangère » chantée eu duo avec Debbie Harry (ex Blondie). On ressent encore ce petit souci de voix, plus grave avec l'âge et la clope, posée, mais frêle, et pas toujours très juste. Disons, sur le fil. D’autant que les compositions de Daho ce n’est pas trois accords basiques, c’est plus sophistiqués ! Pas simple ensuite d’y poser une voix. Souvent il n’atteint pas la note directement, essaie par la droite, la gauche, et finit par tomber dessus.

« Onze mille verges » est très réussie, change un peu, le tempo est plus lent, piano profond, et puis « Onze mille cierges, alcool et barbituriques / Je flotte dans les rues comme sous analgésique / Mon costume est souillé de larmes et de suie / De la rue des Saint Pères à Soho où tu me poursuis » c’est pas mal, non ? L’album se finit sur le titre éponyme, un riff tout bête mais génial à la guitare, les cocotes encore, arrangements pur disco pour se remuer le popotin.

Etienne Daho, bien qu’il ait sorti des singles à la pelle, est plutôt un homme d’albums, conçus et réfléchis avec cohérence. On sent le soin apporté aux compositions, à la production (une parenté avec Christophe, Alain Chamfort, Bashung). LES CHANSONS DE L’INNOCENCE RETROUVEE tranche nettement par rapport aux albums de variété lambda, exigeant, sophistiqué, même si on aurait aimé plus de diversité. C’est un très beau disque, qu’on apprécie ou pas le bonhomme. De tous les représentants de cette fameuse scène rennaise, il est le seul à poursuivre sa carrière avec autant de succès, et de réussite. Je ne vois toujours pas en quoi Etienne Daho représenterait une idée du « rock » français, mais il s’est affirmé avec les années comme une référence, artiste humble, discret, qui sait parfois rompre avec l'ordinaire, comme lorsqu'il reprend les poèmes de Jean Genet (LE CONDAMNE A MORT, 2010), en scène , avec Jeanne Moreau

     
On écoute "Le Malentendu" et ses violons majestueux...



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8 commentaires:

  1. Bon, je dis rien, je me réserve pour Bowie.

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  2. J'ai rien contre Daho, même si je l'écoute pas souvent...
    J'aime bien son côté dandy sympatoche, sa simplicité, c'est un type modeste, qui a toujours un discours de fan, qui ne se l'est jamais joué "star"...
    Pas la voix du siècle, assurément, mais il se sert intelligemment de ses carences, il a trouvé un style assez facilement reconnaissable, un peu comme Gainsbourg en son temps ...

    Si, si, y'avait des guitares sur "pop satori", ils sont trois sur les crédits du disque ... Pas vraiment des as du manche (Soligny ? William Orbit ???).

    Par contre, pas filer l'adresse et le numéro de portable de la fille sur la pochette, ça fait boulot bâclé, M'sieur B. Suis déçu, tu nous avais habitué à plus de rigueur journalistique ...



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    1. Filer le n° de téléphone de la fille en photo ??? Eh, tu lui veux quoi à ma femme, hein ? Si t'as un truc à lui dire, tu passes part moi...

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    2. c'était ta femme Luc, ah mince! je savais pas, sinon tu penses bien....
      dommage Shuffle j'aurai aimé t'entendre sur Daho....

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  3. A priori pas trop ma cup of tea mais...
    J'aime plutôt bien ses tubes des années 80. Du coup, peut être me laisserai-je tenter par celui ci. Histoire de voir l'évolution de ce chanteur assez discret et élégant.

    Bonjour a votre Dame cher Luc (glups).

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  4. J'ajoute que si la pochette du disque m'évoque celle de "L'imprudence" de Alain Bashung, ce titre et ses violons m'y ramène également.

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  5. Oui, Vincent, il y a une parenté entre les deux chanteurs, dans leurs approches à "produire" des disques.

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  6. Bin moi, la nana je lui mettrais bien une cartouche, je lui casse ses pattes arrières à cette poule.
    Je vais trop fort ? Censuré ?
    Merde alors.

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