mercredi 20 juillet 2011

POPA CHUBBY - "Booty and The Beast" - (1995) par Bruno


     Theodore "Ted" Horowitz est né le 31 mars 1960 à Brooklyn. En écoutant du Rhythm'n'Blues et de la Soul  à la radio, il s'éprit de musique ; il commença à jouer en débutant par la batterie. Suite au décès de son père qui l'obligea à aller vivre chez ses grands-parents (certainement dans le Bronx), il dut abandonner l'imposant instrument. Quelques années plus tard, les sens échauffés au son de Led Zeppelin et des Stones, il reprit le chemin de la musique via la guitare. Il remonta à la source qui abreuvait ces anglais, s'initiant ainsi au Blues de Willie Dixon, Humbert Sumlin', Albert King, Freddie King et d' Otis Rush, ainsi qu'au rock de Chuck Berry. Parcours qui alimenta son jeu.

     Fin 70, Ted fut séduit par l'énergie du Punk, il laissa alors tomber les douze mesures et partit en tournée avec Richard Hell. Ce sera sa première expérience professionnelle sur la route.
C'est vers 1988 qu'il revint au Blues. Il fonda le Popa Chubby Band et s'attaqua à tous les clubs de la ville, ne quittant la scène que lorsqu'il était vidé, épuisé. Car son but, c'était avant tout de devenir un bon. Et pour y parvenir, Ted pensait que la seule façon d'y parvenir c'était de jouer le plus possible. En conséquence, il essayait de tenir un régime de 300 dates annuelles.
Se créant progressivement une réputation dans les comtés de l'état de New-York, Il fut assigné à résidence au club de Blues hip de New-York, le Manny's Carwash, afin d'accompagner tous les artistes de passage (comme un temps Jimmie Vaughan au Club Antone's à Austin).


     En 1991, le club organisa un concours national du meilleur groupe, ou du meilleur musicien, de Blues, avec le concours de plusieurs états pour une sélection successive. D'abord réticent, c'est sur l'insistance de son manager qu'il y participa. Bien lui en prit. Il le remporta. C'est à peu près au même moment qu'il sortit son 1er opus auto-produit, enregistré à la maison : It's Chubby Time. Plus tard, il dira que l'album était un peu trop travaillé, dans le sens où il voulait que cela sonne foncièrement Blues, et qu'en conséquence, il manquait de naturel.


     L'année suivante, sortit Gas Money qui affiche déjà une évolution, un degré de maturité supplémentaire. Popa semble se lâcher un peu plus, n'hésitant pas à prendre des virages vers le Rock. Ces deux opus alliés aux concerts lui conférèrent un succès d'estime de la part des amateurs du genre.

     Et puis ce fut le jackpot, avec un contrat avec O'Keh, que Columbia essayait de relancer avec la signature de jeunes talents (dont G. Love & Special Sauce, signé dans la foulée).
Ne voulant pas faire les choses à moitié, le label dépêcha Tom Dowd (20/10/25 - 27/10/02) - le célèbre ingénieur du son, pionnier de l'enregistrement sur huit pistes (Ampex), qui avait travaillé pour Aretha Franklin, Allman Brothers Band, Lynyrd Skynyrd, Ray Charles, Clapton, Rod Stewart, J.Geils Band, The Drifters, Cream, Charlie Parker, etc...
   Grâce à Tom Dowd, Popa s'initia au travail en studio. Il découvrit un monde qu'il ne soupçonnait pas, qui lui demanda une concentration et une performance égales à celles déployées sur scène.
Popa ne souhaitait pas s'encombrer de technologies nouvelles. L'enregistrement est totalement analogique – fait à l'ancienne ; "avec un micro Shure SM 57 placé au bon endroit". Son matos se limite à sa fidèle Stratocaster de 69, une LesPaul Jr 54 et une Telecaster (modèle récent), et de son ampli Fender Twin Reverb vintage. Une Tube Screamer (que l'on a pu voir sur scène placée dans la boucle d'effets de l'ampli, et laissée dessus, et non au sol) et un Echoplex pour seuls effets. Question guitares, même si plus tard il aura un modèle signature chez Epiphone reprenant les caractéristiques des vieilles Flying V, et qu'on le vit parfois avec une LesPaul Junior, son modèle de prédilection reste la Stratocaster, millésime 60's de préférence, qui demeure pour lui l'instrument le plus versatile.
 

   La production est ad-hoc et fait table rase de tout arrangement superfétatoire. Chose qui a parfois gâché bien des enregistrements de Blues, en pensant lui donner des lettres de noblesse avec des arrangements boursouflés.

 
     Popa et Tom ne prennent pas de risque en débutant par le classique de Freddie King, Palace of The King (composé à son intention par Leon Russell, Donald Dunn et Don Nix). Toutefois, il n'est pas donné au premier clanpin venu d'être à la hauteur du géant Texan. Notamment au niveau de la voix. Et là, surprise, non seulement Popa s'en tire très bien, mais en plus, il fait sienne cette reprise qui se fond parfaitement dans son Blues-Rock. Il faut dire que Popa a beaucoup appris auprès de la musique du Texan.  Il s'en est servi de matériau pour forger son propre style. D'ailleurs, il ne s'en est jamais caché, et dans les interviews qui suivirent ce disque et les deux suivants, il ne tarissait pas d'éloges envers ce grand musicien. Et puis il y aussi la reprise de Same Old Blues... L'influence de Freddie King est si prégnante sur cet opus, qu'il n'est pas exagéré de dire qu'il est dans la continuité du fabuleux "Getting Ready...", dont ces deux reprises sont issues. Avec bien sûr, une rugosité héritée du parcours Hard-Blues et Punk-Rock de Ted. On retrouve également cette influence, comme une filiation directe, dans la voix graveleuse, puissante et expressive de Popa. Généralement le point faible des bluesmen blancs, la sienne a trouvé le ton juste pour se fondre totalement dans la musique. 
Popa n'est aucunement un clone ou un vulgaire copieur. Il a assez confiance en ses propres capacités et qualités pour revendiquer haut et fort ses influences, sans avoir à rougir de la comparaison. En toute franchise, il révélera ses sources, ie les plans et les phrasés qu'il a repris de ses mentors. 
Ainsi, sur Waitin' for The Light où les gimmicks sonnent comme ceux d'un autre grand nom, un innovateur de la guitare Blues, Hubert Sumlin', afin d'éviter tout malentendu tout en s'en amusant, il hurle comme le Wolf.
Popa n'a rien à cacher. Et pour cause, les cartouches suivantes sont toutes d'une qualité exemplaire. Certes, sur certaines compositions, le gaillard se révèle bavard, mais il a de la conversation et surtout du vocabulaire. Et ce, sans radoter. (toutefois sur sa discographie plus récente, il semble parfois en pilotage automatique - de luxe - mais automatique). 
   En quinze titres, Popa dévoile tout son savoir-faire en matière de Blues-Rock. Cela va du classique, en passant par des rythmes plus funky, syncopés, en ostinato (Stoop Down Baby ; Anything You Want), des slow-blues poignants (Trouble), feutrés (Sweat) ou (très) appuyés (Angel in my Shoulder), à des choses plus rock, flirtant avec un Heavy-rock 70's (Lown down and Dirty ; You Rub Me), pour finir sur des chansons emblématiques faisant office d' hymnes (Sweet Goddess of Love and Beer ; Lookin' Back).


     Un album cru, sans pathos, exempté de l'héritage de Stevie Ray Vaughan qui plombait une majorité des productions des années 90, ou de l'ombre Hendrixienne. Sans fioritures à l'exception d'un peu de piano et d'orgue en soutien. Cette galette, à sa manière, apportait un bol d'air frais.


     Du début des années 90 jusqu'à aujourd'hui, il est rare de trouver un album de Blues-Rock blanc d'une telle qualité, et ce, de bout-en-bout. Même Popa Chubby malgré sa discographique pléthorique n'aura pas réussi à renouveler l'exploit. Du moins réaliser un disque dont l'intégralité soit de ce niveau. Sauf peut-être l'excellent Brooklynn Basement Blues.

     Son Blues urbain fut rapidement assimilé à la nouvelle scène de New-York. Dans son sillage suivirent Steve Johnson, Bill Perry, Neal Black, Mason Casey, Big Ed Sullivan.

     Et que dire de cette pochette à cent lieux des canons des musiciens de Blues. Une prise de risques car rien dans l'artwork ne laisse supposer que le rappeur, placé dans un décor rose-bonbon délavé, qui a sa trogne sur la pochette balance un Blues des plus torrides et racés à la fois. 

"Beaucoup s'imaginent qu'en jouant à la note près des standards du Blues, ils deviendront des bluesmen. Je ne suis pas un puriste ; je suis New-Yorkais. Je ne crois pas à la pureté musicale, ce sont des foutaises. Ce qui m'a attiré vers le Blues, le Rythm'n'Blues, et même le Punk-rock, c'est que ces musiques capturent des sensations. Tous ceux qui essaient de comprendre le Blues d'après une démarche intellectuelle ont tout faux. Ce qui m'a amené au Blues, c'est l'authenticité de l'émotion qui l'anime" - Ted Horowitz

  1. Palace of The King (L. Russell, D. Dun, D. Nix) - 3:43
  2. Lookin' Back - 4:02
  3. Healing in her hands - 3:55
  4. Sweet Goddess of Love and Beer - 4:40
  5. Stop Down Baby - 4:42
  6. Trouble - 5:44
  7. Same Old Blues (Don Nix) - 5:43
  8. Anysthing You Want me to Do - 4:40
  9. Low Down and Dirty - 4:40
  10. Waitin' for the Light - 4:08
  11. Angel of my Shoulder - 4:46 
  12. You Rub me the Wrong Way - 4:17
  13. Secret Chubby - 0:25
  14. Sweat - 5:52
  15. Chubby's Goodnight - 0:56
On trouve la première version des "Sweet Goddess", "Angel in my shoulder" et" Stoop down" sur "It's Chuuby time" et "Gas Money". 

P.S. : le surnom de Ted viendrait de Bernie Worell, le clavièriste de Funkadelic et Parliament. Un jour, Horowitz alla retrouver un ami sideman. Ce dernier était en train d'écouter avec Worell une chanson : "Poppa Chubby" (en bonus sur l'album solo "Funk of Ages", de Bernie Worrell). Bernie et le pote sideman reprirent gaiement ensemble le refrain, pendant que le premier pointait du doigt Ted, qui en fit son patronyme d'artiste.

En direct à la télévision américaine en 95, avec son épouse aux chœurs (la brune, 1ère à gauche)


Article / Popa Chubby (dans l'futur) :
"I'm Feelin' Lucky"

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